C'est à la planche 22 que le lecteur est entretenu de l'existence de la menace : il est question d'une "grave affaire d'espionnage", d'un "mystérieux réseau" (vignette A2). La perspicacité de Blake va pousser à augmenter les suspicions sur la firme suédoise "Scandinavia", qui communique via le micro-point de Zapp avec "un certain Per Enrik Quarnstron" travaillant dans l'import-export (planche 23, vignette C2), alias Monsieur Henri, alias Olrik. Très vite, Blake est en mesure de faire le point sur le mode opératoire du réseau (planche 24, vignette D2) : "le réseau qui fait l'objet de nos recherches et dont la mission dont nous échappait, s'occuperait en fait de la transmission d'ordres et d'indications météorologiques spéciales, venues de l'étranger, à une centrale (située vraisemblablement près de Paris). Centrale qui, à son tour, retransmettrait ces messages à une série de sous-stations chargées, Dieu sait dans quel but ! de troubler le cours de la nature !!!..." Si la technique du réseau est dévoilée, on voit que le but n'est, lui, toujours pas dégagé. Il ne le sera jamais vraiment, du moins explicitement.
Les curieux agissements de Monsieur Henri sont là pour nous montrer qu'il est un agent du réseau : Labrousse estime que "c'est un nordique, Finlandais ou Suédois" (planche 26, vignette B3), ce qui coïncide avec la piste scandinave. Question : Olrik a-t-il pris la place d'un véritable Monsieur Henri, comme il l'avait fait plus tôt avec Grossgrabenstein ; ou bien s'agit-il d'un personnage inventé de toutes pièces ? Labrousse semble bien connaître son voisin, mais nous ne saurons pas depuis combien de temps il réside dans son appartement. Blake fera le rapprochement avec Per Enrik Quarnstron à la planche 28, en confiant à Labrousse (vignette D1) : "Eh bien, il se fait que "Monsieur Henri", votre cher voisin, n'est autre que le destinataire du message secret que vous avez déchiffré ce matin, et plus que probablement le chef d'un mystérieux réseau de sabotage chargé d'une mission pour le moins originale : celle de perturber le temps !!!"
Planche 45, quand Labrousse détecte l'imminence d'un "brouillard d'une opacité exceptionnelle, [qui] devrait couvrir tout le pays... et pourrait même s'étendre à des pays voisins", se fait jour une attaque de type militaire : Pradier y voit une explication aux "curieuses manoeuvres combinées qui se déroulent actuellement à la frontière". La France est-elle la seule concernée, si d'autres pays doivent être touchés par le même brouillard ?
Dans le repaire de Troussalet, Olrik demande à Mortimer : "Mon offensive "Météores" vous gêne-t-elle si fort ?..." (planche 48) Pourtant, le colonel n'est clairement pas à la tête du réseau. Nous découvrons ensuite le professeur Miloch Georgevitch, dont le patronyme laisse à penser qu'il est originaire d'Europe de l'Est. La cible du réseau Cirrus se fait plus précise quand Miloch nomme l'Europe occidentale (planche 49, vignette D1). Le professeur fait ensuite usage de la première personne du pluriel, ce qui nous empêche de connaître l'identité de l'organisation pour laquelle il travaille. L'apparition du général nous confirme cependant sa tutelle militaire.
Blake identifie définitivement les velléités belliqueuses de l'ennemi planche 52 (vignette D3) en découvrant le repaire du château de Troussalet. Il craint des parachutages et souligne que les lieux se situent à 9 km du Shape, le "centre nerveux de la défense atlantique". Quand l'aspect toxique du brouillard sera découvert, Blake fera de nouveau référence au Shape en demandant à Pradier de l'alerter immédiatement. Ainsi, la perspective de la guerre froide apparaît nettement, sans être explicite pour autant. Pradier insistera planche 56 sur l'idée que le déclenchement d'une guerre est en jeu.
L'aventure se conclut sur l'apparition d'une escadrille. Si quelqu'un est capable d'identifier les appareils et leur bannière, je suis preneur car le narrateur est encore une fois très imprécis : "... et voici que déjà dans l'azur enfin purifié passent les innombrables escadrilles qui foncent à la rencontre de l'ennemi !!!..." Olrik contribue à maintenir le flou sur l'identité de son réseau : "Dans quelques minutes, "ILS" seront là ! Rien ne pourra les arrêter ! La mission a réussi !" Apparaît donc la perspective d'un combat aérien, dont on ne saura rien. En effet, une ellipse narrative de "quelques jours" sépare la dernière vignette du récit radio du défilé sur les Champs-Elysées, où l'on "se croirait revenu aux heures exaltantes de la Libération"... Qu'est-ce qui peut expliquer un tel engouement ?
Finalement, la question est : pourquoi Jacobs a-t-il voulu être si flou ? Alors qu'elle ne fait guère de doute, la menace soviétique n'est jamais pointée directement (Miloch indique que l'Europe occidentale est ciblée et le Shape, quartier général de l'OTAN, est perçu comme étant en danger)... Du reste, quelle place et quel crédit accorder à la partie scandinave du réseau ? A vous de répondre, old chaps !
