On parle de Charlier, hop, j'arrive... surtout pour apporter d'importantes précisions/rectifications... Car il faut comparer ce qui est comparable.
Park Lane a écrit :Un exemple déjà ancien de l'histoire de la bande dessinée le montre assez bien : le cycle de la jeunesse de Blueberry pourtant commencé du vivant des créateurs de la série (il me semble que Charlier était encore parmi nous au moment de la parution du premier opus de cette série parallèle, mais je peux me tromper).
Charlier était d'autant plus vivant que c'est lui qui, avec Giraud, a lancé cette série sur le jeunesse de Blueberry en...
1968 ! Le personnage de Blueberry n'existait que depuis 5 ans. Quand,
21 ans après, JMC est mort (donc en 1989, il y a juste 25 ans comme je le disais un peu plus haut dans le présent topic), le scénariste François Corteggiani a pris sa suite.
Park Lane a écrit :Même dans les albums les mieux dessinés et les mieux construits, je n'ai jamais trouvé un grand charme à cette fresque juvénile.
Précisons les choses car ça dépend de quoi on parle. On va dire qu'il y a cinq périodes distinctes tout au long de cette Jeunesse, depuis sa création :
1) le tout premier récit de la Jeunesse a en fait été dessiné et écrit par Giraud lui-même (sous contrôle de Charlier quand même ; récit court de 16 planches). En 1968.
2) puis, très vite, Charlier a repris la main et a rédigé 8 récits (dessins de Giraud, récits de 16 planches chacun également). De 1969 à 1970. La parution serrée de ces récits (voir plus bas) était telle qu'il a fallu écrire et surtout dessiner très vite, d'où bâclage.
3) puis, Giraud a laissé sa place à Colin Wilson. Autre type de dessin, mais toujours Charlier au scénario. Là, ce sont des albums de 46 planches. Epoque : années 1980 jusqu'en 1989, càd jusqu'à la mort de Charlier.
4) donc, Charlier est mort et a été remplacé par Corteggiani, avec toujours Colin Wilson au dessin. Autre style de scénarios (toujours de 46 planches). A partir de 1990.
5) enfin, Colin Wilson a quitté la série et a été remplacé par Michel Blanc-Dumont. Encore autre type de dessins. Je ne sais pas la date de ce remplacement, ne m'intéressant qu'à la partie "Charlier" de ses séries. Et c'est toujours l'équipe Corteggiani/Blanc-Dumont qui de nos jours, réalise les albums, à raison d'un par an.
Donc, selon les époques : dessins différents, réalisés à des cadences différentes, sur des styles narratifs différents, et de longueurs différentes, un récit de 16 planches ayant une "respiration" différente d'un récit de 46 planches.
Park Lane a écrit :Il est aussi vrai que dans Ballade pour un cercueil, les auteurs avaient déjà raconté les origines de leur personnage dans un long avant propos si bien que l'intérêt de les mettre en scène dans des albums était faible en dehors du plaisir que le lecteur pouvait peut-être ressentir en découvrant une mise en image de ce mythe de fondation.
C'est l'inverse ! Dans le cadre des suppléments trimestriels du journal Pilote, les fameux (?) Super Pocket Pilote, à partir de l'automne 1968, Charlier a écrit de nombreux scénarios racontant, sous forme de récits de fiction courts, la jeunesse de ses héros de l'époque : Blueberry, Tanguy & Laverdure, et Barbe-Rouge. C'est après qu'est venu l'album Ballade pour un cercueil, et comme il manquait de la matière pour boucler un album composé d'un nombre de pages acceptable par la presse de l'imprimeur (tout est fonction des capacités et des caractéristiques des presses qui impriment les feuilles des albums de BD... à quoi ça tient !), il a fallu combler 16 pages. Charlier a imaginé de boucher le trou en racontant la jeunesse de Blueberry... en reprenant le fil conducteur et les péripéties (et en romançant un peu) de ce qu'il avait raconté deux ou trois ans avant, en BD, dans les récits courts des suppléments de Pilote.
Charlier en a profité pour faire un peu de prospective en annonçant, longtemps à l'avance, ce que seraient les futures aventures de Blueberry dans la série principale, n'imaginant pas du tout qu'il relancerait un jour la série parallèle de la Jeunesse. Et tout le monde croit que ces annonces pour des aventures futures dans la préface de Balade pour un cercueil sont une "Bible" qu'il faut suivre à la lettre, alors que Charlier a fait ça "vite fait sur le gaz", juste pour remplir des pages blanches... et alors que, dans les épisodes suivants de la série mère qu'il a écrits, il a lui-même plus ou moins bifurqué par rapport à ce "fil conducteur" assez ténu d'ailleurs, mais improvisé. J'oubliais de préciser que cette préface est présentée comme le fruit d'une longue recherche dans les archives américaines, alors que c'est pipeau ! Charlier a tout inventé. Le fameux tableau, publié dans la préface "pleine page", dû à un peintre américain et censé représenter le seul portrait connu de Blueberry, a été inventé aussi, pour l'occasion, et si l'auteur signe Peter Clay, c'est en réalité le pseudo de Pierre Tabary, frère de Jean Tabary qui est, lui, le dessinateur d'Iznogoud et l'auteur de Valentin le Vagabond (entre autres BD connues).
Quant à la plupart des récits de la Jeunesse de Blueberry, pour ne pas dire tous, écrits par Corteggiani à partir de 1990, ils ne sont évoqués nulle part dans cette préface de la Ballade ; Corté est parti de sa propre documentation et de sa seule imagination (sauf que - exception qui confirme la généralité, comme toujours - on a appris récemment que dans les prochains albums à paraître, il s'est servi d'un détail laissé par Charlier au détour d'une phrase dans la préface de Ballade pour un cercueil : la mère de Blueberry est une mulâtresse, fille du pirate Jean Laffite ; et je crois savoir que Blueb va en Louisiane sur les traces de sa famille maternelle).