Prépublication Bâton de Plurarque- vos commentaires

Scénario : Yves SENTE
Dessin : André JUILLARD
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Quarnstron
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Message par Quarnstron »

jyb a écrit :
Park Lane a écrit :Toutes ces précisions sont passionnantes et révèlent combien le travail en duo du scénariste et du dessinateur relève d'un art délicat qui exige une grande attention et une grande rigueur. Je trouve extrêmement éclairantes tes remarques au sujet des problèmes d'interprétation qu'ils peuvent parfois rencontrer au moment de l'incarnation du scénario par l'image.
J'ajoute une précision dont il faut tenir compte dans toute collaboration scénariste/dessinateur. Souvent, de grands scénaristes ont été, à leurs débuts ou dans leur prime jeunesse, des dessinateurs. Des dessinateurs pas forcément au top ; je dirais même qu'ils s'aperçoivent, ou que leur entourage professionnel s'aperçoit pour eux, qu'ils sont davantage faits pour raconter des histoires, et un jour, ils se sont tournés entièrement vers le scénario, qui est davantage leur "truc". C'est le cas de Charlier et de Goscinny (je ne prends pas au hasard ces deux exemples). Car c'est important qu'un scénariste ait eu une expérience de dessinateur, pour se mettre dans la peau du dessinateur quand ce scénariste prépare un scénario et élabore le découpage et les descriptions.

Mon credo à moi est que justement, un scénariste qui n'a jamais dessiné, qui n'a jamais été confronté au devoir de représenter quoi que ce soit sous forme de dessins, au besoin en faisant l'effort de rechercher des photos, de se prendre la tête avec des questions aussi diverses que, par exemple, l'anatomie du corps humain, la composition d'une image, etc., peut difficilement être scénariste de BD (il peut certes imaginer une histoire avec ses péripéties, mais il peut difficilement passer à la phase concrète "découpage pour une BD"). Le scénariste qui scénarise une BD mais qui ne se préoccupe pas des difficultés du dessinateur, qui ne visualise pas ce que son dessinateur va pouvoir faire, qui n'a même parfois aucune notion de dessin, et qui passe à autre chose une fois qu'il a envoyé son scénario par La Poste ou via sa messagerie, en s'en lavant les mains : j'ai un doute quant au résultat final...

Mais tous les cas de figure sont à envisager : par exemple un scénariste qui propose à son dessinateur une sorte de synopsis détaillé (mais pas découpé, à charge pour le dessinateur de s'occuper lui-même du découpage page par page, image par image) ; par exemple encore une écriture à deux : un co-scénariste imagine l'histoire, et un autre co-scénariste installe les dialogues, et, cerise sur le gâteau, le dessinateur qui reçoit ça aménage les planches selon ce qu'il lui semble préférable (dans ce cas, le dessinateur devient à son tour co-scénariste). Etc. Bref, toujours est-il que, j'y reviens, ce serait bien qu'un scénariste (ou des scénaristes s'ils sont plusieurs sur le coup) aient une expérience et une vision de dessinateur pour préparer au mieux un scénario de BD.

Il y a le cas aussi, bien sûr, des auteurs complets qui savent tout faire, et bien : bons scénaristes ET bons dessinateurs à la fois (Hergé, Jacobs justement puisque nous sommes sur "son" forum, Greg, Pratt, Tillieux... parmi les plus connus et les anciens décédés).
C'est très intéressant, et, corrigez-moi si je me trompe, je crois que cet art du découpage était aussi une nécessité (perdue chez certains aujourd'hui ?) et le produit des prépublications.
Le fait que les histoires soient impérativement rythmées pour qu'à la dernière case de chaque planche ou presque il y ait ce petit élément qui tient en haleine et donne envie de poursuivre la lecture (et donc d'acheter le numéro suivant)... Ce fameux "cliffhanger" propre à tout feuilleton bd, roman ou télévisé.
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Park Lane
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Message par Park Lane »

mokenamoke a écrit :Une secrétaire ? Si tu parles du lieutenant Clark, ce serait donc un travesti ? On aura tout vu ! :lol: :lol: :lol:
Tu as raison ! C'est UN lieutenant et non UNE secrétaire. Mais depuis le début et même dans es planches en couleur publiées par Casemate j'ai confondu ce lieutenant poupin à chevelure gonflée et ondulée avec une sorte de demoiselle dodue et hommasse : le côté Sodome et Gomorrhre du Bâton de Plutarque ?
Il est d'ailleurs bien délicat de l'estomac ce pauvre lieutenant ! Comme cela est curieux ! C'est ce qu'on appelle du suspens gastrique !
Donc il serait peut-être un cousin de la traitresse secrétaire de La Machination Voronov ?
I don't know.......

:idea:
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Message par jyb »

Quarnstron a écrit :C'est très intéressant, et, corrigez-moi si je me trompe, je crois que cet art du découpage était aussi une nécessité (perdue chez certains aujourd'hui ?) et le produit des prépublications.
Le fait que les histoires soient impérativement rythmées pour qu'à la dernière case de chaque planche ou presque il y ait ce petit élément qui tient en haleine et donne envie de poursuivre la lecture (et donc d'acheter le numéro suivant)... Ce fameux "cliffhanger" propre à tout feuilleton bd, roman ou télévisé.
Oui, c'est un truc classique de scénaristes de BD. Aujourd'hui, pas mal de scénaristes oublient cela car les histoires sont éditées directement en album, et la nécessité d'avoir un suspense accrocheur en bas de chaque planche n'est plus évidente. Toutefois, certains continuent de suivre la consigne, et il le faut car cela oblige à une gymnastique amenant une certaine densité de l'action et un certain nombre de rebondissements, prépublication dans un journal ou pas.
Par exemple, un maître du suspense de bas de page, c'est Van Hamme. Qu'il pleuve ou qu'il vente, que ses histoires soient publiées en album directement ou prépubliées dans tel ou tel journal, quels que soient le thème de ses séries ou les scènes qu'il raconte, il place toujours un bon suspense dans la dernière case de chaque planche, et il calcule toujours le déroulé de chaque planche pour y arriver.

Au fait, je profite de cette intervention pour revenir sur la question de la relecture, par leur propre scénariste, des planches d'une BD avant parution.
En effet, j'ai l'impression d'avoir laissé croire que le scénariste se méfie de ses dessinateurs en demandant donc à voir le résultat. Ce n'est pas le cas, d'autant que Gadjo a dit avant moi que des coquilles diverses et multiples, il y en a tout le temps dans les livres ; c'est la faute à personne en particulier ; réaliser un livre, une BD, est un travail particulier et lourd. Bref, il vaut mieux que le scénariste vérifie par lui-même. D'abord, comme je l'ai dit, il vaut mieux être un de plus à relire, ça fait davantage de chances de pouvoir repérer le maximum de coquilles et erreurs. Ensuite, des étourderies, bien excusables, de la part du dessinateur peuvent s'être glissées ici et là, et c'est sans doute son co-auteur qui est le plus à même de les voir.

Mais j'oubliais une autre raison, et c'est peut-être la principale (en tout cas à mes yeux, en tant que scénariste moi-même) : aussi soigneux et consciencieux que puisse être un scénariste, des éléments ont pu lui échapper, et c'est en visualisant les planches réalisées d'après son scénario, avec le recul (une planche est dessinée plus ou moins longtemps après l'écriture du scénario), "à tête reposée" comme on dit, et avec l'oeil neuf du lecteur qui découvre, qu'il peut se rendre compte que quelque chose cloche éventuellement dans son scénario. Cela m'est arrivé de nombreuses fois de me rendre compte, de cette façon, de petites incohérences ou d'improbabilités scénaristiques, qu'en général il est assez facile de corriger, soit dans le texte, soit dans le dessin - parfois, ça demande de refaire un dessin complet, là c'est embêtant...

Et comme nul n'est infaillible, même les plus grands, je vais reprendre un exemple avec JM Charlier, et toujours dans son histoire de Ron Clarke (dont j'avais oublié de donner le titre : Le Tigre de mer).
Dans la planche 26, un commando (dirigé par le héros Ron Clarke) attaque une île sur laquelle sont planqués des pirates. Dans le bas de la planche, la 26B donc, les membres de ce commando arrivent en vue d'une élévation. Voici ce que cela donne dans le dessin original, avant modification, et avec les annotations de Charlier :
Image
On comprend que Charlier n'avait pas pensé à mettre en présence des guetteurs sur le sommet de ce volcan éteint. Charlier a donc barré la bulle d'une croix et mis en bas, sous la case (là aussi, je confirme que c'est bien son écriture) : "A revoir (oui, il y a sûrement des guetteurs)". Là, c'est facile à rectifier : il suffit de refaire le contenu de la seconde bulle, et voici ce que ça donne en finale :
Image
Comme on le constate, le dessinateur n'a pas modifié le tracé du phylactère concerné, et on a donc une bulle d'une certaine dimension, avec dedans un texte relativement court entouré de pas mal de marges blanches...

En haut de la planche suivante, la 27A, le commando passe à l'attaque. Dans la version première, il n'y a pas de guetteurs qui gênent l'opération. Voici cette version originale, avec les annotations de Charlier (y compris la correction de deux petites fautes d'accent dans les bulles) :
Image

Mais dans la version définitive, voici ce que cela donne pour se débarrasser des guetteurs dont la présence s'avère logique et obligatoire, en usant d'un artifice pour ne pas obliger le dessinateur à tout refaire :
Image

J'ai d'autres exemples comme ça à raconter sur d'autres BD de Charlier, mais je n'ai pas les versions originales pour pouvoir le démontrer (je n'ai eu entre les mains que quelques scénarios manuscrits, que j'avais pu lire autrefois, mais je ne les ai pas par devers moi pour faire des scans et montrer ici la différence entre "avant" (= la version écrite) et "après" (= la version dessinée et définitive après modifications).

Bref, c'est pour cette raison aussi qu'un scénariste, quels que soient sa notoriété et son savoir-faire, doit relire les planches dessinées avant parution.
Modifié en dernier par jyb le 13 août 2014, 13:10, modifié 3 fois.
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Message par Park Lane »

Très bel exemple et habile façon de régler le problème des guetteurs ! L'humour se joint ici à l'efficacité ! Merci Jyb de ces analyses passionnantes !
J'aimerais beaucoup que par la suite tu nous donnes les exemples que tu évoques à la fin de ton message. Cela vaudrait d'ailleurs le coup d'ajouter une rubrique Grands créateurs de bd pour traiter le cas des auteurs qui ne sont pas identifiés avec une seule série. Tu pourrais peut-être l'inaugurer si tout le monde et notamment nos Administrateurs en sont d'accord ?
Ah si le Bâton de Plutarque pouvait être ainsi l'objet d'autant de minutie et d'inventivité ! Mais Jean-Michel Charlier était en effet un créateur d'une autre trempe que nos auteurs ! Je me souviens avoir lu un numéro spécial sorti en hommage après sa mort prématurée, et d'avoir à l'époque été impressionné pour ne pas dire estomaqué par l'oeuvre et le soin constant apporté à toute chose par ce grand créateur et grand travailleur. Il ne plaidait pas les circonstances atténuantes de la paresse, lui !

:idea:
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Message par jyb »

Park Lane a écrit :Très bel exemple et habile façon de régler le problème des guetteurs ! L'humour se joint ici à l'efficacité ! Merci Jyb de ces analyses passionnantes !
De rien...
Park Lane a écrit :J'aimerais beaucoup que par la suite tu nous donnes les exemples que tu évoques à la fin de ton message. Cela vaudrait d'ailleurs le coup d'ajouter une rubrique Grands créateurs de bd pour traiter le cas des auteurs qui ne sont pas identifiés avec une seule série. Tu pourrais peut-être l'inaugurer si tout le monde et notamment nos Administrateurs en sont d'accord ?
Oui, mais je suis débordé (là, je passe déjà pas mal de temps à préparer tout ça...) et puis, je ne connais que Charlier. En outre, j'ai toujours eu en tête de préparer un jour un livre sur Charlier, et je préfère ne pas trop en dire sur les forums (déjà que j'ai dit beaucoup sur Aéroplanète, au sujet "Jean-Michel Charlier" justement...).
Park Lane a écrit :Mais Jean-Michel Charlier était en effet un créateur d'une autre trempe que nos auteurs ! Je me souviens avoir lu un numéro spécial sorti en hommage après sa mort prématurée, et d'avoir à l'époque été impressionné pour ne pas dire estomaqué par l'oeuvre et le soin constant apporté à toute chose par ce grand créateur et grand travailleur. Il ne plaidait pas les circonstances atténuantes de la paresse, lui !
Hélas, il en est mort, puisqu'il est décédé relativement jeune (64 ans) de fatigue générale... (insuffisance reinale, problèmes cardiaques, il dormait très peu...).
Et comme toujours, voir mon site pour découvrir l'étendue de sa production, ainsi que plein d'anecdotes de sa vie : http://www.jmcharlier.com
Modifié en dernier par jyb le 13 août 2014, 13:15, modifié 1 fois.
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Message par Park Lane »

Oui, je me souviens d'avoir lu à l'époque le vibrant et émouvant hommage d'autres auteurs parmi ses amis et partenaires. J'étais encore jeune et cela m'avait énormément impressionné car on découvrait à quel point la bande dessinée dans le secret de l'atelier pouvait être une exigence absolue à mille lieues de l'idée que tant de gens s'en faisaient encore. J'avais l'impression que les créateurs de bd du type de Charlie étaient un peu comme les peintres italiens de la Renaissance qui étaient sur dix chantiers à la fois et dirigeaient d'une main de maître des ateliers où travaillaient avec eux des dizaines d'élèves dont certains allaient ensuite devenir à leur tour des maîtres.
Merci pour le lien vers ton site que je vais visiter avec beaucoup de plaisir.

:idea:
Modifié en dernier par Park Lane le 13 août 2014, 13:21, modifié 1 fois.
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Message par jyb »

Park Lane a écrit :J'avais l'impression que les créateurs de bd du type de Charlie étaient un peu comme les peintres italiens de la Renaissance qui étaient sur dix chantiers à la fois et dirigeaient d'une main de maître des ateliers où travaillaient avec eux des dizaines d'élèves dont certains allaient ensuite devenir à leur tour des maîtres.
Justement, non, Charlier n'avait pas d'élèves (j'entends : d'élèves à qui il aurait appris le métier dans un atelier par exemple). Des scénaristes aujourd'hui se revendiquent d'être ses élèves, mais ils ont appris "sur le tas", en lisant du Charlier ; Charlier lui-même n'a pas dispensé de cours. Des scénaristes aujourd'hui disent : "J'ai bien connu Charlier". Certes, mais ce n'est pas pour ça qu'ils ont véritablement appris le métier à ses côtés.
Il faut lire son oeuvre et la comprendre en profondeur ; il faut lire aussi ses interviewes et trouver au petit bonheur, ici ou là, au détour d'une phrase, des conseils et des indications de sa façon de travailler.
Modifié en dernier par jyb le 13 août 2014, 13:23, modifié 1 fois.
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Message par Park Lane »

jyb a écrit :
Park Lane a écrit :J'avais l'impression que les créateurs de bd du type de Charlie étaient un peu comme les peintres italiens de la Renaissance qui étaient sur dix chantiers à la fois et dirigeaient d'une main de maître des ateliers où travaillaient avec eux des dizaines d'élèves dont certains allaient ensuite devenir à leur tour des maîtres.
Justement, non, Charlier n'avait pas d'élèves (j'entends : d'élèves à qui il aurait appris le métier dans un atelier par exemple). Des scénaristes aujourd'hui se revendiquent d'être ses élèves, mais ils ont appris "sur le tas", en lisant du Charlier ; Charlier lui-même n'a pas dispensé de cours. Il faut lire son oeuvre et la comprendre en profondeur ; il faut lire aussi ses interviewes et trouver au petit bonheur, ici ou là, des conseils et des indications de sa façon de travailler.
Oui, je sais qu'il n'avait pas d'élèves : c'était juste une comparaison générale entre le monde de la bande dessinée et celui de la peinture à une certaine époque. Je voulais surtout évoquer les multiples collaborations avec de nombreux dessinateurs et cela me faisait penser aux ateliers de la Renaissance. C'est tout, ma comparaison n'était pas terme à terme et je ne me suis jamais représenté Charlier en professeur, ce dont il n'aurait d'ailleurs jamais eu le temps à supposer qu'il en ait eu le désir.

:idea:
Modifié en dernier par Park Lane le 13 août 2014, 13:24, modifié 1 fois.
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Message par jyb »

Tu réponds trop vite, je n'ai pas le temps de compléter mes posts avant que tu interviennes. J'ai donc ajouté ici et là quelques phrases que tu n'as pas dû voir, dans mes deux ou trois précédents posts...
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Message par Park Lane »

jyb a écrit :Tu réponds trop vite, je n'ai pas le temps de compléter mes posts avant que tu interviennes. J'ai donc ajouté ici et là quelques phrases que tu n'as pas dû voir, dans mes deux ou trois précédents posts...
Désolé ! Je ne pouvais pas deviner que tu compléterais tes post après les avoir publiés ! Cela dit je fais la même chose quelquefois par souci de précision.
Pour une fois que le dialogue était quasi direct cela était plus vivant. Mais pardon m'sieur l'instituteur, ! Je promets de ne plus répondre trop vite !

L'essentiel est le plaisir de l'échange n'est-ce pas ?

:idea:
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Message par Quarnstron »

Fascinants exemples, cher jyb.
Je sais que c'est le forum Jacobs, mais Charlier était un très grand monsieur lui aussi et mérite bien cet hommage que nous lui rendons depuis quelques pages.
jyb a écrit : Oui, c'est un truc classique de scénaristes de BD. Aujourd'hui, pas mal de scénaristes oublient cela car les histoires sont éditées directement en album, et la nécessité d'avoir un suspense accrocheur en bas de chaque planche n'est plus évidente. Toutefois, certains continuent de suivre la consigne, et il le faut car cela oblige à une gymnastique amenant une certaine densité de l'action et un certain nombre de rebondissements, prépublication dans un journal ou pas.
Par exemple, un maître du suspense de bas de page, c'est Van Hamme. Qu'il pleuve ou qu'il vente, que ses histoires soient publiées en album directement ou prépubliées dans tel ou tel journal, quels que soient le thème de ses séries ou les scènes qu'il raconte, il place toujours un bon suspense dans la dernière case de chaque planche, et il calcule toujours le déroulé de chaque planche pour y arriver.
(...)
Ce qui me désole c'est justement que certains scénaristes (je dis cela de manière générale) oublient ces principes de base. Le découpage (de même que le cadrage) participe grandement au suspense ou à la qualité de la narration.
C'est, et je fais ici un aparté, aussi ce qui me désole dans le cinéma d'action moderne qui semble considérer qu'une caméra tremblotante tenue sur l'épaule est plus efficace en termes de narration visuelle qu'un bon découpage / montage. :p
Park Lane a écrit :
jyb a écrit :
Park Lane a écrit :J'avais l'impression que les créateurs de bd du type de Charlie étaient un peu comme les peintres italiens de la Renaissance qui étaient sur dix chantiers à la fois et dirigeaient d'une main de maître des ateliers où travaillaient avec eux des dizaines d'élèves dont certains allaient ensuite devenir à leur tour des maîtres.
Justement, non, Charlier n'avait pas d'élèves (j'entends : d'élèves à qui il aurait appris le métier dans un atelier par exemple). Des scénaristes aujourd'hui se revendiquent d'être ses élèves, mais ils ont appris "sur le tas", en lisant du Charlier ; Charlier lui-même n'a pas dispensé de cours. Il faut lire son oeuvre et la comprendre en profondeur ; il faut lire aussi ses interviewes et trouver au petit bonheur, ici ou là, des conseils et des indications de sa façon de travailler.
Oui, je sais qu'il n'avait pas d'élèves : c'était juste une comparaison générale entre le monde de la bande dessinée et celui de la peinture à une certaine époque. Je voulais surtout évoquer les multiples collaborations avec de nombreux dessinateurs et cela me faisait penser aux ateliers de la Renaissance. C'est tout, ma comparaison n'était pas terme à terme et je ne me suis jamais représenté Charlier en professeur, ce dont il n'aurait d'ailleurs jamais eu le temps à supposer qu'il en ait eu le désir.

:idea:
Est-ce à dire, pour rester sur l'exemple Charlier, que s'il y a des "écoles" de dessinateurs (cf. l'influence d'Hergé, par exemple), il n'y a pas de vraie "école" de scénaristes ?
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Message par jyb »

Pas trop de questions à la fois, SVP, je n'ai que deux mains et un petit cerveau, et là, je viens d'aider quelqu'un à transporter une armoire au 10e étage de son immeuble, par l'escalier parce qu'elle n'entrait pas dans l'ascenseur....
Quarnstron a écrit :Fascinants exemples, cher jyb.
La vie de Charlier est fascinante...
Quarnstron a écrit :Je sais que c'est le forum Jacobs, mais Charlier était un très grand monsieur lui aussi et mérite bien cet hommage que nous lui rendons depuis quelques pages.
Voilà les deux réunis, au célèbre restaurant Ritz, pour un anniversaire du journal de Tintin. Entre les deux, c'est Denise, l'épouse de Michel Greg. Photo : collection Raymond Leblanc.
Image
Quarnstron a écrit :Est-ce à dire, pour rester sur l'exemple Charlier, que s'il y a des "écoles" de dessinateurs (cf. l'influence d'Hergé, par exemple), il n'y a pas de vraie "école" de scénaristes ?
Il y a école et école... Une école avec des murs où des élèves sont face au professeur : oui, ça existe pour les scénaristes. Je ne pourrai pas te donner de nom ni d'adresse, de peur d'en oublier et d'avoir l'air de privilégier l'une ou l'autre. Je crois que Van Hamme lui-même a donné des cours (où et quand, je ne saurais le dire). J'avais même lu un article parlant d'un scénariste (de BD) qui avait donné quelques cours à des prisonniers, dans un établissement pénitentiaire.
Et il y a bien sûr l'école dans le sens de "courant de pensée", "ensemble d'artistes liés par une influence ou un maître communs", sans qu'il y ait véritablement un professeur qui donne des cours.
De toute façon, quoi qu'il en soit, il faut au départ avoir des prédispositions innées. Suivre des cours donnera quelques tuyaux, mais ne transmettra pas le don de la création BD.
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Message par Quarnstron »

Je pensais bien à "courant de pensée".
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Message par jyb »

Quarnstron a écrit :Je pensais bien à "courant de pensée".
Charlier disait lui-même : "A condition de se donner la peine de lire mes albums, de relever mes tics et mes manies et de s'imprégner de la série, un scénariste moyennement doué ferait facilement du Charlier" (phrase citée dans le livre de Gilles Ratier, Jean-Michel Charlier vous raconte... (éd Le Castrol Astral/Sangam).
Donc, il faut déjà être au départ "un scénariste moyennement doué"...
Quant à savoir (pour ramener la discussion sur le thème du forum) si c'est facile de "faire du Jacobs"...
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Message par Park Lane »

jyb a écrit :
Quarnstron a écrit :Je pensais bien à "courant de pensée".
Charlier disait lui-même : "A condition de se donner la peine de lire mes albums, de relever mes tics et mes manies et de s'imprégner de la série, un scénariste moyennement doué ferait facilement du Charlier" (phrase citée dans le livre de Gilles Ratier, Jean-Michel Charlier vous raconte... (éd Le Castrol Astral/Sangam).
Donc, il faut déjà être au départ "un scénariste moyennement doué"...
Quant à savoir (pour ramener la discussion sur le thème du forum) si c'est facile de "faire du Jacobs"...


Très belle et émouvante photo que celle que tu nous montres là. Quant à ce que dit Charlier, cela révèle qu'il était modeste. Ce qui ne m'étonne pas de lui.
Quant à "faire du Jacobs", cela à mon avis n'est ni possible ni le but d'une continuation puisque continuation il y a. Si déjà on sentait un effort de s'en approcher avec sincérité et lucidité, sans surtout vouloir se l'approprier comme le fait Yves Sente dans son récit, je crois qu'on pourrait déjà être très satisfait.
A tout prendre, je préfère un auteur qui prend quelques libertés avec l'oeuvre, sciemment, sans s'en cacher, ce qui est une façon d'avouer que l'imitation n'est ni souhaitable ni possible, quitte à commettre quelques légères maladresses, car sa tentative serait alors un véritable hommage, plutôt qu'un auteur qui prétend nous apporter les réponses aux questions que vous vous êtes toujours posées sur le sexe.... hum, pardon cela c'est Woody Allen, enfin vous me comprenez, et pire encore, ô suffisance, éclairer les zones d'incertitude (voire les prétendues incohérences) laissées par Jacobs, comme celle-ci qui est fondamentale, de l'aveu de Yves Sente dans l'entretien accordé à Casemate : comment les salaires de Blake et Mortimer leur ont-ils permis d'habiter le 99 bis Park Lane !
Il faut quand même être culotté pour oser !
Comment Hercule Poirot a-t-il eu l'idée de se laisser pousser la moustache ?
Comment le capitaine Haddock a-t-il eu l'idée de laisser pousser sa barbe ?
Comment Natacha a-t-elle eu l'idée de devenir hôtesse de l'air ?
Comment Olrik peut-l apporter d'être remplacé par un mannequin de mode hystérico caricatural dans le BdP ?

Autant de questions sans réponses qui m'empêchent de dormir la nuit depuis mon adolescence et je compte bien sur Yves Sente pour les résoudre dans de prochains albums consacrés à chacun de ces personnages, lui qui est semble-t-il devenu le père tout puissant des préquelles et autres prétextes, puisque il tient entre ses mains le grand bâton de commandement !

Ps : Une autre question me taraude. Tintin connaissait-il déjà Milou lorsque il est venu habiter rue du Labrador ?

:idea:
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Message par Quarnstron »

Il me semble reconnaître Goscinny aussi sur la photo (table du fond). Autre grand bonhomme...
Park Lane a écrit : (...)
aveu de Yves Sente dans l'entretien accordé à Casemate : comment les salaires de Blake et Mortimer leur ont-ils permis d'habiter le 99 bis Park Lane !
(...)
Authentique ? :shock:
J'ose espérer qu'il y avait une pointe d'humour avec, un (rires) inséré juste après, par exemple.
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Message par Park Lane »

Quarnstron a écrit :Authentique ? :shock:
J'ose espérer qu'il y avait une pointe d'humour avec, un (rires) inséré juste après, par exemple.
Oui, authentique ! Et sans la moindre pointe d'humour !
On demande à Yves Sente, (page IV du dossier spécial B&M du numéro 73, été 2014 de Casemate), ce qui choque les anglais dans les aventures de nos héros. Voici sa réponse intégrale à ce sujet :

"Comme eux, c'est sans doute la conséquence de mon côté maniaque, je me suis toujours demandé comment les deux amis, avec des salaires de scientifique ou de militaire, pouvaient vivre à Hyde Park, l'un des quartiers de Londres les plus huppés. Leur logeuse s'appelle Mrs Benson. Donc il y a, ou il y a eu un Mr Benson. Qui était-il ? Que faisait-il ? Que s'est-il passé pour que Blake et Mortimer se retrouvent chez eux ? Nous donnons aussi des réponses à ces questions que, par le passé et comme lecteur, je me suis posées plusieurs fois."

Ce n'est pas de l'humour mais le plus plat positivisme qui puisse être ! Or, le positivisme, dans la lecture et plus encore la création est ce qui fait l'impuissance et la stérilité d'esprits sans imaginaire. On le voit bien ici.
Ce qu'Yves Sente aurait dû faire, ce n'est pas un album des aventures de Blake et Mortimer, mais un dictionnaire des questions sans réponses dans la série.

Question: Mrs Besnon a-t-elle selon vous une tête de veuve du major qu'on découvre dans le BdP ? C'est le prototype de la vieille dame anglaise venu tout droit de Holmes et d'Agatha Christie. Rien à voir avec cette reconstitution ridicule et sans la moindre once d'intérêt que l'on nous propose ici !

:idea:
Modifié en dernier par Park Lane le 13 août 2014, 18:58, modifié 1 fois.
Face à Hyde Park endormi, une fenêtre vient de s'illuminer au 99 bis Park Lane.
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Quarnstron
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Re: Prépublication

Message par Quarnstron »

C'est pour le moins déconcertant. :mrgreen:

Pourquoi donc Jacobs a-t-il écrit "Mrs" au lieu de "Ms" Benson ? Sente aurait ainsi pu se demander pourquoi elle était restée vieille fille.
Il y avait là un ressort dramatique puissant : il aurait pu en faire une amoureuse transie trahie par un renégat à fine moustache d'ascendance slave. De quoi produire plusieurs pages palpitantes.
Quitte à se poser des questions, j'aimerais savoir comment Olrik a fait pour quitter l'Atlantide (il échappe quand même par deux fois à une mort certaine dans cet album) ? M. Sente une idée de scénario, peut-être ?
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gadjo
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Re: Prépublication

Message par gadjo »

merci jyb pour ces explications. L'ajout des guetteurs hors champ, c'esr excellent :D
Park Lane a écrit :On demande à Yves Sente, (page IV du dossier spécial B&M du numéro 73, été 2014 de Casemate), ce qui choque les anglais dans les aventures de nos héros. Voici sa réponse intégrale à ce sujet :

"Comme eux, c'est sans doute la conséquence de mon côté maniaque, je me suis toujours demandé comment les deux amis, avec des salaires de scientifique ou de militaire, pouvaient vivre à Hyde Park, l'un des quartiers de Londres les plus huppés. Leur logeuse s'appelle Mrs Benson. Donc il y a, ou il y a eu un Mr Benson. Qui était-il ? Que faisait-il ? Que s'est-il passé pour que Blake et Mortimer se retrouvent chez eux ? Nous donnons aussi des réponses à ces questions que, par le passé et comme lecteur, je me suis posées plusieurs fois."
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Rob1
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Re: Prépublication

Message par Rob1 »

Donc le Bâton de Plutarque, c'est un prequel pour expliquer pourquoi Blake et Mortimer peuvent habiter au 99 bis et qui est Ms Benson. C'est sûr que du coup, c'est normal qu'on bâcle le Golden Rocket, Olrik, la Grande Question sur la vie, l'univers et le reste... :-o

Et le prochain B&M sera un pré-préquel pour expliquer ce qu'est devenue Annie, disparue entre le Bâton et l'Espadon, j'imagine.

Pour les strips, le niveau se maintient avec :
- une antenne perdue par un appareil d'écoute que l'espion utilisait sans avoir besoin d'antenne,
- un Hasso au coeur de Bletchley Park (s'il connaît les secrets des casseurs de codes, on ne l'enverra JAMAIS en mission en Asie où il pourrait être capturé et tout révéler sous la torture),
- un Blake qui connaît Olrik,
- et un Olrik portant le monocle (je ne vois qu'une seule "source" possible pour cette idée, et si c'est bien ça, ca devrait être un pêché mortel)
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