Votre case préférée.
Votre case préférée.
Drôle de choix me direz vous peut être…
Si je l’ai choisie, c’est parce que cette case représente un énorme point d’interrogation…
Olrik, fou de rage et de désespoir invoque le ciel (l’enfer) un peu à la manière d’Harpagon dans l’avare :
« Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ! On m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent ? Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? »
Olrik a perdu à la fois son employeur et ses sbires qui viennent de se faire arrêter.
Ses ressources viennent de se tarir et ses complices qui représentaient pour lui une possibilité de s’échapper sont sous les verrous.
Il ne se sent plus maitre de son destin.
Ses lamentations sont pitoyables et malgré tout risibles avec ces deux propositions sans rapport entre elles :
"Qui va me payer !? Et qui va me faire évader dans ce cas !? "
D’où mon interrogation :
Et si j’avais mal lu et mal interprété cet album ?
Si, en fait, il s’agissait d’une comédie à la manière de celles de Shakespeare ? J’avoue que je ne connais que très peu son œuvre.
Mais je suis vraiment tenter de renommer (et je crois que je l’ai fait !) cette course au trésor futile , qui au final n’apporte rien à personne, du titre d’une comédie Shakespearienne : Beaucoup de bruit pour rien.
Cette vignette qui me semblait au départ relativement anodine, se révèle un des cases les plus expressives de cet album :
Le haut relativement mobile, donne une idée de la rage et du désespoir d’Olrik alors que le bas, complètement statique , représente l’impuissance dans laquelle il se trouve.
Olrik ne pouvant pas se retourner contre Philip ou Francis qui n’ont pas fait grand-chose contre lui dans cet opus se retourne contre une hypothétique entité céleste dans une sorte de folie mystique.
Re: Votre case préférée.
Mais il est vrai que Juillard est particulièrement mauvais à restituer les postures éloquentes et théâtrales qu'affectionnait Jacobs. C'est ce qui donne aux albums du maître leur charme si particulier, et rend ceux de Juillard tièdes, mollassons et figés.
"Ma" case à moi, je ne sais pas si j'irais jusqu'à la qualifier de "meilleure de l'album", mais c'est la toute dernière de cette page :
On commence tranquille avec une scène nocturne paisible qui sent bon la fin de soirée sympathique, les panses repues et l'autosatisfaction. Un gros teuton endimanché fanfaronne et décide de faire fi des conseils de prudence de ses pairs ; il tient à passer par le parc.
Dès le départ, ce Séraphin Lampion germanique nous est présenté comme un personnage infatué et ridicule, avec son accent à couper au couteau (qui nous rappelle certains personnages jacobsiens), ses sorties aux relents homophobes et sa prétention à jouer les "bonhommes" quand il vient d'avouer qu'à la maison c'est sa femme qui porte la culotte. Il est à la fois antipathique pour tous ces défauts, et à la fois inexplicablement sympathique, d'une certaine manière, car ces défauts et son ridicule le rendent humain et plutôt inoffensif à priori. Un personnage ambigu, en somme, et dont on devine dès le départ qu'il va se jeter droit dans la gueule du loup.
C'est alors qu'une canne s'abat à deux centimètres de son visage éberlué et lui décroche le cigare du bec. Et elle figure un loup, justement ! Là encore il y a ambivalence dans la scène. D'un côté, on jubile à voir la satisfaction prétentieuse se décomposer sur son visage sous l'effet de la surprise (et peut-être déjà de la peur, qui sait). D'un autre, on ne peut que s'identifier à cette victime et ressentir le brutal changement d'atmosphère apporté par cette case. Les paroles sont narquoises et menaçantes, celui qui les profère reste invisible, c'est un magistral cliffhanger de bas de page à l'ancienne, comme à la grande époque où les récits étaient publiés par morceaux dans des revues.
Qui est ce mystérieux agresseur ? Que va-t-il arriver ? C'est comme si la température de cette paisible soirée d'août venait brutalement de baisser d'une dizaine de degrés. Après un prologue anodin en apparence, nous voici soudain plongés dans une scène nocturne angoissante, l'histoire peut commencer...!