Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Scénario : Jean-Luc FROMENTAL et José-Louis BOCQUET
Dessin : Antoine AUBIN
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Thark
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Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Thark »

"707 cases, quand même".

Mi-novembre 2022, après quelques échanges nécessaires pour caler la bonne formule et le bon timing,
Antoine Aubin me donne son feu vert pour que j'initie une démarche toute particulière : démarrer et gérer une "collecte de questions" auprès des membres du Forum. L'idée était d'élaborer une vraie interview participative - ou collaborative - entièrement dédiée au making-of de ce tome 29 qui s'apprêtait à sortir en librairie...
Avec le succès que l'on sait !
Un certain temps plus tard, après de nombreux messages et mises au point impliquant les participant(e)s dans un esprit constructif et qualitatif, ainsi qu'une mise en forme qu'il m'a fallu adapter pour le Forum, voici donc l'intégralité de cette immersion au cœur de la création. Le résultat est absolument passionnant.

Pour tout cela, je remercie ceux et celles qui ont bien voulu jouer le jeu avec enthousiasme et avec pertinence. Et prioritairement, bien sûr, un très grand merci à Antoine Aubin pour sa disponibilité, pour le temps qu'il y a consacré.
J’y ajoute mes félicitations sincères pour la teneur rigoureuse, évocatrice, détaillée et très franche de ses propos.


Thark
Dans les coulisses de Huit heures à Berlin,
l’interview d'Antoine Aubin pour le Centaur Club

Mentions légales : sauf mention particulière,
tous les extraits graphiques présents dans cette interview sont
© Éditions Blake et Mortimer – Studio Jacobs (Dargaud-Lombard S.A.)
Aubin-Bocquet-Fromental (et L. Croix) - 2022.

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Extrait de crayonnés pour la planche 06, case 09

Les questions :

- De « Bobby Cowen » :
  • Dans L'Onde Septimus, vous avez travaillé sur la psyché d'Olrik ; pour Huit heures à Berlin, c'est sur celle de Mortimer que vous vous êtes penché. Comment passer d'un esprit aussi retors à quelqu'un de diamétralement opposé ? En tant que dessinateur, avez-vous été frustré de ne pouvoir vous étendre plus longuement sur le côté obscur potentiel de Mortimer ?
Antoine Aubin : Au risque de vous décevoir, je n’ai jamais souhaité travailler sur la psyché des personnages. En ce qui concerne Olrik, c’était un projet de Jean Dufaux, contre lequel j’ai beaucoup lutté.
À mon avis, la richesse des aventures de Blake & Mortimer c’est l’intrigue, la mise en scène et non la définition des personnages, dont les traits caractéristiques sont assez simples : deux hommes dans la force de l’âge, sans attaches familiales, l’un militaire plutôt flegmatique, l’autre scientifique plutôt sanguin, qui vivent des aventures plus ou moins ensemble. À mon sens, Blake et Mortimer sont des rôles, comme au théâtre. Des personnages qui évoquent des héros du cinéma d’aventures du milieu du XXème siècle. Je contestais le projet de Dufaux, qui souhaitait construire son récit autour de ce qu’il croyait pouvoir révéler de la psychologie d’Olrik aux lecteurs. Faire cela ne m’intéresse pas et, de plus, il me semble que c’est trop s’immiscer dans l’œuvre de Jacobs. Au minimum faudrait-il être assez subtil pour conserver le mystère des personnages. Ce qui n’empêche pas de les mettre dans des situations difficiles.
Et d’ailleurs, la scène sur le « côté obscur » de Mortimer n’est qu’un ressort de l’histoire de Bocquet et Fromental. Dans un récit d’aventures, il s’agit de mettre en danger les personnages, ce qui correspond tout à fait à la situation périlleuse de Mortimer à ce moment-là.

  • Huit heures à Berlin est un album plus ancré dans le réel historique que L'Onde Septimus ou La Malédiction des trente deniers. Le voyez-vous comme une uchronie ? Cela n'a pas dû être évident de passer de l'Histoire à l'histoire, ou d'inscrire une histoire dans l'Histoire... Avez-vous rencontré des difficultés ?
    Comment, surtout, avez-vous conservé une dimension fantastique (et fabuleuse, au sens étymologique) sans faire trop « récit historique » ?
A. A. : Posez plutôt cette question aux scénaristes ! Jacobs flirtait aussi avec l’histoire : la guerre mondiale, Akhenaton, le monde grec, la Guerre froide (avec un caméo d’Anastase Mikoïan), le Moyen Âge, le collier de la Reine. Néanmoins, la présence d’un personnage historique dans une aventure de Blake et Mortimer me semble assez problématique. En particulier ici, quand ce personnage joue un vrai rôle dans la scène conclusive de l’histoire. Mais les scénaristes, avec lesquels je souhaitais travailler, ayant construit leur intrigue autour de cette présence, intrigue que je trouvais très bien ficelée et qui comportait beaucoup d’autres éléments qui m’intéressaient, il me fallait bien l’accepter.
Je tiens à souligner que, conscients qu’il valait mieux ne pas trop insister dans le cœur du récit sur la personnalité de notre invité VIP, les scénaristes se sont arrangés pour ne pas le nommer, mais ont plutôt souligné sa fonction – par exemple, nous avons retiré, en dernière instance, son nom scandé par la foule planche 48, alors que ce nom était dans le scénario initial. Ainsi, je considère que la trajectoire de notre histoire croise celle de l’Histoire, sans trop s’y emmêler.
Et non, je ne crois pas que ce récit soit une uchronie ; il se déroule simplement dans les coulisses d’un événement historique, sans influencer la suite. Mais libre à vous de spéculer sur la teneur du discours qu’aurait pu prononcer le vrai président, ainsi que sur le rôle joué par Olrik quelques mois plus tard.
J’ai aussi exposé ailleurs les problèmes de dessin posés par un tel personnage (cf interview pour « Paratonnerre »).

  • Toujours dans cette veine historique de l'album, qu'est-ce que vous vous êtes le plus amusé à reproduire ? Qu'est-ce qui vous a le plus posé souci ? Ce qui vous a demandé plus de travail (de recherche par exemple) ? Quel personnage de cet album avez-vous préféré dessiner et quelle est votre case préférée ?
A. A. : Il m’est difficile de répondre à cette question. J’ai peiné sur à peu près tout et je ne peux pas dire que je m’amuse beaucoup en travaillant. J’ai particulièrement dû ramer entre les planches 45 et 49, qui m’ont laissé un souvenir cuisant. Checkpoint Charlie, par exemple, m’a posé pas mal de difficultés. Ce lieu est très décrit sur internet, mais pour organiser les séquences dessinées dans ce décor, j’ai dû vraiment en comprendre l’espace, ce qui était compliqué.
Je ressens quand même une certaine satisfaction du travail accompli, mais avec une frustration : il m’est impossible de lire cet album de la même façon que vous. J’espère avoir dessiné un petit monde d’images, qui se déploie quand on ouvre le livre et tourne les pages, suffisamment cohérent, sans qu’on voie tous les efforts qui le sous-tendent. Mais, pour moi, s’y mélange le souvenir de toute la mécanique que j’ai dû mettre en œuvre pour le fabriquer.

[Note de Thark : Ici, une question à laquelle A. Aubin a déjà en partie répondu, son commentaire de planche étant visible sur le forum] :


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Planche 05, crayonné de la case 07

  • Le salon du 99bis, Park Lane et le "salon" du sanatorium où Mortimer retrouve Olrik sont diamétralement opposés. Quelles ont été vos influences artistiques et graphiques ?
A. A. : Le scénario décrivait « un bureau avec boiseries et mobilier luxueux… une fenêtre qui – à l’instar de la cellule de Tintin dans Le Temple du Soleil – ouvre sur un paysage majestueux et vertigineux. » J’ai réfléchi à mettre en relation la déco du bureau avec le style architectural du bâtiment, et à associer ça à Olrik. Il m’a semblé judicieux d’établir un parallèle entre cet antre d’Olrik et celui, bien connu, de Blake et Mortimer. De les opposer, en quelque sorte, dans ce même antagonisme qui existe entre les personnages.
Les objets rassemblés dans le salon de Park Lane témoignent du caractère aventureux des personnages, comme ceux du bureau de Marc Charlet, dans Les 7 boules de cristal. À y regarder de plus près, on peut y voir une dimension coloniale, le butin ethnographique de « l’amateur d’art » occidental.
Chez Blake et Mortimer, le tropisme archéologique est évidemment souligné. On sait Olrik aussi amateur d’art, depuis l’aventure de la Pyramide. Alors j’ai supposé qu’il pouvait s’être entouré d’objets « glanés » par-ci, par-là. Des objets qui témoignent de son parcours en Extrême-Orient, mais aussi des œuvres modernes ou contemporaines, russes pour la plupart (suprématisme, Poliakov, Archipenko), qu’il n’y a pas chez B&M. J’ai pensé qu’Olrik, plus que ses adversaires, était susceptible de s’intéresser à l’art du présent ; l’avant-garde n’est-elle pas une remise en cause des règles ? Et puis il y a l’aspect mercantile aussi. D’ailleurs, ces objets pourraient être des faux…

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Planche 20, case 11

[N.d.T. : Ici, une question ‘bonus’ surtout liée aux éléments de scénario] :

  • Plus légèrement, qu'est-ce qui conduit nos amis dans une geôle de Friedrich strasse ? N'est-ce pas en réalité le fait que Mortimer soit en train de lire Karl Marx alors que le fourgon tente de passer d'un "bloc" à l'autre ?
A. A. : Vous pointez quelque chose d’intéressant : les scènes qui font écho à d’autres scènes de l’histoire.
Quand Blake est passé dans l’autre sens, planche 24, il a aussi eu affaire à des soldats et des policiers suspicieux : on le soupçonnait de vouloir introduire de la littérature bourgeoise en zone socialiste. C’était l’inverse ! Je peux vous citer un autre exemple d’écho dans l’histoire : le cauchemar de Mortimer et l’expédition acrobatique de Blake sur le toit de la clinique, que j’ai dessinés sciemment de façon semblable.


- De « Kronos » (N.d.T. : notamment pour son « Musée virtuel de Blake et Mortimer ») :
  • Quelles sont vos sources pour les 4 artefacts que l'on découvre planche 4, dans la chambre de Mortimer : la statuette (qui n'est pas un Tiki, a priori...), les deux masques africains et l'espèce de "tapis" mural entre les deux ?
A. A. : La statuette est une pierre sculptée du site de Chavin, dans les Andes, au Pérou. Les masques sont amérindiens, de la côte sud de l’Alaska (kodiak, alutiiq). Et le tissage est une pièce vestimentaire, originaire de Chancay, au Pérou également (sauf erreurs d’interprétation de ma part).

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Planche 04, case 06

J’ai eu l’occasion de lire une minutieuse chronologie des aventures de Blake et Mortimer dont vous êtes, je crois, l’auteur. C’est Yves Schlirf qui me l’avait passée, il y a quelques années. Votre idée était, je pense, de fournir aux scénaristes des repères précis, afin qu’ils n’envoient pas les héros courir après Olrik à un moment où celui-ci devrait être en prison, par exemple. Ce qui est louable.
Je rapproche donc votre démarche de celle d’Yves Sente, qui veut insérer précisément ses récits dans des vides laissés par ceux de Jacobs. Peut-être contestez-vous la précision avec laquelle il s’y emploie.
Si l’intention est louable, elle me semble aussi être un vœu pieux. Aujourd’hui, il y a deux fois plus d’aventures de B&M post-Jacobs que le corpus original n’en comptait. Et il paraît probable que ce déséquilibre s’aggrave à l’avenir. La continuité linéaire des aventures sur une durée de vingt ans, en gros, est d’ores et déjà mise à mal. Alors je crois que la tentative d’établir une chronologie de la série parfaite, sans couacs, est vouée à l’échec. L’éditeur ne peut pas proposer à un scénariste d’écrire une nouvelle histoire en lui fournissant une liste des choses impossibles longue comme le bras. Enfin, il pourrait le faire, mais ce serait une contrainte terrible.

Il me semble qu’il vaudrait mieux prendre garde à ne pas dater trop précisément les nouvelles histoires, ni les accoler trop explicitement à celles qui existent déjà. Ou bien accepter que des histoires se superposent. Ou encore, considérer que les nouveaux albums sont apocryphes par essence…
Par ailleurs Jacobs lui-même a introduit un paradoxe temporel entre ses trois premiers récits, et pas de façon intentionnelle, manifestement.
Puisque cette question vous intéresse, deux choses : vous pouvez considérer que 8 heures à Berlin se déroule exactement du 2 au 26 juin 1963, plus la dernière planche qui est datée. Ça m’ennuie de pouvoir l’affirmer, compte tenu de ce que j’ai écrit au-dessus, mais il est question d’un événement historique…

Par ailleurs, Xavier Mauméjean et Nicolas Tellop proposent quelques réflexions sur le temps dans la série,
dans « Jacobs, Blake & Mortimer, Les pièges diaboliques », éditions Aedon Productions, 2022. Mais vous avez peut-être déjà lu cela.


- De « Archibald » :
  • Chaque dessinateur semble mettre un point d’honneur à apporter un nouvel élément dans cet appartement
    mythique du 99bis. Ici, c’est la chambre de Mortimer qui semble avoir retenu votre intérêt. L’art primitif africain, me semble-t-il… D’où vient cette passion, si passion il y a ?
A. A. : Je suppose que vous considérerez que j’ai déjà commencé à répondre à cette question précédemment. Mortimer ne va pas faire sa valise au milieu du salon, la chambre s’imposait. Quant aux objets, ils s’inscrivent dans la continuité de ce que Jacobs a dessiné dans le salon. Ce sont d’autres objets de même nature, prémices de rêves d’autres aventures peut-être. Je ne suis pas scénariste, mais ces rêves peuvent aussi bien être les vôtres. Et je préfère représenter de nouvelles choses, plutôt que de me référer inutilement à ce que d’autres ont dessiné ; à l’exception de Jacobs, bien sûr.

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Planche 04, case 08

La manie qu’ont les scénaristes de souvent nous refaire passer par cet appartement doit plaire à certains lecteurs et déplaire à d’autres. Il me paraît évident que Jacobs, en le dessinant, n’a pas pensé qu’il pourrait y revenir, tant les raccords spatiaux entre les différents éléments représentés sont impossibles.
Je pense que Jacobs, ici du moins, a construit son décor en fonction de l’impact visuel qu’il voulait donner à telle ou telle scène, voire telle ou telle case, sans aucun souci de raccords. C’est une très bonne solution pour produire des images impressionnantes et mémorables. Mais pour un pauvre dessinateur comme moi, qui arrive bien plus tard, et qui doit se débrouiller avec une nouvelle scène de plusieurs planches dans ce décor, c’est un peu la muerte !

  • La première vignette de la planche 13 nous montre le Vevey, un des magnifiques bateaux de la Compagnie Générale de Navigation sur le lac Léman, avec en arrière-plan, le château de Chillon. C'est vraiment très réussi.
    J'imagine que les scénaristes vous ont laissé les mains libres pour composer cette image, sans plus de directive que la réplique du Général Carver : « Messieurs, bienvenue à bord du Vevey ». Est-ce le cas ? Si oui, cela a-t-il été le cas pour d'autres vignettes ?
A. A. : Le bateau proposé par les scénaristes était le Valais qui, semble-t-il, a été mis hors service et désarmé en 1962. J’en ai donc choisi un autre pour lequel j’ai trouvé suffisamment de documentation.
Quant à la case à laquelle vous faites allusion, elle n’existe pas dans le scénario, qui commence ici par la case 2 de ma planche. J’ai donc prélevé les deux premières phrases du dialogue de Carver pour créer la bulle de cette case n°1 et planté ce décor pittoresque du nord du lac. Et j’ai bien fait, car cette case semble plaire, sans toutefois sortir le lecteur du fil de la narration.

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Photo : © Groupe CGN SA - www.cgn.ch - planche 13, case 01

Les JLs comptaient, pour planter le décor, sur la case 6 de la planche 12 (5 dans le scénario, mais j’en ai ajouté une autre ; celle sans dialogue, où Blake ressent le temps un peu long du trajet en voiture). J’ai couplé le découpage des planches 12 et 13.

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Planche 12, crayonné du strip 02

Faire entrer toutes les informations du scénario, caser tous les textes (je fais souvent des calculs de surfaces pour répartir les hauteurs des strips afin d’avoir de la place pour dessiner partout), choisir les bons cadrages en gardant un œil sur le sens de lecture, et sans erreur malencontreuse qui sortirait le lecteur du fil parce qu’il ne comprend plus où il est, aller à la bande suivante aux moments les plus appropriés en tenant compte du temps de l’action ou du dialogue laissé en suspens… c’est un casse-tête assez compliqué.
J’ai compris ici que je pouvais caser la belle vue sur le lac, que j’avais envie de dessiner, en haut de la planche 13. Comme chaque planche est une unité graphique en soi, cette position en haut et en ouverture m’a paru être la meilleure.
Même chose pour la case où on voit ce bateau planche 12, en position centrale et dans un strip qui a aussi son unité graphique. Une case très signifiante, mais très contrainte en taille, d’où la nécessité de faire l’autre.
Et oui, j’ai procédé de la même façon pour toutes les planches, qui sont donc truffées de cases qui ne sont pas décrites dans le scénario. Je m’entends très bien avec les JLs qui m’ont laissé dessiner leur histoire comme je le voulais. Ce qui n’était pas le cas de Jean Dufaux.

  • Dans l'avant dernière case de la planche 17, vous avez représenté l’asile d'Arkaïm comme un imposant immeuble stalinien au milieu de montagnes vertigineuses. Est-ce que, comme je l'ai été moi-même étant enfant, vous avez été très impressionné par la représentation du Palais impérial par Jacobs (je ne connaissais pas encore Lhassa) dans Le Secret de l'Espadon ?
A. A. : Oui, évidemment, la représentation du Palais impérial fait partie de ces cases remarquables de Jacobs, dont l’image est très persistante. J’ai beaucoup cherché des photos de sanatoriums en URSS, mais je ne trouvais rien de vraiment convaincant. Puis, j’ai étendu ma recherche à d’autres types de bâtiments, pour finir par m’inspirer de l’université de Moscou, dont la partie emblématique a été construite après la Deuxième Guerre mondiale.
Au passage, il y a quelques années, avant la guerre, il était déjà difficile de trouver des références russes sur internet. J’imagine que c’est pire maintenant. En général, je cause en anglais à Google pour qu’il me fournisse plus de réponses. Je ne me contente pas de regarder les images ; j’essaie de lire aussi, pour affiner mes recherches. Mais je ne lis pas le cyrillique. C’est pourquoi Iouri Jigounov m’a gentiment aidé.

  • Cette planche se termine par une vignette « angoissante » : Mortimer est menacé par une arme. Or la présence de fleurs donne un climat plutôt joyeux et gai à cette case. Pourquoi avoir choisi ce contraste ?
A. A. : C’est de la grande camomille du Caucase.
Disons que c’est une blague, une sorte de collage incongru. Il y en a d’autres dans l’album (planche 32, case 8, par exemple : Krista pleure comme une Madeleine). J’aurais pu planquer Mortimer dans les lauriers, mais j’ai utilisé ce que j’avais sous la main. J’éprouve par moment le besoin irrépressible de dessiner des trucs un peu décalés. Et ce contraste, que vous soulignez, n’est-il pas exactement le sens de cette case ? Mortimer triomphe, et puis toc ! la punition.
On m’a adressé une critique à propos des jumelles. Elles ne sont peut-être pas parfaitement dessinées, je vous l’accorde : l’objectif droit n’est pas assez décalé vers l’extérieur sans doute. Mais pour cela aussi, j’ai cherché de la documentation. C’est un modèle soviétique que je ne peux pas dater et que j’ai retenu parce que ces jumelles ressemblent à celles de Blake, dans Le Secret de l’Espadon. Les mêmes, planche 36.

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Planche 17, cases 11 et 12


Il n’y a pas grand-chose dans mes dessins qui ne soit documenté : un bout de végétation, un objet courant, une pièce vestimentaire sans importance… Et encore, beaucoup de ces choses-là sont bel et bien documentées aussi. Je cherche des références pour presque tout. Y compris pour un tronc d’arbre, par exemple, cela peut m’éviter de dessiner tout le temps le même. Comprenez que ce style de dessin, que tout le monde veut appeler ligne claire, objective tout. Il ne laisse presque rien dans le flou. L’herbage de la première case de la planche 16 est un contre-exemple. Mais il y en a si peu. Je suis donc obligé de réfléchir à tout ce que je dessine, notamment dans les arrière-plans. La documentation photos peut aussi, parfois, inspirer le dessin d’une case dans son ensemble.

À propos de doc, j’ai piqué à Maurice Tillieux son camion du « Chinois à deux roues » [N.d.T. : Gil Jourdan] qui me convenait parfaitement pour transporter mes caisses. Tillieux dit dans l’album qu’il est de fabrication russe. Mais je n’ai pas réussi à trouver s’il existait réellement. Un petit coup de main a posteriori ?

  • Dans le HS de Géo, « Les voyages de Blake et Mortimer », nous avons le bonheur de découvrir certains crayonnés en regard des versions définitives.
    Ma question porte sur la planche 3 : après que Werner soit touché mortellement, les deux cases suivantes diffèrent considérablement. Sur le crayonné (case 3) on lit le désespoir sur le visage de Werner, ce qui ajoute beaucoup au climat de la planche. Ce doit être dur d’abandonner une telle vignette. Comment se fait le choix pour arriver à la version définitive ?
A. A. : Je suis retourné voir ce crayonné que j’avais oublié. Aujourd’hui encore, ce premier dessin de la case 3 me semble un peu foireux. La forme générale du personnage est difficilement lisible. Elle est trop ramassée et s’enchâsse dans les lignes du décor, comme un gros nœud graphique. C’est certainement ce qui m’a déterminé à le refaire. D’autre part, les ellipses entre les cases 2-3 et 3-4 étaient beaucoup plus marquées, ce qui induit un temps d’arrêt case 3, que l’action ne suppose pas. Dans la version définitive, j’ai abandonné le pathos et privilégié le mouvement, la vitesse et la continuité avec les cases 2 et 4. Le personnage est tendu vers un unique but : passer à tout prix.
J’ai également refait la dernière case, qui n’était vraiment pas très bonne dans la première version. J’avais cherché à donner à ce Werner l’expression d’un homme sur le point de mourir, et mon dessin n’était pas très heureux, pour le moins. D’autant que représenter le personnage en train de mourir n’a ici aucun intérêt. Au contraire même, il est préférable de conserver la possibilité de sa survie pour le suspense. On apprendra planche 14 qu’il est bien mort et que ce message, qu’il a délivré yeux grands ouverts, est resté une énigme.

  • Certaines planches sont numérotées en demi-planches (comme pour les Spirou au temps de la prépublication en journal). Pourriez-vous nous dire pourquoi ?
A. A. : J’ai coupé certaines planches au moment de l’encrage pour qu’elles soient plus faciles à manipuler, mais pas toutes. Les planches coupées sont en général numérotées sur chaque partie pour simplifier la tâche de la personne qui va les recoller, ou recoller les fichiers. Je n’avais pas l’intention de couper mes planches, mais j’ai parfois perdu patience.


- Aparté d’Archibald : « Nous autres lecteurs, qui connaissons le titre depuis longtemps, avons imaginé ce que pourrait être l'histoire. Pour ma part, 'Huit heures' m'avait fait penser à une période courte, avec une "deadline", une sorte de compte à rebours qui se passerait uniquement dans Berlin. » -

[N.d.T. : Question ‘bonus’, surtout liée au scénario] :

  • Comment ce titre a-t- il été choisi ? Quand on a lu l’album, huit heures à Berlin, c'est la durée de la présence de JFK ; n'est-ce pas un peu trop révélateur et centré sur la réalité ?
    Car même si l’action commence et se termine dans cette ville, elle est loin de se dérouler uniquement à Berlin. Il y a même un passage (qui semble être désormais obligé) au 99 bis Park Lane à Londres. A ce propos, Mrs Benson - l'alter ego de Mrs Hudson dans les aventures de Sherlock Holmes - a été 'remplacée' par un 'butler'. Une des raisons d'être du Bâton de Plutarque était de nous expliquer comment Blake et Mortimer, avec leurs maigres revenus, ont réussi à s'établir dans un quartier chic de Londres. Alors ?...
    ;)
A. A. : Pour ce qui relève du choix du titre, je vous renvoie vers les scénaristes. Cette histoire n’en a jamais eu d’autre. Je suppose qu’ils l’ont retenu parce qu’il claque assez bien. Vous suggérez qu’il vous a induit en erreur sur le contenu de l’album. Je regrette pour vous qu’il ait trompé vos attentes et espère que peu de lecteurs se seront récriés sur l’imposture des 44 premières planches de cette histoire.
Il me semble tout de même qu’un titre n’est pas forcément descriptif du contenu du récit, ni de son unité de temps et de lieu. Votre attente, longue, vous a peut-être donné l’occasion de développer votre propre histoire à partir de ce titre, mais je suppose que la plupart des lecteurs auront abordé l’album avec moins d’a priori.

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Planche 04, case 03

Quant à Mrs Benson, elle n’a pas été remplacée par un butler. C’est plutôt Nasir qui laisse sa place à Barrett, plus politiquement correct que lui. Mrs Benson, à l’instar de Mrs Hudson, n’est pas au service de ses locataires, Blake et Mortimer. La scène de La Marque Jaune, p.31, où elle sert le thé a sans doute induit certains en erreur. Elle rend ici service, en l’absence de Nasir qui a été transporté à l’hôpital, comme en témoigne l’accueil de Mortimer, qui lui ouvre la porte en lui souhaitant la bienvenue. Ce qu’il ne ferait sans doute pas pour une domestique. On peut remarquer que Blake et Mortimer ne sont donc pas foutus de se préparer leur thé eux-mêmes, mais c’étaient les années 50… Ne nous trompons donc pas sur le rôle de Mrs Benson.
Le personnage de Barrett est inspiré par le film "The Servant" de Joseph Losey.

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Planche 05, crayonné de la case 10

[N.d.T. : Question ‘bonus’, surtout liée au scénario] :

  • A ce sujet, Blake semble accorder toute sa confiance à Barrett puisqu’il lui confie sa serviette sans problème. Est-ce uniquement un majordome ? On pourrait le voir également comme un genre de secrétaire particulier qui aurait été attribué à Francis Blake.
A. A. : Ou bien un militaire à la retraite, recasé dans cet emploi, comme le portier du Centaur Club, par exemple. Vous vous souvenez du dessin que j’avais fait pour votre anniversaire ?

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© Antoine Aubin - Dessin pour les 10 ans du Centaur Club, 29/08/2020


- De « Olivier » :
  • D'où viennent ces références à l’excellentissime série « Le prisonnier » ? Est-ce de vous ou des scénaristes ?
    Dans quel état d'esprit avez-vous abordé ces différentes références ?
A. A. : Planche 22, dans le scénario, le personnage masqué est décrit de la façon suivante : un homme masqué, vêtu d’un overall jaune, dont le visage est dissimulé sous un masque de cuir. Ensuite il n’est plus décrit et les JLs le nomment « le masque de cuir ». J’ai essayé de le faire avec un masque de cuir, mais je n’étais pas convaincu. J’ai un peu pensé au film de Franju, Les Yeux sans Visage, mais le masque d’Edith Scob était encore trop sculpté. Alors j’ai simplifié avec l’idée de conserver une couleur très claire et, finalement, il est blanc. Ce qui lui donne un air un peu ahuri, je crois.
Il fallait choisir une tenue de ville assez neutre, mais particulière, pour ce personnage, à partir de la planche 29, parce qu’il ne pouvait plus se balader en combinaison. Je pense que j’avais l’intention de lui conserver un costume proche de l’uniforme. Après tout, il est l’un des hommes qu’on a vus précédemment, planche 22. Le numéro 6, peut-être. La tenue choisie avait le mérite d’être remarquable et différente de celles des autres personnages, comme l’étaient les combinaisons, dont nous avons, avec Laurence, [N.d.T. : Laurence Croix, la coloriste] décliné les couleurs d’après Objectif Lune.
Et puis Le Prisonnier est une série des années 60, que j’ai regardée à la télé dans mon enfance et qui m’a laissé un souvenir très vif. J’ai hésité, néanmoins, car je craignais de distraire le lecteur avec une référence un peu trop évidente et inutile. Je pensais y revenir, mais les JLs ne m’ont rien dit, alors c’est resté comme ça.

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Planche 44, case 02

Dans le scénario, les JLs m’ont proposé des références visuelles qu’ils m’invitaient à consulter. Les images qu’ils avaient en tête au moment de l’écriture, qui, par ailleurs, n’est pas très descriptive. Je pense qu’ils étaient très excités par cette aventure dans les années 60, qui convoquait toute une culture populaire qui leur est très familière. Je suis donc allé voir ou revoir ces images, comme celles d’Orange mécanique par exemple, et je les ai intégrées à mes dessins, ou pas, et j’ai ajouté les miennes. De telle façon que cet album reflète assez bien la façon dont il a été écrit.

  • Dessinerez-vous d'autres B et M ? (N.d.T : cette question a été posée par d’autres participants :ugeek: )
A. A. : Il y a en effet dans les tuyaux un projet pour un nouvel album avec les JLs.


- De « Weyb »
  • Une reprise graphique qui atteigne ce point de « presque perfection » représente énormément de travail.
    Comment en êtes-vous arrivé là ?
    Est-ce un choix délibéré, une volonté depuis des années parce que vous avez toujours vu le dessin de Jacobs comme un sommet et toujours rêvé de vous « confronter » au maître ? Est-ce un aboutissement ?
    Ou peut-être parce que vous avez appris à dessiner en regardant Jacobs et que c'est devenu naturel pour vous ?
A. A. : J’ai commencé à dessiner un peu tardivement, au début des années 2000 ; une sorte de reconversion, si vous voulez. À ce moment-là, je n’avais pas de projet professionnel très défini. Je n’en ai toujours pas. Mais je sentais que j’avais un penchant graphique vers ce qu’il est convenu d’appeler la ligne claire. Et j’avais été fasciné par le retour de Blake et Mortimer dessinés par Ted Benoit. Comme beaucoup de lecteurs, je gardais une grande affection pour cette série de ma jeunesse, que je relisais de temps en temps. J’ai eu envie d’essayer de dessiner de cette façon et ça n’a pas donné grand-chose. Finalement, j’y suis revenu dans des circonstances que j’ai déjà racontées. Je n’avais pas une grande expérience éditoriale et mon travail dans la presse Disney m’obligeait déjà à jongler avec des codes graphiques qui n’étaient pas les miens. Néanmoins, mes débuts ont été très difficiles ; le nouvel album est bien meilleur et témoigne, à mon sens, d’une progression marquée.
Je ne considère ce travail ni comme une confrontation au maître, comme vous dites, ni comme un aboutissement. Je n’ai jamais ressenti le besoin ou le sentiment de me mesurer à un chef-d’œuvre. J’ai essayé d’en comprendre les codes et j’applique consciencieusement ma science pour transformer en récit dessiné le scénario que l’on me soumet. Il faudrait que je sois seul aux commandes d’un album, pour que ça commence vaguement à ressembler à ce que vous dites. Mais ça n’est pas possible.
Quant à un aboutissement, non. Il y a une large part de non-choix et d’opportunités, ou de kairos, dans mon parcours. Et je pense que j’ai encore pas mal de marge pour essayer d’améliorer ma copie sur le prochain album.


- De « Treblig »
  • Avez-vous apporté certaines modifications physiques - ou purement graphiques - à ces héros de papier par rapport à vos albums précédents, comme Jacobs l'avait fait lui-même plusieurs fois au fil du temps ?
A. A. : Oui, certainement. J’ai fait des progrès, je crois. L’expérience acquise entraîne une évolution du dessin. Jacobs, comme Jacques Martin ont tous deux évolué après des albums très « ligne claire » vers un graphisme plus réaliste et surtout plus maniéré, à mon avis ; avec un trait plus descriptif. Je préfère leurs débuts, qui s’étendent, grosso modo, du deuxième album aux trois ou quatre suivants de leurs séries respectives. Je suppose qu’à l’époque, cette évolution de leur trait vers plus de réalisme leur semblait être un progrès, alors qu’elle me semble moins intéressante. Chez Jacobs, elle est peut-être liée à un usage plus systématique de la photographie. Avec le recul, on les a associés à ladite « ligne claire » d’Hergé. Je crois que, pour l’inventeur du terme, c’était surtout une sorte de manifeste artistique de son propre travail, sorte de revival décalé de ce style de dessin.
En ce qui concerne Jacobs et Martin, auxquels on pourrait associer Bob de Moor, Maurice Tillieux, François Craenhals et quelques autres, ils ont sans doute été influencés par Hergé, par les conditions de publication de leurs œuvres dans les magazines pour la jeunesse de l’époque, et se sont influencés entre eux. Jacobs est associé à cette période surtout par les deux tomes de la Pyramide et un peu par l’Atlantide. Mais il s’est donc ensuite détaché de ce « courant ».
L’héritage américain d’Alex Raymond est aussi très fort chez lui, ainsi que celui du spectacle vivant, de ses mises en scène et de ses éclairages.

  • Le déguisement choisi par Blake n’apparaît pas très performant pour pouvoir tromper durablement ses adversaires. Est-ce une volonté des scénaristes ou avant tout un choix « esthétique » de votre part ?
A. A. : Je ne suis pas d’accord avec vous. Les gens que Blake rencontre en Allemagne de l’Est ne le connaissent pas et n’ont donc aucune raison de le reconnaître. Ce que Blake souhaite dissimuler, c’est son appartenance aux services secrets.
Dans le scénario, les JLs proposaient un look d’éditeur anglo-saxon en faisant référence à Sean Connery dans La Maison Russie. Alors pourquoi ne pas le déguiser en dandy un peu voyant, tout droit sorti de Bloomsbury ? Cela a bien fait rigoler Jean-Luc, qui a vu une allure à la Paul Gravett.

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Extrait n&b de la planche 24, - Yves Schlirf sur Twitter

  • Par rapport aux différentes étapes du travail, qu’est-ce qui a pris le plus de temps pendant cette période d’élaboration qui s’est répartie sur 7 ans : la documentation, les recherches graphiques, l’exécution des planches ?
A. A. : Il y a une superposition de beaucoup d’étapes pour créer les planches. Premières recherches documentaires pour situer l’histoire, découpage, esquisses et répartition des textes, documentation, recherches de cadrages et de composition des cases, crayonnés et re-documentation précise au fil du dessin, puis encrage, avec de fréquents retours en arrière.
Chaque case donne lieu à des étapes plus ou moins longues dans cette liste. Par exemple, je peux trouver la doc qui convient rapidement, mais c’est souvent interminable. Je dois même parfois abandonner la case que je pensais faire parce que je n’ai rien trouvé, ou bien je suis tombé au passage sur autre chose qui m’a inspiré. Parfois le dessin d’une attitude est très laborieux, d’autres fois cela va tout seul. C’est variable. Mais tout mis bout à bout, c’est très long.
707 cases, quand même.


- De « Mr Grayson » :
  • Si vous aviez la possibilité de dessiner votre propre scénario de Blake et Mortimer, où souhaiteriez-vous emmener nos deux héros ? Quelles thématiques aimeriez-vous aborder ?
A. A. : Ce sont évidemment des questions auxquelles je ne répondrais pas.
Mais la possibilité que vous évoquez n’existe pas. Notamment parce que l’éditeur préfère maintenir une séparation maximale des tâches, pour réduire la durée du travail de chaque dessinateur.
Ça lui permet aussi de garder la main sur le contenu des albums.


- De « Ccharlie »
  • Le choix de dessiner des personnes connues est-il surtout un plaisir d’auteur ou désormais un « passage obligé » dans un Blake et Mortimer ?
A. A. : J’ai déjà répondu à cette question dans l’interview du « Paratonnerre ».

  • Est-ce un vrai plaisir de dessinateur de détailler aussi bien les objets et éléments de décors (tel les billets, les ouvrages de bibliothèque, etc...) ?
A. A. : Vous touchez un point sensible. Le vrai plaisir pour moi réside surtout dans le découpage. C’est-à-dire le moment où je m’exprime en tant que narrateur en images, ce que je pourrais considérer comme étant ma spécialité professionnelle, en quelque sorte. En général, je suis plutôt à l’aise et cela va assez vite.
C’est après que mes ennuis commencent. Le dessin de Blake et Mortimer est précis et minutieux, donc forcément long et laborieux à mettre en œuvre. Il procède de superpositions de calques. La documentation précise de chaque élément dessiné est nécessaire, mais c’est un boulot éreintant.
Vous êtes souvent, au Centaur Club, assez critiques de la justesse des détails. Une tendance au pinaillage ? Je ne suis pas un spécialiste des bagnoles de l’époque, ni des avions, ni des armes, ni de la plupart des trucs que je dois dessiner. Et cependant il faut les dessiner correctement pour que le lecteur ne s’arrête pas en se demandant « mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? » ou « qu’est-ce que ce truc fait là ? ». Il faut en faire suffisamment pour que le lecteur moyen reste dans l’histoire, tourne les pages en adhérant à ce que vous lui racontez. Une certaine suspension de l’incrédulité de ce lecteur est d’ailleurs requise, pour qu’il prenne plaisir à cette lecture.

Au Centaur Club, certains ont une approche très analytique de cette série, qui les pousse à tout décortiquer. Pourquoi pas ? Cependant je crois préférable de lire d’un œil un peu plus innocent, au moins en première intention. Je vous rappelle que nous réactivons les codes d’une série qui a été créée pour une jeunesse bien peu affranchie. Aujourd’hui, on a lu tout un tas de bd dont Jacobs n’avait pas idée, on a vu des tonnes de films incroyables, avec des trucages numériques, des décors reconstitués, on a accès à tout sur internet…
Blake et Mortimer, c’est un univers de papier un peu factice, auquel il faut accepter de croire.
Par ailleurs, il y a des dessinateurs spécialistes de l’aviation, par exemple, qui dessinent des albums pour des lecteurs spécialistes de l’aviation aussi, et ces derniers comptent les rivets sur les carlingues pour vérifier que rien ne manque. Franchement, tout cela ne m’intéresse pas beaucoup.
Je comprends bien ce que Hitchcock rejetait chez les « vraisemblants ». On ne peut pas raconter que des trucs vraisemblables ou vérifiables dans une fiction. Il faut entraîner le lecteur dans le récit, en recourant à des artifices quand c’est utile.
Néanmoins, je vous reconnais tout à fait le droit d’être un peu exigeants sur les détails. Je l’ai moi-même été, par exemple, quand les JLs suggéraient qu’Olrik, Kranz et Mr X s’envolaient pour Berlin à bord d’un petit coucou, planche 29. Je leur ai demandé d’ajouter l’explication de la planche 37, l’escale à Tcheliabinsk, ce qu’ils ont accepté tout en me traitant aussi de pinailleur. Ça ne coûtait rien d’être ici plus vraisemblable.
A contrario, en cherchant le décor de la planche 25, je suis tombé sur le café Moskau qui nous a séduits, les JLs et moi. Puis je me suis rendu compte qu’il avait été inauguré en 1964. Mais nous l’avons gardé quand même parce qu’il collait parfaitement pour la scène et l’ambiance de l’époque. Vu du XXIème siècle, quelques mois d’écart ne changeaient rien. Les détails ne font pas tout, et n’ont souvent pas beaucoup d’importance, mais ils peuvent aider à rendre les choses plus plausibles, parfois.

Je ne suis pas du tout un dessinateur compulsif, en permanence avec un carnet à la main. Je me passe très bien de dessiner, finalement. Il faut même un puissant motif pour que je m’y mette. Je ressens fortement l’ennui du dessinateur de bd, lié à l’incessante répétition des cases. Mais, paradoxalement, j’ai besoin de polir infiniment mon travail pour être satisfait. Je ne peux pas bâcler. Et cette satisfaction existe à la fin du processus, même si, en cours de route, le plaisir est plutôt fugace.
À propos des billets de la planche 45, dans le scénario, Mendoza paie le bakchich en dollars. Mais je suis allé voir à quoi ressemblaient les Marks d’Allemagne de l’Est et j’ai trouvé plus rigolo de faire une blague avec Karl Marx, qui résonne avec celle de la dernière case.

  • Quelle est la logique, pour Olrik, de lui avoir gardé ses insignes de vêtements militaires ? (Celles de l’armée de Basam Damdu).
A. A. : Il n’y a pas de logique narrative là-dedans. Les scénaristes souhaitaient faire revenir le colonel Olrik dans sa splendeur de L’Espadon et dans son rôle de chef militaire de l’action. Il a renfilé le costume du rôle, si vous voulez.
L’étoile de la casquette n’est pas la même néanmoins. Ce n’est plus celle emblématique de Basam Damdu.


- De « Freric », administrateur du Centaur Club :
  • Pour travailler sur 8h à Berlin, avez-vous conservé une approche morcelée et non linéaire comme celle que vous aviez eue pour réaliser L’Onde Septimus ? Là, vous disiez avoir travaillé sur les planches dans le désordre (ex : faire la planche 12, passer à la 46, à la 20, etc...).
    Vous aviez expliqué que cette méthode de travail était liée au fait que Jean Dufaux vous livrait son scénario par fragments.
    Cette fois, si vous avez eu tout le scénario en main, avez-vous procédé différemment ?
A. A. : Les JLs m’ont livré le scénario par tranches successives également. La grande différence tient au fait que nous nous étions accordés au préalable sur le déroulement de l’histoire et sur sa fin.
Je suis précisément l’ordre des pages pour faire le découpage et les esquisses. Mais pas nécessairement après cette étape, parce que c’est inutile. Et il est même parfois utile de ne pas le faire. Les planches sont des unités graphiques en elles-mêmes. Une fois qu’elles existent sous forme d’esquisses, je sais ce que j’ai à faire dedans. Alors je peux avoir envie de dessiner celle-ci plutôt que celle-là, en passer une pour y revenir plus tard, etc… Il peut y avoir des choses que je dois représenter dans plusieurs pages et il peut être judicieux de commencer par la planche la plus contrainte, éventuellement.

  • L’épisode de Dick Tracy qui est lu par le double de Kennedy (pl. 60) existe-t-il vraiment ou ces cases sont-elles une invention de votre part ?
A. A. : C’est un bricolage à partir de plusieurs pages de l’époque, je crois. À vrai dire, il s’est déroulé beaucoup de temps entre le dessin de cette planche et son encrage. Au moment de l’encrage, je ne comprenais plus très bien ce que j’avais dessiné et j’ai recherché ma doc. J’étais convaincu que mon Dick Tracy était dessiné à partir d’une vraie planche de la bonne date, que j’avais dénichée. Mais je n’ai pas retrouvé cette doc, alors je ne sais plus trop…
Le fait que Kennedy a lu Dick Tracy dans cet avion est attesté par une photo, mais ce n’est pas dans le scénario.

Pour la petite histoire, le chapeau jaune de Pradier, choisi par Laurence [N.d.T. : Laurence Croix, la coloriste] dans cette scène, est un clin d’œil à Dick Tracy, justement.


- De « Thark » :
  • Toute la partie graphique est cette fois de votre main (avec quelques interventions et le soutien de votre fils). Après la phase des roughs et crayonnés, était-ce un challenge d’assurer seul et jusqu’au bout un encrage « traditionnel » aussi sophistiqué, aussi exigeant ?
    Dès la 1ère planche votre belle ligne au pinceau s’affirme avec force, par exemple sur Olga, dessinée en pied à la case 7. Synthèse et élégance. Pour cela, il me semble que vous avez conservé la redoutable et inimitable technique du pinceau (ou peut-être du feutre pinceau japonais).
    Quels autres outils avez-vous utilisé, notamment pour mettre à l’encre vos impressionnants décors avec ce niveau de précision ?
A. A. : Les débuts de l’encrage ont été extrêmement laborieux. Nous nous étions mis d’accord avec l’éditeur pour que mes crayonnés, scannés, soient reproduits en bleu sur les planches définitives, aux fins de l’encrage. Ce procédé était censé me faire économiser le temps de repiquer tous mes dessins sur le papier définitif. Au crayon, je ne dessine jamais sur du papier fort car j’ai besoin de bénéficier d’une bonne transparence.

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Planche 01, case 07

Ça a tourné au cauchemar. Le premier papier qu’on m’a fourni était quasiment impraticable à la plume. J’utilise plume et pinceau un peu indifféremment, mais les décors sont plus généralement à la plume. Je saute volontiers de l’un à l’autre au milieu du personnage que j’encre, ça n’est pas très orthodoxe. La reproduction des dessins en bleu me gênait aussi beaucoup visuellement et, de plus, il me manquait cette étape où je reporte mes dessins et qui est l’occasion pour moi de purger un peu le trait et de corriger mes erreurs.
On a fini par me proposer un autre papier, mieux que le premier mais qui ne me convenait pas non plus, et qui était leur dernier prix, soi-disant. Comme le trait bleu me gênait vraiment trop, j’ai retravaillé sur Photoshop tous les fichiers avant impression, affiné le trait, corrigé les erreurs, tout nettoyé, etc… un boulot de fou. Si bien que j’aurais pu faire le transfert à la main ! Et ensuite, je leur ai demandé de tirer les bleus en diminuant la densité de l’encre de 40%. Dans certaines cases, je devais un peu redessiner des trucs qu’on ne voyait plus très bien… Bref, un cauchemar. Et j’ai fini par rechanger de papier en cours de route, en le fournissant moi-même.

  • A la planche 14, surtout si l’on compare le story-board à l’encrage final (particulièrement pour le personnage de Frutiger), on voit là aussi à quel point votre trait est l’aboutissement d’un travail qui est à la fois celui d’un orfèvre et d’un équilibriste.
    Y a-t-il encore un trac particulier chez vous quand arrive le moment de « l’exécution » définitive ? Votre expérience rend-elle le processus graphique plus apaisé, plus confiant ?
A. A. : Ah non, ni apaisé ni confiant. Mais après ces 62 planches-là, pour le prochain album, je le serai sans doute plus. Je crois que cette confiance se construit petit à petit, avec l’expérience et dès le début de la carrière d’un dessinateur. J’ai brûlé trop d’étapes, au départ. Je me suis retrouvé à bosser sur du Disney alors que je commençais tout juste à dessiner. J’ai toujours tout fait un peu comme ça venait, sans grande assurance.
Sur les albums précédents, j’ai ressenti l’intervention d’Étienne Schréder plutôt cruellement, parce qu’elle sanctionnait l’échec de ne pas pouvoir aller seul jusqu’au bout et parce qu’Étienne n’a pas les mêmes exigences que moi – ce qui est bien normal, chaque dessinateur a son propre degré de fignolage. Mais c’était aussi un soulagement à chaque planche que je lui lâchais.
Cette fois, je suis allé jusqu’au bout sans rien lâcher, justement. C’est une sorte d’accomplissement, quand même.

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Extrait de la planche 14, - Yves Schlirf sur Twitter

  • Parmi tant d’autres images mémorables, la case 1 de la planche 10 me « capture » irrésistiblement dans son atmosphère, renforcée par les couleurs. Ce qui me frappe aussi, c’est le beau contraste entre le camion, tout en précision et reliefs savants, et le terrain en friche. L’herbe est dessinée à coups de pinceau très vifs, plus évocateurs que descriptifs, qui me rappellent un peu votre 1er album « Sur la neige » (avec Wazem).
    Cette gestuelle et ce graphisme projetés, plutôt tranchants, est-ce qu’ils s’expriment parallèlement dans vos autres travaux, actuels ou à venir ?
A. A. : Lorsque j’étais enfant, nous avons fait du camping sauvage en famille, dans des champs comme ça. Les tentes écrasaient l’herbe, dans laquelle nous finissions par tracer des chemins avec nos pieds.
J’ai commencé à dessiner « Sur la neige » au pinceau, mais cela ressemblait trop à ce que faisaient d’autres dessinateurs à l’époque, ou bien cela m’ennuyait, je ne sais plus. Mon incessante hésitation entre plume et pinceau date de là.
Le chien n’était pas dans le scénario. C’est un laïka qui n’aboie pas.

  • Si vous aviez orchestré vous-même le scénario, auriez-vous aimé renforcer l'ambiance sinistre et impressionnante de l'arrivée au sanatorium d'Arkaïm, en exploitant plus encore les zones abandonnées, par contraste avec l’antre extrêmement classieux d’Olrik ?
A. A. : Peut-être bien, oui. C’est ce que j’ai essayé de faire sur la couverture de l’édition bibliophile. Je voyais un peu ça comme le repaire du comte Zaroff chez les soviets, je ne sais pas pourquoi. Une sorte de piège un peu hors temps. Mais dans un album comme celui-là, il faut gérer l’espace. Le nombre de pages n’est pas extensible pour des raisons économiques.

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« Huit heures à Berlin » - couverture de l’édition bibliophile, n&b.

Aujourd’hui, les scénaristes s’autorisent moins les longs textes pour prendre en charge une partie de la narration, comme le faisait Jacobs. Il est alors difficile d’obtenir des histoires aussi denses que les siennes. Comme je suis un peu lent, hi, hi, les histoires en deux tomes me sont interdites. Et puis je ne pense pas que cela intéresse les JLs. Alors il faut rester assez étroitement collé au fil narratif, garder une certaine densité et ne pas trop se disperser.
Certains d’entre vous auront peut-être été un peu frustrés par des ellipses trop appuyées, des décors pas assez exploités… Moi j’aime bien quand l’action entraine inexorablement le lecteur vers la fin, avec un bon rythme, comme dans Tintin.
Cependant, je crois que j’aimerais aussi explorer des décors beaucoup plus fantastiques que ce que j’ai fait jusqu’à présent.

  • Après la scène du cauchemar de Mortimer (que vous avez déjà commentée), il vous a fallu faire de lui un potentiel tueur, dépersonnalisé autant qu’enragé, presque un mix entre un « Mr Hyde » et un « Cesare » - celui du Docteur Caligari.
    Pour ces scènes marquantes et inédites au sein d’un B&M, aviez-vous envisagé de prolonger graphiquement les partis-pris intenses de la planche 28 et y’a-t-il dans les planches 34 à 36 - ou ailleurs - d’autres références expressionnistes plus ou moins cachées ?
A. A. : Non, non. Je regrette un peu de ne pas avoir travaillé plus les décors avec la lumière. Mais à nouveau, le scénario était très dense et les cases nombreuses. Et je devais beaucoup sacrifier au réalisme pour faire exister tous les lieux qui sont parcourus.
Vous aurez peut-être remarqué tout de même que les personnages visitent beaucoup de lieux déserts, souvent la nuit. Le sanatorium est abandonné, la clinique est déserte, ce qui est étrange, les rues le sont aussi lors de l’expédition vers le marais, les abords du Mur également.
C’est un peu pour cela que je n’ai pas souhaité dessiner d’autres personnages sur la couverture, ni de lumière ; j’ai hésité. Blake et Mortimer font de l’urbex, le réel perd un peu de sa dimension humaine et l’expressionisme n’est pas très loin.

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Extraits du portfolio FNAC - crayonnés pour la planche 28, case 10 et pour la planche 34, case 10

  • Plus on avance dans l’album, plus on découvre - avec jubilation, pour ma part - des mises en page structurées symétriquement autour d’un axe vertical. Aviez-vous demandé aux scénaristes d’en tenir compte ?
    En plus d’un hommage au Jacobs de la période SX-1 contre-attaque (que vous avez cité dans L'Héritage Jacobs comme l’album où l’on trouve les dessins d’EPJ que vous préférez), est-ce un procédé visuel et narratif que vous affectionnez tout particulièrement et que vous pourriez décliner dans des projets personnels ?
A. A. : J’ai essayé de composer un maximum de planches autour d’un axe de symétrie vertical. Pour continuer d’explorer les codes de Jacobs bien sûr, qui croyait fermement à l’unité de la planche et devait penser qu’une organisation géométrique de ses cases autour d’un axe vertical allait renforcer cela.
Je crois aussi qu’il cherchait à mettre en valeur sa planche, publiée en contrepoint de la couverture, au dos du journal. Cela fonctionne visuellement ; la lecture globale de la planche est plus immédiate, surtout si les images-clefs sont positionnées sur l’axe et si les cases sont disposées par blocs qui forment une unité d’espace ou d’action (exemple : le strip 2 de la planche 12 serait un parfait strip de planche symétrique, bien que la 12 ne le soit pas. On peut lire de manière globale le mouvement du canot et sa destination).
Mais, d’un point de vue narratif, cela n’a pas beaucoup d’intérêt ; ça peut même être contreproductif. Jacobs a d’ailleurs abandonné le procédé assez rapidement. Le principe de la bande dessinée tient au fait qu’une image chasse l’autre et que le lecteur passe en permanence à l’image suivante, tourne les pages et progresse vers la fin (surtout dans le cas d’une narration classique. Il existe des bandes dessinées qui se prêtent plus particulièrement à d’autres expériences de lecture ; celles de Chris Ware, par exemple). Organiser un ventre central pour retenir l’attention du lecteur contrevient à ce principe fondamental. Mais ça marche quand même, cela peut générer des rythmes de lecture variés.
Dans l’Espadon, Jacobs a dessiné, autour de l’axe central, des champs et contrechamps parfois un peu excessifs, qui échouent à rendre compte de la relation entre les personnages et l’espace (exemple : l’avant-dernier strip de la planche de résistance aux lance-flammes, dans le tunnel du train).

Bien sûr, les scénaristes n’ont rien à voir là-dedans. Ça les a un peu amusés de me voir essayer de faire cela et je sais qu’ils sont très satisfaits de certaines planches organisées de cette façon. Mais ce n’était pas du tout un principe d’écriture pour eux. D’ailleurs, lorsque la disposition symétrique n’était pas la meilleure interprétation graphique du scénario, je n’ai pas insisté et j’ai privilégié la bonne compréhension de l’histoire.

  • Belle insertion de « Max und Moritz » (le nom du café berlinois, pl. 33), qui sont les fameux garnements de BD créés par Wilhelm Busch, inspiration des Katzenjammer Kids (Pim Pam Poum en VF) de Rudolph Dirks.
    Est-ce une référence particulière pour vous... ou pour J-L Fromental & J-L Bocquet ?
A. A. : J’avais un oncle qui était abonné au journal de Mickey depuis son enfance, entre-deux-guerres. J’ai lu Pim Pam Poum chez lui quand j’étais petit, c’est un souvenir lointain. Mais qui est revenu au moment de discrètement nommer ce café. Il se trouve que cela a beaucoup plu à Jean-Luc, qui a eu aussi une histoire avec Max und Moritz dans sa jeunesse.

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Merci à Freric pour le petit coup de main technique final.
Et merci à Archibald et Kronos pour les recherches et contributions documentaires.

:roll: :o :p
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Treblig
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Treblig »

Thark, merci à toi pour cette restitution et pour tout le temps que tu y as consacré.
Modifié en dernier par Treblig le 03 mars 2023, 10:34, modifié 1 fois.
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Alhellas »

Merci à tous pour ce partage et cette longue interview. je me suis régalé et de vos questions pertinentes et des réponses précises d'Antoine Aubin.
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Bobby Cowen II »

Un grand MERCI à vous deux :D
Breizh Izel eo ma bro!
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Kronos »

Que dire de plus que : "Merci infiniment" pour ce délicieux partage, aussi bien, prioritairement, à Aubin, qui a été très communicant et super sympa, ainsi qu'à toi, grand "mètre" d'oeuvre...
Juste un tout petit chouia de rien du tout : sous l'extrait de planche où l'on voit Blake et Frutiger (Gert Froebe) en voiture, tu mets "extrait n/b" ? Je chicane, je pinaille
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Thark »

Rectifié... 😉
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archibald
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par archibald »

Merci à toi, Thark, pour avoir réalisé cette interview et merci à Aubin d'avoir joué le jeu et d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Il renvoie pour une question à l'interview qu'il a donnée pour le paratonnerre, interview également fort instructive.
Je voulais préciser quelque chose à propos de cette réponse :
Aubin a écrit :.../...Au Centaur Club, certains ont une approche très analytique de cette série, qui les pousse à tout décortiquer. Pourquoi pas ? Cependant je crois préférable de lire d’un œil un peu plus innocent, au moins en première intention. .../...
Cette envie d'analyser m'est venue à la suite d'une question que je me posais. Qu'est ce qui fait que certaines BD me fascinent à ce point? Je pense principalement à Hergé et Jacobs dont j'ai lu les albums la première fois dans mon enfance d'un œil on ne peu plus innocent... ;)
Blake et Mortimer étant devenue une série culte pour moi, je ne peux m'empêcher de lire les continuités sans ce besoin d'analyser. On ne se refait pas , n'est ce pas ? ;)

Il est fait également référence à Paul Gravett (que je ne connaissais pas) à propos du "déguisement" de Blake.
Paul Gravett est un critique de bande dessinée britannique qui porte parfois des tenues un peu excentrique. :)

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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par archibald »

Aubin a écrit :Le personnage de Barrett est inspiré par le film "The Servant" de Joseph Losey.
Damned ! J'ai commis l'énorme erreur en considérant Barett comme un majordome , alors que c'est un valet !!! :oops:
Toutes mes excuses.
the servant.png
En plus , j'ai vu le film il y a longtemps... Tout comme d'ailleurs les autres films cités : Zaroff, Orange mécanique, Les yeux sans visages...
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par ccharlie »

Merci beaucoup pour ce retour
;)
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Olivier
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Olivier »

Mille mercis pour cet entretien fort intéressant, Thark et Aubin.
weyb
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par weyb »

Kronos a écrit :
03 mars 2023, 09:14
...
Juste un tout petit chouia de rien du tout : sous l'extrait de planche où l'on voit Blake et Frutiger (Gert Froebe) en voiture, tu mets "extrait n/b" ?...
bonjour,

je m'étais fait la même réflexion, et en lisant "...si l’on compare le story-board à l’encrage final..." de la question correspondante, je pensais que ce n'est pas la légende qui était incorrecte mais l'image...

QQ aurait-il ce story-board pour le mettre sur ce forum svp ? cela éclairerait les propos :-)

bien cordt
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Kronos
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Kronos »

Ce n'est pas la peine d'en rajouter une couche sur une toute petite coquille de rien du tout.
Parler du travail d'Aubin et de Thark aurait été plus "fun", non ? Et les remercier pour le job qui n'est pas précisément dans leurs attributions, sutététencormieux
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par archibald »

weyb a écrit :
06 mars 2023, 09:20
..../... cela éclairerait les propos ...?...

:o
Il me semble que les questions et les réponses de cette interview sont claires et lisibles à mon sens?
:roll:
Thark l'a réalisée brillamment, en proposant à tous les membres du forum d'y participer en concoctant leurs questions.
Aubin a pris le temps de répondre de manière précise et détaillée.
Que demander de plus ?
:chap:
Si ce n'est pas le cas, tu peux consulter ce sujet.
PS Au passage, ne pas utiliser d'abréviation éclairerait la question. Ce n'est pas trop dans les habitudes de ce forum. Merci :p
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weyb
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par weyb »

re,

alors DESOLE mais le post de remerciements que j'ai écrit hier n'est pas passé - manifestement (ça m'arrive de croire que j'ai cliqué sur ENVOYER sans l'avoir fait au final, idem pour des mails que je retrouve dans les brouillons)...

Donc, je remerciais l'instigateur de cette formidable (dans son sens premier) compilation de questions pour cette idée et la restitution documentée sur ce forum, ainsi que le dessinateur pour avoir pris beaucoup de son temps pour y répondre - voire pour aller faire des recherches dans ses archives ! Car tous les auteurs ne se seraient pas pris au jeu.
Et je parlais également de cette indicible sensation et des poils hérissés que j'ai eus lorsque j'ai réalisé que ma question avait été prise en compte et répondue ! J'avais posté au tout début de l'initiative, persuadé qu'elle serait supprimée soit pas manque de place, soit parce que l'auteur y aurait déjà répondu dans une interview, soit par manque d'originalité par rapport aux autres...
Donc oui, merci - un grand MERCI à eux deux !

Quant à ma question de ce matin, le lien fourni précédemment y répond tout à fait - merci !
Ce forum est décidément bourré d'infos intéressantes!
BRAVO à tous les contributeurs !

cordt
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archibald
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par archibald »

weyb a écrit :
06 mars 2023, 13:29
.../...
alors DESOLE mais le post de remerciements que j'ai écrit hier n'est pas passé - manifestement (ça m'arrive de croire que j'ai cliqué sur ENVOYER sans l'avoir fait au final, idem pour des mails que je retrouve dans les brouillons)...

.../...
Ne t'en fais pas cela m'arrive parfois/ ;)
Merci de ce retour. :p
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par freric »

Damned ! Le forum rentre dans une nouvelle dimension… Merci à toi, Thark d’avoir collecté les questions (1), mis en forme et posté cet entretien. Et Merci au dessinateur Antoine Aubin, d’avoir pris le temps d’échanger ainsi avec le forum.

C’est à lire plusieurs fois pour tout assimiler tellement c’est riche en informations et en confidences. Et après tout cela, une relecture de « 08 heures à Berlin » s’imposera avec dans un coin de la tête les confidences de cet entretien.

Et même le forum est cité dans une réponse ! Ce qui fait plaisir de savoir que nous sommes lus par un auteur de la série, et intéressant de voir ce qu’il en pense ;)
Je vais prendre le temps de digérer cela, avant de revenir dessus :)


(1) Merci aussi aux membres qui ont communiqué leurs questions.
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Alhellas »

Plusieurs fois Aubin répond qu'il faut voir avec les scénaristes... C'est prévu ?
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par arnaud »

Formidable cette entrevue, et tellement instructive!
Aubin m'apparait comme un artisan minutieux, qui doute mais ne laisse pas tomber; qu'on ressent parfois frustré ou contraint mais qui tient bon jusqu'au bout et qui donne toujours le meilleur de lui. Il a de quoi être fier de l'immense travail qu'il a accompli! :)
Je le remercie pour le temps et l'implication qu'il voue à prolonger l'oeuvre de Jacobs avec grand talent et je lui souhaite un prochain album gratifiant, plein de surprises et de rebondissements!
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par 62 Park Lane »

Quelle richesse dans cette longue interview !!!
Je suis également admiratif de la pertinence et de la précision des questions.

C'est dense, documenté, pertinent et sans langue de bois de la part d'Antoine Aubin. Parfois, c'est même plus que direct...

Un immense MERCI d'avoir recueilli, compilé et publié cette perle.
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Re: Antoine Aubin (8h à Berlin) : l'interview participative et exclusive

Message par Thark »

Merci pour vos réactions, dans l'ensemble très positives voire enthousiastes.

Je dois avouer qu'aboutir à un tel contenu n'est pas une mince affaire, mais grâce à tous les participants motivés (questionneurs et interviewé), c'était et cela reste une vraie aventure participative, passionnante de bout en bout.
Antoine Aubin a très soigneusement réfléchi et travaillé à chaque question, chaque référence, chaque sujet évoqués - et je l'en remercie une nouvelle fois. Son implication m'a grandement facilité la tâche jusqu'à la publication.

A titre personnel, je suis particulièrement content par rapport à tout ce qui permet aux lecteurs (surtout les moins "spécialistes") d'appréhender la réalité du métier de dessinateur. Surtout quand il s'agit, comme ici, d'un auteur qui pousse ses recherches et son exigence aussi loin.
Pour des albums comme "Huit heures à Berlin" et toutes les œuvres réalisées avec beaucoup de soin et d'énergie - je dirais même plus : avec "dévotion" - il m'arrive de trouver très légers, parfois même déplacés, les propos de personnes qui prétendent avoir un avis tranché ou des opinions péremptoires après seulement une petite lecture d'une demi-heure... Un travail aussi intensif mérite mieux que ça.
Sans même parler de ceux qui critiquent vertement avant d'avoir tout lu. :p
Ceci étant, on retrouve toujours le problème - bien réel - des "goûts et des couleurs" de chacun, et c'est bien normal.

Sur ce, n'hésitez pas à réagir encore (avec bienveillance, ce qui n'empêche pas d'avoir un regard critique) pour prolonger l'exploration des coulisses de cet album.

:geek:
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