Jacobs et la science
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Re: Jacobs et la science
A mon avis , le piège n'est qu'une réponse aux propos des personnages à la première page : il ne faut pas glorifier le passé , ni l'avenir . Et il ne faut pas se contenter du présent , mais l'accepter comme il est . A mon avis une nuance assez importante.Erca a écrit :Comme je l'ai déjà dit, il faudrait pousser cette analyse plus loin, mais c'est l'impression que j'en ai, et je me demande d'ailleurs si je n'avais pas déjà lu cette analyse sous la plume de quelqu'un d'autre... Du reste, cette position me semble tout particulièrement explicitée avec le Piège diabolique, qui nous dépeint un futur fatalement délabré par la technologie, et dont la morale nous intime quand même de nous contenter du présent : est-ce possible de faire plus conservateur ? En tout cas, il n'est pas anodin, à mon avis, que le "progrès" scientifique ne soit jamais incarné que par des savants fous, dont la machine diabolique doit être détruite à la fin pour restaurer le bon ordre des choses.catallaxie a écrit :Ce n'est pas la science en elle même que Jacobs condamne, il y a des mauvaises pratiques c'est incontestable, pour autant il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Son héros est un scientifique, qui plus est un atomiste de renommé international, il est l'image du scientifique respectueux. La science n'est pas fondamentalement mauvaise, elle ne conduit pas toujours au mal.
Les périls que dénoncent Jacobs font ils qu'il est contre la science ?
et puis , est-ce que Jacobs craint la science ? Non , il craint l'humanité , ou plutôt un certain nombre de cet humanité ( il n'aimait surtout pas les masses ) .
Re: Jacobs et la science
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Re: Jacobs et la science
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Re: Jacobs et la science
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Re: Jacobs et la science
Mais il est pessimiste sur la façon dont l'homme utilise les découvertes scientifiques.
On le voit à travers les personnages de Septimus, de Miloch, les détournements politiques et militaires notamment le réseau Cirrus utilisé par l'Union Soviétique pour envahir l'Europe ...
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Re: Jacobs et la science
Autrement il parle aussi des Blake et Mortimer par les repreneurs, leur vision de la science...
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Re: Jacobs et la science
Re: Jacobs et la science
Re: Jacobs et la science
Extrait d'un article sur Albert Einstein , publié sur Wikipédia :Pykov a écrit :D'accord avec Largo, il y a de la fascination/répulsion dans l'abord scientifique de Jacobs. A l'époque il n'était pas encore de mise de parler d'éthique ...
Pendant la guerre froide, il s’exprime contre la course aux armements et appelle, par exemple avec Bertrand Russell et Joseph Rotblat, les scientifiques à plus de responsabilités, les gouvernements à un renoncement commun à la prolifération des armes atomiques et à leur utilisation, et les peuples à chercher d’autres moyens d’obtenir la paix (création du Comité d’urgence des scientifiques atomistes en 1946, manifeste Russell-Einstein en 1954). Il s’est plusieurs fois exprimé sur sa conviction de la nécessité de créer un État mondial. Il s'est exprimé fortement contre les États-Unis en déclarant: « Les États-Unis d'Amérique forment un pays qui est passé directement de la barbarie à la décadence, sans jamais avoir connu la civilisation. »
Le 2 août 1939, il rédige une lettre à Roosevelt qui contribue à enclencher le projet Manhattan[8]. En 1945, lorsqu’il comprend que les États-Unis vont réaliser la première bombe atomique de l’histoire, il prend l’initiative d’écrire une nouvelle fois à Roosevelt pour le prier de renoncer à cette arme[9]. Après la guerre, Einstein milite pour un désarmement atomique mondial, jusqu’au seuil de sa mort en 1955, où il confesse à Linus Pauling : « j’ai fait une grande erreur dans ma vie, quand j’ai signé cette lettre [de 1939]. »
( Sur la lettre de '39 , en.wikipedia .org : Einstein and Szilárd, along with other refugees such as Edward Teller and Eugene Wigner, "regarded it as their responsibility to alert Americans to the possibility that German scientists might win the race to build an atomic bomb, and to warn that Hitler would be more than willing to resort to such a weapon."[39]:630[45] In the summer of 1939, a few months before the beginning of World War II in Europe, Einstein was persuaded to lend his prestige by writing a letter with Szilárd to President Franklin D. Roosevelt to alert him of the possibility. The letter also recommended that the U.S. government pay attention to and become directly involved in uranium research and associated chain reaction research.
The letter is believed to be "arguably the key stimulus for the U.S. adoption of serious investigations into nuclear weapons on the eve of the U.S. entry into World War II".)
Re: Jacobs et la science
Re: Jacobs et la science
Ci-dessous, un extrait de l'article "Les noces de Faust et du Dr Moreau" signé Benoît Mouchart & François Rivière dans le hors-série de Sciences & Vie signalé par herisson, pp. 32-33 :
Tirés du même magazine, des extraits ci-dessous de l'article signé Gérard Lenne et intitulé "La science du bien ou du mal" (p. 142) :Benoît Mouchart & François Rivière a écrit :Parmi ces ambiances particulières, l'inclination paranoïaque de son tempérament se révélera, entre toutes, la plus féconde. Perpétuellement inquiet, Jacobs nourrissait pour la masse de ses semblables une défiance confinant à la misanthropie et qui s'est sans doute aggravée devant le spectacle du second conflit mondial.
A l'égard de la science, le dessinateur cultivait des sentiments contradictoires. Et, s'il se montrait fasciné par les progrès de la technologie, il s'avouait en même temps inquiet des secrets libérés par la fission de l'atome, qu'il considérait sans doute, ainsi qu'il l'a montré dans Le Rayon U, comme un substitut moderne de la pierre philosophale... Dans Les Aventures de Blake et Mortimer, les scientifiques, que leurs actions soient ou non néfastes, sont toujours des êtres solitaires abandonnés au secret de leurs laboratoires dans la spirale d'énigmatiques recherches.
Les savants qui s'agitent sur la scène du théâtre jacobsien dissimulent surtout, derrière leurs blouses blanches et leurs attirails électroniques, la défroque mystérieuse des sorciers alchimistes des légendes médiévales... Pour Jacobs comme pour Wells, la science-fiction n'est finalement qu'une forme de spéculation imaginative où la « science » n'a d'autre fonction que de masquer une conception merveilleuse, au sens féérique du terme, de la fable. « Le merveilleux, consciemment ou non, l'homme en a toujours besoin, car la vie quotidienne strictement utilitaire ne lui suffit pas, dira le dessinateur. Et comme il est difficile de croire encore de nos jours aux contes de fées, la science omniprésente s'est trouvée à point nommé pour prendre la relève... »
La fascination pour le progrès des machines ne fait cependant jamais oublier à Jacobs les dévoiements qui peuvent naître au coeur de l'homme lorsque celui-ci se persuade, avec l'impudence d'un blasphème, qu'il domine enfin la nature... Les romans de Wells illustrent à leur façon combien les avancées de la science laissent espérer que rien, demain, ne sera impossible pour l'humanité - pour son salut autant que pour sa perte. Les héritiers de Faust imaginés par Jacobs sont, à l'évidence, les enfants du Dr Moreau, ce médecin fou créateur d'êtres monstrueux qui finiront par le tuer. Comme celui-ci, ils courent à leur ruine en se croyant les égaux de Dieu, qu'ils réussissent comme Septimus à réduire leurs semblables au rang de robots dépourvus de conscience, ou qu'ils parviennent comme Miloch à dominer les éléments et la course du temps... Pragmatique, le père de Blake et Mortimer n'oublie jamais le vieil adage selon lequel « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». C'est pourquoi, filant cette idée jusqu'à la terreur, la plupart de ses récits sont hantés par l'obsession d'une imminente apocalypse.
Gérard Lenne a écrit :En cet univers certes manichéen, il serait trop facile de croire que la Science selon Edgar P. Jacobs (Science à laquelle une majuscule s'impose) serait l'équivalent de la langue d'Esope, qu'elle serait manifestement « bonne » ou « mauvaise » selon l'usage qu'on en fait, et que ses serviteurs seraient eux-mêmes purement et simplement des bons ou des méchants. En dépit de quelques apparences, le monde créé par cet auteur belge aux ambitions démiurgiques n'est pas si schématique qu'on pourrait d'abord le penser. [...]
Le génie scientifique, aux yeux de Jacobs, qui rejoint par là bon nombre de ses confrères auteurs de SF, se porte donc de préférence vers le Mal. Sans occulter le fait que le principal exploit de Mortimer lui-même est de finaliser une arme de mort et de destruction massive, voyons-en comme symptôme le surgissement inopiné, au coeur de la paisible capitale britannique, de l'extraordinaire Dr Jonathan Septimus, dans la non moins délirante Marque jaune. [...]
A l'instar d'un Septimus qui, dans La Marque jaune, alors qu'il tient Mortimer à sa merci, lui déroule complaisamment les détails de ses merveilleux travaux (parce que, bien entendu, entre scientifiques on se comprend et on s'apprécie), il y a entre Miloch et Mortimer une sorte de complicité équivoque. Le besoin chez le premier de triompher, au-delà de la mort, en imposant ses vues par le biais d'une invention géniale. Le besoin équivalent et prévisible, chez l'autre, d'aller y voir !
N'y aurait-il pas ainsi une sorte de franc-maçonnerie internationale des savants, au-delà des frontières, des clans, des motivations superficielles ? Ce concept - propre à la SF - du progrès, du bien de la science surpassant les autres critères de conduite, apparaît de la sorte chez Edgar P. Jacobs, même tronqué et réduit pour les besoins de la morale.
A vrai dire, l'auteur visionnaire du Piège diabolique va plus loin en assimilant, dès l'épisode futuriste de l'aventure, la science à la sagesse au sens le plus philosophique mais aussi historico-politique du terme. Car l'autre personnage ici rencontré par Mortimer, au 51ème siècle, est encore un homme de science, le Dr Focas. Mais il est en même temps le chef des insurgés contre une anonyme dictature mondiale.
On pourrait penser qu'après de nouvelles apocalypses procurées par la science militarisée, et dont Jacobs nous offre un tableau saisissant, les peuples n'auraient pas choisi un savant pour leur montrer la voie de la délivrance. Mais c'est à ce moment que l'auteur désigne sa figure du scientifique de rêve : haute silhouette et crâne rasé à l'asiatique, sans oublier la tunique jaune comme celles des bonzes, Focas est à la fois un savant et un sage - ce qui lui donne tous les atouts pour être un conducteur d'hommes, un guide. Edgar P. Jacobs dévoile ainsi sa croyance profonde, sa conception proprement sacrée d'une science assimilée à la religion. [Il ajoute les exemples d'Abdel Razek et du Basileus.]
[...] Le monarque éclairé selon Jacobs, et assurément de droit divin, est le parangon de tous les hommes de science. C'est le prêtre-guide.
Cette osmose de la science et de la religion pour le Bien de l'humanité connaît aussi ses dévoiements vers le Mal : après tout, le Dr Septimus, si fou et si malfaisant soit-il, n'a-t-il pas inventé une religion personnelle, à sa propre gloire, lorsqu'il force ses ennemis prisonniers, transformés en zombis dérisoires, à réciter une espèce de litanie qui vante ses mérites ?
Si les habituels débats de conscience de la SF, à propos des conséquences catastrophiques des découvertes les plus extraordinaires, sont ainsi escamotés dans Les Aventures de Blake et Mortimer, c'est au profit d'une dialectique philosophique qui substitue à la science réelle un rêve, très évidemment utopique, de société idéale où une monarchie douce survit grâce à un sens profondément ancré du religieux. La Belgique, peut-être ?
Re: Jacobs et la science
On retrouve là ce que dit Gérard Lenne dans l'extrait que j'avais recopié ci-dessus :
La science n'est donc pas tellement dangereuse en elle-même (les Atlantes ont aussi découvert l'énergie nucléaire) mais à cause de la folie des hommes. Les Atlantes représentent au contraire un peuple digne de cette Science (les ancêtres atlantes n'étaient-ils pas "un groupe de mages et d'astronomes parmi les plus éminents", planche 19) et capable de l'utiliser pour le bien.Gérard Lenne a écrit :On pourrait penser qu'après de nouvelles apocalypses procurées par la science militarisée, et dont Jacobs nous offre un tableau saisissant, les peuples n'auraient pas choisi un savant pour leur montrer la voie de la délivrance. Mais c'est à ce moment que l'auteur désigne sa figure du scientifique de rêve : haute silhouette et crâne rasé à l'asiatique, sans oublier la tunique jaune comme celles des bonzes, Focas est à la fois un savant et un sage - ce qui lui donne tous les atouts pour être un conducteur d'hommes, un guide. Edgar P. Jacobs dévoile ainsi sa croyance profonde, sa conception proprement sacrée d'une science assimilée à la religion. [Il ajoute les exemples d'Abdel Razek et du Basileus.]