Re: Nouvelle sur et autour de La Roche-Guyon
Posté : 21 janv. 2020, 17:47
XI – La phrase du Cesar
Afin de passer pour de simples promeneurs, ils parquèrent la voiture de l’autre coté de la Seine.
Au sommet d’une pente rude Julien s’arrêta pour examiner le plan qu’il avait acheté au château.
- Nous sommes bien au bon endroit je pense, mais, mis à part une belle vue, il n’y a rien.
- Je ne comprends pas, une indication a dû nous échapper.
- Peut-être sur la colonne, il faudrait retourner voir.
- Attendez ! Quand j’ai étudié l’original de la colonne, quelque chose m’a intriguée.
Elle pianota sur son i-phone.
- Voila, Trajan a fait écrire quelque chose sur son socle, le début du texte est limpide mais la fin est toujours restée un mystère pour les historiens :
«« SENATUS POPULUSQUE ROMANUS IMP CAESARI DIVI NERVAE F NERVAE TRAIANO AVG GERM DACICO PONTIF MAXIMO TRIB POT XVII IMP VI COS VI P P ADDECLARAENDVM QVANTAE ALTITVDINIS MONS ET LOCUS TANT […] IBUS SIT EGESTUS »».
Elle traduisit :
«« Le Sénat et le Peuple romain à l’Empereur Cesar Nerva Trajan Auguste, fils du divin Nerva, vainqueur des Germains et des Daces, Grand Pontife par la puissance tribunitienne pour la dix-septième fois, empereur et désigné consul pour la sixième, et Père de la Patrie, afin d’indiquer à quelle hauteur se trouvaient la colline et le lieu qui ont été creusés par de si grands travaux »».
- Oui, et ?
- Vous ne comprenez pas ? La hauteur de la colonne indique à quelle hauteur est la cache par rapport à la colline.
- Vers le haut ou le bas ?
- La colonne fait trente mètres, donc il faut chercher en bas. Regardez, ça doit donner sur cette plate-forme que l’on voit en contrebas.
Un sentier tortueux descendait directement du promontoire, après plusieurs difficultés, ils se retrouvèrent au pied de la barre rocheuse.
- Nous ne sommes pas bien avancés, il n’y a toujours rien, dit Julien.
- Rappelez-vous, le texte dit « ont été creusés par de si grands travaux » ; donc il faut creuser.
- Creuser ? Mais avec quoi ?
- J’ai vu une pelle dans votre voiture.
- Mais vous n’y pensez pas, nous sommes sur une roche calcaire ! Que voulez-vous faire avec une pelle !!?
- Je vois, vous ne m’avez suivie que pour m’empêcher d’avancer.
- Mais non…
- Alors donnez-moi vos clefs, je vais aller chercher cet outil et faire le trou moi-même.
- D’accord. Calmez vous, c’est moi qui vais aller la chercher, vous vous restez ici sagement.
- Mais non, je vous accompagne.
- Il y a ceux qui ont la clé de la voiture et ceux qui creusent, gardez vos forces pour creuser.
Enervé, Julien parcouru rapidement la distance le séparant de la voiture. Il démarra et se dirigea vers le pont, sa conduite était nerveuse et rapide, mais il dut ralentir en rejoignant un autre véhicule.
Derrière lui, une grosse berline fit fonctionner son avertisseur. Julien préparait un geste déplacé quand celle-ci le dépassa à grande vitesse et s’engagea sur le pont. Un crissement de pneus se fit alors entendre. La BMW sombre s’était immobilisée en travers du pont. Julien se retrouva bloqué derrière la voiture qu’il suivait. Il vit le conducteur de la BMW quitter son véhicule en courant ; une minute plus tard, celle-ci prenait feu…
- Détachez-moi !
Genoffa avait déjà crié les mêmes mots une bonne dizaine de fois depuis que ces hommes l'avaient capturée au pied du promontoire.
- Nous ne vous aurions pas lié les mains si vous n'aviez pas griffé deux de mes hommes.
- Je ne les aurais pas griffés si mon professeur de self-défense n'avait pas été un escroc.
- Je vous confirme que c'en est un. Mais maintenant silence ! Ou je vous bâillonne.
Genoffa n'eut d'autre recours que de se taire. Sur certains de ses agresseurs, elle avait reconnu la tenue des hommes rencontrés dans le bunker ; ils étaient bien équipés et renseignés. Un appareil géré par ordinateur leur avait indiqué la présence d'une cavité sous la falaise, mais aussi une galerie y conduisant. A une vingtaine de mètres de la falaise, deux d'entre eux plaçaient, au-dessus de son entrée, ce qui ressemblait à des charges d'explosif.
Quand ils eurent finit, tous s'éloignèrent, l'un deux prit Genoffa par le bras et la plaça à l'abri.
Le chef les rejoignit en dernier. Il tenait dans une main une sorte de télé-commande, et dans l'autre un téléphone. Elle l'entendit prononcer :
- Top.
Sur le pont un attroupement s’était formé autour de la voiture. Julien fut intrigué par un homme qui téléphonait en observant la falaise. Il le vit raccrocher, jeter quelque chose dans la voiture et s’éloigner. D’instinct, il se baissa juste avant que la voiture explose.
Genoffa crut entendre une explosion avant celle de la cavité. Alors que les hommes sautaient déjà dans le trou, elle cria à son geôlier :
- La discrétion n’est pas votre fort, vous devriez me libérer avant l’arrivée de la police.
- Avez-vous remarqué comme les mots discrétion et diversion se ressemblaient ? Le poste de police est de l’autre coté du pont ; ils croiront que l’explosion vient du véhicule qui y bloque le passage. Nous avons tout notre temps et, regardez, mes hommes remontent déjà quelque chose.
Sur le pont, Julien s’était approché pour voir s’il y avait des blessés mais, en regardant machinalement l’endroit où il avait laissé Genoffa, il distingua une légère fumée. Immédiatement il courut vers sa voiture, froissa quelques tôles en la dégageant, puis accéléra en direction de l’amont à la recherche d’un autre pont. En ville, des sirènes deux tons commencèrent à se faire entendre.
Genoffa observait les hommes qui l’avaient délaissée pour contempler leur butin : quatre grandes amphores antiques. Deux d’entre elles étaient éventrées et vides, le contenu des autres semblait décevoir leurs nouveaux acquéreurs.
Leur chef s’approcha d’elle, visiblement irrité.
- C’est vous, n’est-ce pas ? Qu’avez-vous fait du contenu des amphores ?
- Qui êtes-vous ? Vos hommes parlent anglais, d’où venez-vous ?
- Langley, Virginie.
- La C.I.A. !? Vous allez me torturer ? !
Il leva les yeux au ciel, sourit et répondit d’un air narquois.
- J’ai oublié mes outils à Guantanamo. Dites-moi simplement ce que vous avez trouvé. Où est votre complice ? Y a-t-il une autre entrée ?
- Nous n’avons rien trouvé, vous êtes arrivés juste après nous. Je n’ai rien à vous dire.
Il prit un air plus aimable.
- Vous êtes italienne, n’est-ce pas ?
- Oui.
- Alors vous êtes nos alliés, pourquoi refusez-vous de nous aider, alors que vous collaborez avec les Services Français ?
- Où êtes-vous allé chercher ça ? Je suis historienne, je ne connais aucun agent, qu’il soit Français, Italien ou Azerbaidjanais.
L’homme parut incrédule puis étonné, et enfin éclata de rire. Redevenu sérieux, il sourit légèrement et exhiba une photo.
- Julien Dorval, ancien Commando Hubert, dix ans de service actif avant d’être recruté par la D.G.S.E. Je croyais que les Français confiaient tout sur l’oreiller ?
Cette révélation fut un choc pour Genoffa, mais pas suffisant pour qu’elle laisse passer l’allusion qui l’accompagnait.
- Nous ne couchons pas ensemble, goujat !
- Ceci explique cela.
De rage, Genoffa tenta de se jeter sur lui, mais il tomba soudain à ses pieds comme une masse. Elle se recula d’un bond pour s’adosser à la falaise ; en face d’elle, les trois autres hommes gisaient au sol, inanimés. Du sang coulait du cou de son interlocuteur.
Plusieurs hommes armés sortirent des bois avoisinants et se répartirent sur les cadavres de leurs victimes. Celui qui s’était dirigé vers le chef remarqua Genoffa. La menaçant de son arme, il l’interpella violemment dans cette langue des Pays de l’Est qu’elle avait déjà entendue. Constatant qu’elle était entravée, il la laissa pour rejoindre ses complices afférés autour des amphores.
Oubliant la peur qui l’avait saisie, la jeune Italienne se précipita vers l’Américain et constata avec soulagement qu’il était encore en vie. Avec ses deux mains liées, elle souleva délicatement sa tête, les yeux de l’homme s’ouvrirent doucement.
- Ne bougez pas, ils sont encore là. Où êtes vous touché ?
- Peu importe, je sais que c’est fatal. Ne craignez rien, ils ne vous tueront pas tant qu’ils croiront que vous savez quelque chose.
- Que pourrais-je savoir qui vaille la mort d’un homme ? Que cherchez-vous qui vaille la vôtre ?
Il la regarda dans les yeux puis saisit la croix qu’elle portait autour du cou.
- Vous y croyez ?
- Oui.
- Nous, nous croyons en ceci. Il sortit une feuille pliée de sa poche et la lui donna.
- Qui « vous » ? La C.I.A. ?
- Non, le Peuple américain.
L’artère qu’elle frôlait de ses doigts cessa ses tressaillements ; Genoffa fondit en larme.
Julien perdit beaucoup de temps mais, passant par l’extrémité Est du sentier, réussit à s’approcher silencieusement du groupe.
Les mains toujours liées, Genoffa avait été laissée sans garde pendant que les agresseurs faisaient disparaître les corps dans la cavité. Pour être libre de leurs mouvements, ils avaient groupé leurs fusils en faisceaux.
Julien songea à les menacer de son arme, mais il redoutait que les tueurs utilisent la jeune fille comme bouclier.
Il se souvint de ses années de Marine et de son instructeur, un premier maître bardé de médailles :
« Quand on tire, on tire, on ne raconte pas sa vie ».
Contrairement à ce que l’on voit dans les séries policières, le premier réflexe d’un homme aguerri dans ce cas est de se mettre à l’abri pour identifier l’origine du tir.
La situation était favorable, leur direction de fuite étant à l’opposé des armes. Par contre, la distance était trop importante pour un tir à l’arme de poing mais, pour Julien, il s’agissait simplement de viser suffisamment juste pour ne pas toucher Genoffa. Il valait mieux aussi qu’il évite de toucher un de ses agresseurs, car le soutien à un camarade blessé pouvait amener à des actes courageux imprévisibles.
Julien fit donc feu sous un angle crédible mais inoffensif.
Genoffa bondit, entendit plusieurs balles ricocher sur la roche et vit un homme tomber alors que ses complices disparaissaient dans l’angle mort du plateau.
- Genoffa ! Vite, courrez vers moi !
La jeune fille hésita le temps d’être sûre que les tirs avaient cessé puis, une main la saisit violement pour la tirer dans le sentier. Elle reconnut Julien. Cherchant à garder son équilibre dans la course qui s’engageait, elle cria :
- Vous avez tué un homme !
- Non, j’ai sauvé une femme. On va reprendre le sentier par lequel nous sommes descendus.
- Mais il est trop raide, ils vont nous rattraper, vous êtes fou !
- Oui, mais eux ne le savent pas, je compte qu’ils continuent tout droit.
Peu après avoir bifurqué Julien s’arrêta pour couper les liens de la jeune fille.
- Dépêchez-vous, ils vont nous rejoindre.
- Ne vous inquiétez pas, ils ne savent pas à quoi ils se heurtent, ils ne peuvent donc se ruer dans les bois sans précaution. Nous allons nous cacher un peu plus haut, il y a une sorte de grotte sous une grosse pierre.
Afin de passer pour de simples promeneurs, ils parquèrent la voiture de l’autre coté de la Seine.
Au sommet d’une pente rude Julien s’arrêta pour examiner le plan qu’il avait acheté au château.
- Nous sommes bien au bon endroit je pense, mais, mis à part une belle vue, il n’y a rien.
- Je ne comprends pas, une indication a dû nous échapper.
- Peut-être sur la colonne, il faudrait retourner voir.
- Attendez ! Quand j’ai étudié l’original de la colonne, quelque chose m’a intriguée.
Elle pianota sur son i-phone.
- Voila, Trajan a fait écrire quelque chose sur son socle, le début du texte est limpide mais la fin est toujours restée un mystère pour les historiens :
«« SENATUS POPULUSQUE ROMANUS IMP CAESARI DIVI NERVAE F NERVAE TRAIANO AVG GERM DACICO PONTIF MAXIMO TRIB POT XVII IMP VI COS VI P P ADDECLARAENDVM QVANTAE ALTITVDINIS MONS ET LOCUS TANT […] IBUS SIT EGESTUS »».
Elle traduisit :
«« Le Sénat et le Peuple romain à l’Empereur Cesar Nerva Trajan Auguste, fils du divin Nerva, vainqueur des Germains et des Daces, Grand Pontife par la puissance tribunitienne pour la dix-septième fois, empereur et désigné consul pour la sixième, et Père de la Patrie, afin d’indiquer à quelle hauteur se trouvaient la colline et le lieu qui ont été creusés par de si grands travaux »».
- Oui, et ?
- Vous ne comprenez pas ? La hauteur de la colonne indique à quelle hauteur est la cache par rapport à la colline.
- Vers le haut ou le bas ?
- La colonne fait trente mètres, donc il faut chercher en bas. Regardez, ça doit donner sur cette plate-forme que l’on voit en contrebas.
Un sentier tortueux descendait directement du promontoire, après plusieurs difficultés, ils se retrouvèrent au pied de la barre rocheuse.
- Nous ne sommes pas bien avancés, il n’y a toujours rien, dit Julien.
- Rappelez-vous, le texte dit « ont été creusés par de si grands travaux » ; donc il faut creuser.
- Creuser ? Mais avec quoi ?
- J’ai vu une pelle dans votre voiture.
- Mais vous n’y pensez pas, nous sommes sur une roche calcaire ! Que voulez-vous faire avec une pelle !!?
- Je vois, vous ne m’avez suivie que pour m’empêcher d’avancer.
- Mais non…
- Alors donnez-moi vos clefs, je vais aller chercher cet outil et faire le trou moi-même.
- D’accord. Calmez vous, c’est moi qui vais aller la chercher, vous vous restez ici sagement.
- Mais non, je vous accompagne.
- Il y a ceux qui ont la clé de la voiture et ceux qui creusent, gardez vos forces pour creuser.
Enervé, Julien parcouru rapidement la distance le séparant de la voiture. Il démarra et se dirigea vers le pont, sa conduite était nerveuse et rapide, mais il dut ralentir en rejoignant un autre véhicule.
Derrière lui, une grosse berline fit fonctionner son avertisseur. Julien préparait un geste déplacé quand celle-ci le dépassa à grande vitesse et s’engagea sur le pont. Un crissement de pneus se fit alors entendre. La BMW sombre s’était immobilisée en travers du pont. Julien se retrouva bloqué derrière la voiture qu’il suivait. Il vit le conducteur de la BMW quitter son véhicule en courant ; une minute plus tard, celle-ci prenait feu…
- Détachez-moi !
Genoffa avait déjà crié les mêmes mots une bonne dizaine de fois depuis que ces hommes l'avaient capturée au pied du promontoire.
- Nous ne vous aurions pas lié les mains si vous n'aviez pas griffé deux de mes hommes.
- Je ne les aurais pas griffés si mon professeur de self-défense n'avait pas été un escroc.
- Je vous confirme que c'en est un. Mais maintenant silence ! Ou je vous bâillonne.
Genoffa n'eut d'autre recours que de se taire. Sur certains de ses agresseurs, elle avait reconnu la tenue des hommes rencontrés dans le bunker ; ils étaient bien équipés et renseignés. Un appareil géré par ordinateur leur avait indiqué la présence d'une cavité sous la falaise, mais aussi une galerie y conduisant. A une vingtaine de mètres de la falaise, deux d'entre eux plaçaient, au-dessus de son entrée, ce qui ressemblait à des charges d'explosif.
Quand ils eurent finit, tous s'éloignèrent, l'un deux prit Genoffa par le bras et la plaça à l'abri.
Le chef les rejoignit en dernier. Il tenait dans une main une sorte de télé-commande, et dans l'autre un téléphone. Elle l'entendit prononcer :
- Top.
Sur le pont un attroupement s’était formé autour de la voiture. Julien fut intrigué par un homme qui téléphonait en observant la falaise. Il le vit raccrocher, jeter quelque chose dans la voiture et s’éloigner. D’instinct, il se baissa juste avant que la voiture explose.
Genoffa crut entendre une explosion avant celle de la cavité. Alors que les hommes sautaient déjà dans le trou, elle cria à son geôlier :
- La discrétion n’est pas votre fort, vous devriez me libérer avant l’arrivée de la police.
- Avez-vous remarqué comme les mots discrétion et diversion se ressemblaient ? Le poste de police est de l’autre coté du pont ; ils croiront que l’explosion vient du véhicule qui y bloque le passage. Nous avons tout notre temps et, regardez, mes hommes remontent déjà quelque chose.
Sur le pont, Julien s’était approché pour voir s’il y avait des blessés mais, en regardant machinalement l’endroit où il avait laissé Genoffa, il distingua une légère fumée. Immédiatement il courut vers sa voiture, froissa quelques tôles en la dégageant, puis accéléra en direction de l’amont à la recherche d’un autre pont. En ville, des sirènes deux tons commencèrent à se faire entendre.
Genoffa observait les hommes qui l’avaient délaissée pour contempler leur butin : quatre grandes amphores antiques. Deux d’entre elles étaient éventrées et vides, le contenu des autres semblait décevoir leurs nouveaux acquéreurs.
Leur chef s’approcha d’elle, visiblement irrité.
- C’est vous, n’est-ce pas ? Qu’avez-vous fait du contenu des amphores ?
- Qui êtes-vous ? Vos hommes parlent anglais, d’où venez-vous ?
- Langley, Virginie.
- La C.I.A. !? Vous allez me torturer ? !
Il leva les yeux au ciel, sourit et répondit d’un air narquois.
- J’ai oublié mes outils à Guantanamo. Dites-moi simplement ce que vous avez trouvé. Où est votre complice ? Y a-t-il une autre entrée ?
- Nous n’avons rien trouvé, vous êtes arrivés juste après nous. Je n’ai rien à vous dire.
Il prit un air plus aimable.
- Vous êtes italienne, n’est-ce pas ?
- Oui.
- Alors vous êtes nos alliés, pourquoi refusez-vous de nous aider, alors que vous collaborez avec les Services Français ?
- Où êtes-vous allé chercher ça ? Je suis historienne, je ne connais aucun agent, qu’il soit Français, Italien ou Azerbaidjanais.
L’homme parut incrédule puis étonné, et enfin éclata de rire. Redevenu sérieux, il sourit légèrement et exhiba une photo.
- Julien Dorval, ancien Commando Hubert, dix ans de service actif avant d’être recruté par la D.G.S.E. Je croyais que les Français confiaient tout sur l’oreiller ?
Cette révélation fut un choc pour Genoffa, mais pas suffisant pour qu’elle laisse passer l’allusion qui l’accompagnait.
- Nous ne couchons pas ensemble, goujat !
- Ceci explique cela.
De rage, Genoffa tenta de se jeter sur lui, mais il tomba soudain à ses pieds comme une masse. Elle se recula d’un bond pour s’adosser à la falaise ; en face d’elle, les trois autres hommes gisaient au sol, inanimés. Du sang coulait du cou de son interlocuteur.
Plusieurs hommes armés sortirent des bois avoisinants et se répartirent sur les cadavres de leurs victimes. Celui qui s’était dirigé vers le chef remarqua Genoffa. La menaçant de son arme, il l’interpella violemment dans cette langue des Pays de l’Est qu’elle avait déjà entendue. Constatant qu’elle était entravée, il la laissa pour rejoindre ses complices afférés autour des amphores.
Oubliant la peur qui l’avait saisie, la jeune Italienne se précipita vers l’Américain et constata avec soulagement qu’il était encore en vie. Avec ses deux mains liées, elle souleva délicatement sa tête, les yeux de l’homme s’ouvrirent doucement.
- Ne bougez pas, ils sont encore là. Où êtes vous touché ?
- Peu importe, je sais que c’est fatal. Ne craignez rien, ils ne vous tueront pas tant qu’ils croiront que vous savez quelque chose.
- Que pourrais-je savoir qui vaille la mort d’un homme ? Que cherchez-vous qui vaille la vôtre ?
Il la regarda dans les yeux puis saisit la croix qu’elle portait autour du cou.
- Vous y croyez ?
- Oui.
- Nous, nous croyons en ceci. Il sortit une feuille pliée de sa poche et la lui donna.
- Qui « vous » ? La C.I.A. ?
- Non, le Peuple américain.
L’artère qu’elle frôlait de ses doigts cessa ses tressaillements ; Genoffa fondit en larme.
Julien perdit beaucoup de temps mais, passant par l’extrémité Est du sentier, réussit à s’approcher silencieusement du groupe.
Les mains toujours liées, Genoffa avait été laissée sans garde pendant que les agresseurs faisaient disparaître les corps dans la cavité. Pour être libre de leurs mouvements, ils avaient groupé leurs fusils en faisceaux.
Julien songea à les menacer de son arme, mais il redoutait que les tueurs utilisent la jeune fille comme bouclier.
Il se souvint de ses années de Marine et de son instructeur, un premier maître bardé de médailles :
« Quand on tire, on tire, on ne raconte pas sa vie ».
Contrairement à ce que l’on voit dans les séries policières, le premier réflexe d’un homme aguerri dans ce cas est de se mettre à l’abri pour identifier l’origine du tir.
La situation était favorable, leur direction de fuite étant à l’opposé des armes. Par contre, la distance était trop importante pour un tir à l’arme de poing mais, pour Julien, il s’agissait simplement de viser suffisamment juste pour ne pas toucher Genoffa. Il valait mieux aussi qu’il évite de toucher un de ses agresseurs, car le soutien à un camarade blessé pouvait amener à des actes courageux imprévisibles.
Julien fit donc feu sous un angle crédible mais inoffensif.
Genoffa bondit, entendit plusieurs balles ricocher sur la roche et vit un homme tomber alors que ses complices disparaissaient dans l’angle mort du plateau.
- Genoffa ! Vite, courrez vers moi !
La jeune fille hésita le temps d’être sûre que les tirs avaient cessé puis, une main la saisit violement pour la tirer dans le sentier. Elle reconnut Julien. Cherchant à garder son équilibre dans la course qui s’engageait, elle cria :
- Vous avez tué un homme !
- Non, j’ai sauvé une femme. On va reprendre le sentier par lequel nous sommes descendus.
- Mais il est trop raide, ils vont nous rattraper, vous êtes fou !
- Oui, mais eux ne le savent pas, je compte qu’ils continuent tout droit.
Peu après avoir bifurqué Julien s’arrêta pour couper les liens de la jeune fille.
- Dépêchez-vous, ils vont nous rejoindre.
- Ne vous inquiétez pas, ils ne savent pas à quoi ils se heurtent, ils ne peuvent donc se ruer dans les bois sans précaution. Nous allons nous cacher un peu plus haut, il y a une sorte de grotte sous une grosse pierre.