Stripschrift n°324 - janvier 2000

Scénario : Yves SENTE
Dessin : André JUILLARD
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freric
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Stripschrift n°324 - janvier 2000

Message par freric »

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Editeur : Stripschrift
Numéro : 324 (numéro 7)
Collection :
Auteurs : Collectif (voir sommaire)
Format : 210 x 297 mm
Nombre de pages : 35
ISBN : 0165-845X
Date de parution : janvier 2000
Prix à la vente : €
Observation :
  • Page 4 : Blake et Mortimer par Hugo Landuyt (6 pages)
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Re: Stripschrift n°324 - janvier 2000

Message par freric »

Dernière chance de nivellement pour l'éditeur Dargaud ?

LA MACHINATION VORONOV

Ce mois-ci, la machination Voronov est à l'honneur : un nouvel album de la série Blake et Mortimer. Ce ne sont pas Jean van Hamme et Ted Benoit, responsables de l'histoire précédente l'affaire Francis Blake, qui en sont les créateurs, mais André Juillard, Didier Convard et Yves Sente. En faisant appel à cette deuxième équipe, l'éditeur Dargaud va accélérer le rythme de production de la série. L'éditeur cherche désespérément des sources de revenus.


En 1987, Edgar Pierre Jacobs, l'auteur de Blake et Mortimer, est décédé. En 1990, la suite des 3 formules du professeur Sato (1977), alors dernier volume de la série, a été publiée. Bob de Moor semble avoir réalisé ce deuxième volume en utilisant le découpage (division du scénario en plusieurs scènes, ndlr), les croquis et la documentation de Jacobs lui-même. L'album a reçu une mauvaise presse. Cela est dû en partie à la grande pression temporelle à laquelle De Moor a dû faire face. Dargaud voulait à tout prix sortir l'album avant la Foire du livre de Bruxelles et le Salon européen du voyage de Grenoble. Après tout, il n'avait pas réussi à sortir le livre au festival de la bande dessinée d'Angoulême cette année-là. De Moor, qui n'est pas satisfait de l'état des lieux : il a notamment du mal à dessiner Blake, demande en vain un report.

Une autre partie de la critique concernait le scénario. Dans une société où la technologie évolue rapidement, l'histoire semblait dépassée. Cependant, la plupart des critiques n'ont pas tenu compte du fait que Jacobs a jeté les bases de l'histoire en 1966-1967, une période où il n'y avait ni fax ni téléphone portable, où l'ordinateur n'en était qu'à ses balbutiements et où l'utilisation de la photocopie était encore une affaire onéreuse.

La deuxième équipe

En septembre 1996, après une campagne publicitaire intensive, paraît l’ affaire Francis Blake dont le scénario n'est pas basé sur les notes de Jacobs. Contrairement au destin de Bob de Moor, les auteurs Jean van Hamme (scénario) et Ted Benoit (dessins) ont eu tout le loisir de créer l'histoire. Le procès sur l'utilisation excessive du nom de Jacobs sur la couverture entre Dargaud et la Fondation Jacobs, qui gère les droits de l'auteur, a donné lieu à une publicité supplémentaire. Deux versions différentes de l'album ont finalement été publiées : l'originale avec le nom de Jacobs sur la couverture, et une seconde version sans ce nom, avec un frontispice en miroir et le numéro de série A.
La presse néerlandophone réagit de manière très dédaigneuse à l’ affaire Francis Blake, tandis que la presse française se montre positive. L'album devient un best-seller (740 000 exemplaires vendus). Dargaud annonce un nouvel album, l' étrange rendez-vous (éd.), et accorde aux auteurs un délai. Mais trois ans plus tard, Benoît n'a terminé qu'une vingtaine de planches de la nouvelle histoire. Dargaud s'impatiente. L'éditeur a payé plus de cinq millions de florins pour les droits de publication de Blake et Mortimer. De plus, il a perdu les droits d'édition de sa série la plus importante et la plus rentable, Astérix. De nouvelles sources de revenus sont indispensables. La série Blake et Mortimer peut combler cette lacune, mais le rythme de production doit être augmenté. Après quelques recherches, Dargaud constitue une deuxième équipe : André Juillard comme illustrateur et Didier Convard, d'abord comme co-designer puis comme coloriste. Les deux hommes réalisent pour Dargaud la série le dernier chapitre, dans laquelle ils mettent en scène des héros de bande dessinée dans leur vieillesse. Dans l'un des albums, l' aventure immobile, publié en 1998, ils suivent Blake et Mortimer après leur retraite.

En tant que scénariste de la nouvelle équipe, Yves Sente sort du chapeau. Van Hamme n'a pas le temps et Sente, dernier rédacteur en chef de l'hebdomadaire Tintin et responsable de la politique éditoriale du Lombard, envoie le synopsis d'une nouvelle histoire sous un pseudonyme à Didier Christmann , le grand patron de Dargaud à Paris, qui donne immédiatement son accord et Sente avoue qu'il est l'auteur de l'histoire qui deviendra plus tard la machnation Voronov. Van Hamme accepte de coacher le nouveau scénariste et les auteurs lombard, comme Yann et Jigounov, aident leur patron dans la recherche de la documentation.

Le nouveau Blake et Mortimer

La machination Voronov se compose de deux parties. La première se déroule en grande partie en Russie, plus précisément en URSS, et la seconde à Liverpool et à Londres. Comme pour l' affaire Francis Blake, ces auteurs situent également leur histoire dans le passé, à l'époque de la guerre froide, au début des années 1960. Le lancement d'une fusée soviétique échoue : les débris qui retombent sur terre sont infectés par un virus mortel. Le docteur Voronov utilise le virus comme arme secrète contre certains responsables du parti. Cependant, Wardynska, l'assistante de Voronov, est membre des services secrets britanniques. Elle est démasquée lorsqu'elle tente de faire passer le virus en contrebande. Le capitaine Francis Blake du M.I.5 et le professeur Philip Mortimer se rendent à Moscou et tentent à la fois de mettre la main sur le virus, de développer un antidote et de sauver Wardynska des griffes du KGB (et d'Olrik, sous le nom de colonel Ilkor).

Jacobsien...
Est-il logique de publier de nouveaux albums après la mort de Jacobs ?

En quoi la nouvelle histoire s'inscrit-elle dans l'univers jacobsien ? La première chose à noter est que le style de Juillard est plus raffiné que celui de Benoit. Blake, Mortimer et Olrik restent proches de l'original. De plus, le titre sonne jacobsien. Jacobs a choisi ses titres avec soin : ils ont souvent quelque chose d'énigmatique, de mystérieux, voire d'ambigu, surtout si l'on considère les titres français : le secret de l 'Espadon, le mystère de la grande pyramide, l’énigme de l 'Atlantide, le piège diabolique, l’affaire du collier. La machination Voronov correspond bien à cette liste.

En outre, la mise en place de la machination Voronov par Jacobs aurait pu s'ajouter à cela. Dans la conclusion de la marque jaune, Blake exprime l'inquiétude de Jacobs lorsqu'il dit de Septimus :
"Que sa fin tragique soit un avertissement pour tous ceux qui cherchent à détourner la science à des fins criminelles et qui menacent d'oublier que la vraie science est au service de l'humanité. Ils sont les clients du progrès et non de la vanité, de l'orgueil ou de la tyrannie d'un seul individu. Enfin, la science est importante, mais au premier plan vient ... l'être humain"
.
Le même thème apparaît dans SOS Météores, les 3 formules du professeur Sato et, dans une moindre mesure, le piège diabolique.

Le deuxième thème récurrent est le dégoût de Jacobs pour le totalitarisme et la peur de la guerre qui en découle. Ce n'est pas une coïncidence si, à la fin du secret de l'Espadon, Blake déclare : "Une fois de plus, la civilisation a gagné et nous espérons que cette fois-ci, ce sera pour de bon". Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, Jacobs a mis de côté son aversion pour la guerre dans cette première histoire de Blake et Mortimer. À la fin de l'énigme de l'Atlantide, le prince Icare transmet à Blake et Mortimer un message qui souligne à nouveau la folie de la guerre ; ce message est lié au mauvais usage de la richesse. On retrouve le même thème dans SOS météores et le piège diabolique. La machination Voronov s'inscrit dans cette double thématique. Par ailleurs, l'importation de matériel extraterrestre (ici un virus) est un thème de science-fiction favori de Jacobs également.

Ou bien est-ce le cas ?

Cependant, la machination Voronov présente également des caractéristiques peu jacobsiennes. Les auteurs en ont fait une histoire rétro, comme dans l'affaire Francis Blake. Van Hamme et Sente prétendent tous deux que la marque Jaune est le dernier album de la série et font en sorte que leur histoire s'y intègre. Ils utilisent des personnages et des décors de cet album amélioré. Par exemple, l'inspecteur Kendall réapparaît dans l'affaire Francis Blake et le trio enlevé par Septimus - Macomber, Calvin et Vernay - se retrouve dans la machination Voronov au Centaur Club. Seule la barbe de Mortimer a considérablement poussé.

En revanche, Jacobs a écrit des histoires contemporaines. Les vêtements, les décors, les voitures sont concernés. Il jouait sur des thèmes d'actualité de l'époque. Jacobs a écrit Le secret de l'Espadon dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Pour l'énigme de l'Atlantide, il s'est inspiré des soucoupes volantes (le terme OVNI était encore inconnu), qui étaient un sujet de conversation courant dans les années 1950. À l'origine, Jacobs voulait répartir cette histoire en deux parties, la première étant largement consacrée aux soucoupes volantes. Il a finalement abandonné cette première partie parce que Willy Vandersteen a commencé l'histoire de Suske et Wiske (trad : Bob et Bobette) Les martiens sont là dans l'hebdomadaire Tintin. Dans les premières pages de l’énigme de l’Atlantide, on trouve encore les grandes lignes de l'histoire.

Une autre référence à l'actualité se trouve dans SOS météores. En effet, à la fin des années 1950, les gens chantaient dans les rues les intempéries qui seraient causées par les fusées et les essais nucléaires. Dans les 3 formules du professeur Sato, Mortimer est cloné en tant que robot. Jacobs a créé cette histoire à la fin des années 1960, à l'époque où l'utilisation des robots et de la technologie informatique commençait à pénétrer prudemment et à capter l'imagination.

Autres différences

Une autre différence par rapport aux albums classiques est que dans les histoires post-Jacobs, Blake joue un rôle plus important. Le point de départ de l' affaire Francis Blake et de La machination Voronov est le renseignement britannique. Par cpnséquent, c'est Blake qui est au cœur de l'action. Dans la première partie de la machination Voronov, le rôle de Blake est encore plus important que celui de Mortimer. Dans le cas de Jacobs, Mortimer est clairement le personnage le plus important. Dans la plupart des albums, il est plus présent que Blake. Dans le mystère de la grande pyramide (l'éditeur Blake & Mortimer parle de "mystère" au lieu de "secret" pour la réimpression), Mortimer appelle Blake en Égypte. Dans l'énigme de l'Atlantide, Mortimer convoque Blake aux Açores. SOS météores porte le sous-titre "Mortimer à Paris". Dans le piège diabolique, Blake est presque entièrement absent. Dans les 3 formules du professeur Sato, l'action émane à nouveau de Mortimer. Ce n'est que dans la marque Jaune que l'histoire commence par une mission de Blake. Mais c'est Mortimer qui démasquera Septimus.

L'évolution des rôles de Blake et Mortimer dans les nouvelles bandes dessinées donne une nouvelle orientation à la série. Les nouveaux auteurs semblent vouloir limiter les aventures du couple à des histoires d'espionnage. Jusqu'à présent, la série ne pouvait se définir par un genre particulier. Jacobs explorait sans cesse de nouveaux horizons dans ses récits : la guerre, l'antiquité énigmatique, le savant fou, le mythe de l'Atlantide, le voyage dans le temps, la traque des criminels, le robot-clone de l'homme.

Le rôle des femmes

Dans les nouvelles histoires, les femmes jouent un rôle prépondérant. Chez Jacobs, une femme n'apparaît que dans un seul album, le piège diabolique : Agnès, fille du châtelain Guy de la Roche. On peut supposer que, lorsque Jacobs conçoit une histoire à cette époque, les femmes jouent également un rôle. Après tout, il avait l'habitude d'adapter ses bandes dessinées à l'évolution de la société. Dans sa première bande dessinée, le rayon U, qui est encore fortement influencée par Flash Gordon, une femme, Sylvia, joue un rôle de premier plan. Pour le lancement de l'hebdomadaire Tintin, Jacobs dessine Roland le Hardi, une histoire de chevaliers et de fées qui se déroule au Moyen-Âge, avec un héros, un méchant et ... une dame de cour. Dans la marque jaune, l'exemple le plus caractéristique est peut-être celui du bas de la planche 42, où l'on voit une femme terrifiée au premier plan, alors qu'Olrik court dans le Londres brumeux.

Olrik le maladroit

Les nouveaux auteurs de la série continuent à se battre avec la personnalité d’ Olrik , bien que celle de Van Hamme soit plus crédible que celle de Sente. Avec ce dernier, le super-vilain se laisse constamment mener par le bout du nez. Dans la machination Voronov, l'intrigue est aussi parfois trop transparente. On comprend tout de suite que l'œil scrutateur dans le tableau de Staline est celui d'Olrik. Mais on ne peut guère en faire le reproche aux auteurs. C'est Jacobs lui-même qui a ancré Olrik dans la série. Jacques Martin a fait tuer Arbaces, le méchant traditionnel de la série Alix, dans le quatrième album .Jacobs vide régulièrement Olrik, mais ne peut pas lâcher le personnage. À la fin du mystère de la grande pyramide, Olrik erre dans le désert comme un fou. Exit Olrik ? Dans l'album suivant, la marque jaune, Seplimus attrape Olrik. Dans SOS météores, Olrik est arrêté, ce qui a pour conséquence qu'il ne joue pas dans le piège diabolique. Dans l'affaire du collier, il s'échappe. Curieusement, Jacobs ne dit pas un dernier adieu à Olrik avant la fin de la deuxième partie des 3 formules du professeur Sato. Le robot samouraï détruit l'hélicoptère dans lequel il se trouve.

C'est logique ?

La série Blake et Mortimer a un rapport avec les rédacteurs en chef de l'hebdomadaire Tintin. Mortimer a été dessiné par Jacobs d'après le portrait du premier rédacteur en chef, Jacques van Melkenbeke (Jacques Laudy a servi de modèle à Blake et Jacobs a dessiné Olrik d'après son propre portrait). Le dernier rédacteur en chef de l'hebdomadaire a aidé à tenir la plume de la série de bandes dessinées.

Sente fait également plusieurs références dans "la machination Voronov". Il ne s'agit pas seulement de la présence déjà citée de Macomber, Calvin et Vernay. Dans la planche 17, le restaurant Syldave Klow de Tintin le sceptre d'Ottokar est représenté avec le même serveur que dans cet album de Tintin.

Les deux histoires post-Jacobs ressemblent à d'authentiques aventures de Blake et Mortimer. Elles font partie des meilleurs (ou des meilleurs médiocres) albums de ce qui apparaît actuellement sur le marché des bandes dessinées. Mais est-il judicieux de publier de nouveaux albums après la mort de Jacobs ? Cette question, déjà posée dans la presse néerlandaise surtout après la publication de l’affaire Francis Blake, reste posée. Quoi qu'il en soit, les nouveaux auteurs sont obligés d'essayer de se mettre à la place des personnages créés par d'autres. Pour l'éditeur Dargaud, il s'agit d'un produit de qualité auquel il accorde actuellement une grande importance. La publication de nouveaux albums présente également l'avantage que les albums Jacobs eux-mêmes restent en circulation. De nombreuses séries, dont aucun nouvel album n'est publié, meurent d'une mort lente.

Mais si Dargaud veut, pour des raisons financières, atteindre un taux de parution plus élevé, deux équipes ne suffiront probablement pas à amener Blake et Mortimer au niveau atteint par E.P. Jacobs.

En tout cas, la machination Voronov est bien meilleure que la série de dessins animés en bois Canadian Ellipse (commandée par des chaînes de télévision françaises et canadiennes, avec des subventions des Etats français et canadien). Dans cette série, certaines histoires ont été réécrites en profondeur. Ainsi, la demoiselle Agnès voyage avec eux dans le futur dans le Chronoscaphe. Le prince Icare devient princesse dans l'énigme de l'Atlantide, et Mortimer se pique de spiritisme dans l'affaire du collier. De plus, pour livrer une série télévisée de 26 épisodes, les acolytes ont ajouté de nouvelles histoires de spiritisme, d'extraterrestres, de magie... des sujets très peu jacobiens.
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Bobby Cowen II
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Re: Stripschrift n°324 - janvier 2000

Message par Bobby Cowen II »

Quel boulot, freric ! Merci !!!
Breizh Izel eo ma bro!
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