Un créateur dont la folie graphique et la furie artistique sont uniques en leur genre. Pour utiliser une formule un peu bateau : "il ne laisse personne indifférent" !

C'est aussi un homme de contrastes et de forts paradoxes. Comment imaginer par exemple que celui qui a fait exploser les cases et les planches dans des délires futuristes et lovecraftiens, psychédélicosmiques en diable, est aussi, en fait, un grand fan... d'Uderzo/Goscinny, d'Hergé, de Franquin (entre autres)... , de Blake & Mortimer ? Enfin, quand je dis B&M, je veux dire JACOBS !

Début 2014, Druillet a publié un livre avec David Alliot sur son incroyable parcours, vie et travail étroitement mêlés. Il y a notamment dévoilé le trop lourd "secret" de son enfance... Ceci est une autre histoire (que je vous conseille vivement, c'est un récit sans concessions, empli d'une intensité rare). Dans ce livre, "DELIRIUM" - autoportrait (eds Les Arènes), Druillet évoque son admiration sans bornes pour E.P. Jacobs.
Page 148, il raconte sa rencontre avec le Maître... Ce passage est bel et bien un hommage, on sent tout l'amour de Druillet pour son "idole"... mais il se termine avec amertume, c'est ainsi...
Personne n'est parfait.

Philippe Druillet a écrit :"Pendant ces festivals, je croise mes maîtres, et je n'en reviens pas. Ils sont tous là : Franquin, Jacobs, Hergé et les autres...
Au bar du festival, je m'approche de Jacobs avec ma folie et mes cheveux longs. Le lieu est propice. Quand il y a un bar, il y a Druillet. Claude Moliterni m'accompagne. Devant le Maître, je me lance. Je lui déballe toute mon admiration, je loue son génie graphique, je me prosterne devant ses scénarios, je le couvre d'éloges. J'ai connu Londres en lisant La Marque Jaune ; si j'admire l'art amarnien, c'est grâce au Mystère de la grande pyramide... Très urbain, Jacobs me félicite également : "Mais vous aussi cher ami, vous êtes un grand artiste... " C'en est trop. Je suis au nirvana, mais je proteste, je m'insurge. C'est LUI le génie, et il n'y en a qu'un par siècle... Mon laïus est terminé, je me rends compte que mon verre est vide. Je me penche pour demander un verre au barman. Pendant ce court laps de temps, Jacobs se détourne vers Claude Moliterni et demande :
- Qui c'est ?
Il y a une rupture dans l'espace-temps. J'ai compris. Nous finissons avec des phrases polies... C'est le problème des auteurs de bandes dessinées. Certains ne sont pas à la hauteur de ce que l'on imagine. Jacobs a inventé un monde formidable. C'est un scénariste hors pair. Il a écrit des aventures passionnantes. Mais il n'était pas très doué pour les rapports humains."

Personnellement, je pense que Jacobs, grand inquiet et grand timide au fond, ne savait pas comment réagir face à l'admiration débordante qu'il pouvait susciter chez de jeunes "fous furieux

Quoiqu'il en soit, Druillet n'a jamais cessé d'aimer Jacobs et son Oeuvre...


(Et moi, passionné & quasi-inconditionnel de Jacobs, je continue d'aimer aussi la folie fascinante de Philippe Druillet. L'un n'empêche pas l'autre.
