Une autre lecture de la BD franco-belge

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Mitsugoro
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Cette clé est en tous cas un symbole plus discret que celui de Borg, toujours paradant en Louis II cette fois sous les yeux des représentants de l’ordre établi. Ce qui ne manque pas d’interpeller Lefranc page 47 :

« Je me demande ce qui intrigue le plus la police et la douane, votre ressemblance avec Louis II de Bavière ou avec le portrait d’une signalétique de recherche.
- Les deux, probablement. »


Autrement dit, Borg sera-t-il arrêté par Interpol ou la brigade des mœurs ? Cela ne l’empêche pas, en tous cas, de se faire offrir un café au frais des « poches pleines de gadgets » de Lefranc (hum !)… C’est d’ailleurs assez inhabituel de voir un uke offrir un café à un seme : Lefranc est décidément la somme des deux tendances, et le gère ici bien mieux que d’habitude…

C’est à ce moment précis que Pro Mundia choisit de se manifester pour la dernière fois dans le « monde réel » : un « ectoplasme » vient remettre à Lefranc et Borg de la documentation et des billets d’avion. Lefranc saisit cette occasion pour s’assurer une fois encore de la réalité de l’expérience qu’il a vécue :

Lefranc : « Pour moi, ce n’est pas tout à fait ce que je désirais. (Peut-être aurait-il voulu, comme Borg, s’envoler pour Montréal ?) Mais vos lunettes restent un mystère, alors retirez-les donc, vous seriez plus crédible et vous m’obligeriez grandement. »

Et là, surprise !

Image
Le véritable moi de Lefranc !

Nous découvrons alors avec Lefranc que ces clones/ectoplasmes ont aussi des yeux de félin ! La symbolique des lunettes prend désormais tout son sens : ces yeux de chat, animal nocturne et secret, sur ce visage dont la ressemblance avec Lefranc est désormais avérée, représentent l’homosexualité de Lefranc. Quant aux lunettes, elles sont le masque qui dissimule une vérité que le monde ne veut pas voir. Mais ce qui est important, c’est que désormais, le porteur n’est plus aveugle à lui-même. L’homme de Pro-Mundia insiste dessus (« Souvenez-vous en c’est l’essentiel ! »). Tout au plus faut-il rester discret pour l’instant, et c’est peut-être la vraie raison de la venue de l’ectoplasme : une réaction inconsciente de Lefranc aux dernières tendances exhibitionnistes de Borg ?

A la dernière page, le clone prend congé :
« Au revoir messieurs. Nous vous avons quelque peu bousculés, n’est-ce pas ? Veuillez nous en excuser car en agissant de la sorte, nous avons eu comme souci la survie du monde. Ne l’oubliez pas et surtout dites et répétez autour de vous, ce que vous avez vu. »

… ce qui nous donne l’occasion de réfléchir sur ce qui s’est vraiment passé dans cet album. Deux interprétations sont possibles :

- Ce que l’on voit dans cet album n’est qu’un rêve de Lefranc ou la représentation symbolique d’une séance de psychanalyse. L’irruption de Pro-Mundia hors de son sanctuaire ne faisant que refléter le changement de regard que porte Lefranc sur le monde et sur lui-même.

- Ce que l’on voit est entièrement réel, auquel cas, on peut tenter d’extrapoler sur les motivations de Pro-Mundia à mettre en place toute cette opération. Les hommes du futur semblent très habiles à analyser le flux du temps et les rapports de cause à effet. On peut imaginer qu’ils ont découvert que d’une manière ou d’une autre, le couple formé par Lefranc et Borg peut influer sur le sort du monde, comme par un effet papillon régulateur des naissances... Quand je vous dis que le yaoi sauvera le monde. On peut même penser que les « ectoplasmes » pourraient être des Lefranc issus d’époques ou de dimensions différentes (ils ne peuvent pas être des hommes du futur, puisque ceux-ci n’ont aucune pilosité alors que les cheveux des clones sont bien visibles)…

Pour ma part, je pense que ces hypothèses se complètent plus qu’elles ne se contredisent. Rien ne nous empêche d’imaginer, par exemple, que les hommes du futur aient les moyens techniques de matérialiser le psychisme d’un homme, et de lui donner le « contrôle » de ce monde, comme on l’a vu avec les portes des chambres de Lefranc. C’est une méthode assez éprouvante pour l’intéressé, mais comme le dit l’« ectoplasme », si ils les ont « bousculés », c’est pour le bien du monde ! (Même si, comme on l’a vu plus haut, le futur aperçu dans l’album est plus allégorique que réaliste.) Une chose en tous cas semble certaine : l’expérience a assurément impliqué le vrai Borg, son changement d’attitude envers Lefranc dans les albums suivants en atteste…

Une autre question se pose également : considérant le degré d’implication personnelle de Jacques Martin (qui fait même un caméo page 47), jusqu’à quel point ce dernier a-t-il poussé la mise en abîme ? Michel Jaquemart disait dans une interview récente que Lefranc EST Jacques Martin. Ce dernier apparaît d’ailleurs sous les traits du père de Lefranc dans les Enfants du Bunker… Ce n’est un secret pour aucun amateur de l’œuvre et de son auteur que l’Apocalypse regroupe nombre de thématiques et de préoccupations chères à Martin, à commencer par la surpopulation, qu’il évoque dans A propos de Lefranc. Alors, en étendant la réflexion au sujet qui nous préoccupe, il est tentant d’imaginer que les « résistances » mentales de Lefranc au « côté obscur » pourraient être celles de Jacques Martin. Homme d’un naturel pessimiste, sans doute était-il effrayé par le pouvoir du yaoi, cette source créative qui habitait son esprit mais sur laquelle il ne pouvait mettre de nom, et hésitait de ce fait à s’y abandonner complètement…

C’est d’ailleurs sûrement cette réticence qui amène Martin à séparer de nouveau Borg et Lefranc après cette parenthèse dorée, non sans les faire s’échanger un ultime flirt doux-amer :

Borg :« Maintenant je crois que nos chemins divergent*. Cette barrière douanière franchie, nous allons sûrement redevenir ce que nous avons toujours été, des antagonistes. Vous, vous allez retourner à votre travail de boy-scout, et moi dans mon cirque plus ou moins infernal. Un conseil tout de même, si je peux: évitez dans l’avenir de vous mettre trop en travers de ma route ! »
Lefranc : « Faites donc que ce chemin soit droit. Au revoir. »

(* C’est beaucoup pour un seul homme.)

Ce dialogue est tout un poème : conscients du grand canal qui fait obstacle à leur passion, Lefranc et Borg reconnaissent tacitement que leur seul moyen de se revoir et d’exprimer ce qu’ils ressentent, repose sur leur antagonisme. En d’autres termes, Lefranc indique de manière détournée à Borg comment le revoir, en sachant mieux que quiconque que le chemin de Borg n’est pas prêt d’être droit, dans tous les sens du terme… (Pensez au « straight » anglo-saxon…). Après tout, Lefranc ne conclue-t-il pas le dialogue par un « au revoir », et non par un « adieu » ?

Et c’est sans doute parce qu’Axel Borg lui manque déjà que Lefranc conclut l’album par cette ultime réplique, trahissant son trouble
Lefranc : à un chauffeur de taxi: « Vous n’avez pas de lunettes de soleil, pas de chapeau, pas de barbe ?! Alors si vous le voulez bien, conduisez-moi aux Champs-Elysées, à Paris. Ce serait bien aimable. »
Chauffeur: « Encore un bizarre ! Allez, montez… Ce n’est pas l’Apocalypse ! »

Certes non, mais nous savons à présent, que les relations entre Axel Borg et Guy Lefranc ne seront plus jamais comme avant.

Image


APPENDICE :

Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, je ne serais pas loin de regretter que la série ne se soit pas arrêtée là ou qu’elle ne soit pas partie sur des bases totalement différentes, tant on a le sentiment qu’avec cet album, Jacques Martin nous a tout dit, comme si les précédentes aventures de Lefranc n’avaient fait que préparer celle-ci. Le fait est qu’au fil des années, il se désengagera de plus en plus des intrigues, qui deviendront littéralement... "post-apocalyptiques"… les personnages eux-mêmes retombant petit à petit dans leurs travers stéréotypés alors qu’on pouvait presque les voir échapper à leur auteur.

Cette régression est d’autant plus regrettable qu’un projet de suite était envisagé par Martin, comme il le reconnaît dans « A propos de Lefranc ». Je laisse la parole à l’auteur :

"Lefranc est sur un tournage d'un film sur Louis II de Bavière, avec Borg dans le rôle titre. Arrivent 2 étranges individus qui les invitent à les suivre. Lefranc et Borg refusent et se font embarquer de force. On leur montre que , sur la Terre, la surpopulation est devenue telle que les êtres humains sont obligés de s'exiler pour les étoiles. Il y a 2 populations qui colonisent 2 systèmes stellaires, mais malheureusement, une étoile est très riche et l'autre très pauvre. Et pour finir , la guerre éclate entre ces 2 colonies. Ce seront des visions que va avoir Lefranc. Il n'assiste pas à tout cela. On lui montre des images, exactement comme dans l'apocalypse. On le ramène ensuite à son film qu'il n' a plus envie de réaliser: il a compris qu'il y a des sujets plus durs et plus évidents que celui de ce film. Si les hommes s'expatrient à ce point là, c'est parce qu'ils sont obligés et, si on continue à vivre ainsi, on ne pourra plus vivre sur terre."


On pourrait, à partir de ce simple synopsis, imaginer l’analyse suivante : Chaque étoile représenterait Lefranc et Borg, l’un riche et corrompu, l’autre pauvre et révolté. Ce qui signifierait que le futur a changé en partie, mais hélas pas pour le mieux… Le message de l’album, lui, serait que ce qui s’est passé entre Borg et Lefranc doit être pris au sérieux, et non pas se masquer derrière des futilités… Ils ne doivent pas « faire semblant de faire semblant », sinon rien ne changera.

J’aurais bien aimé faire un relevé là-dessus. Dommage…
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Rob1
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Rob1 »

Superbe boulot, Mitsu ! 8-)

Pour ma part, ne prenant l'interprétation yaoïste qu'au deuxième degré, je trouve cette interprétation un peu trop sophistiquée par moments, mais je me suis bien marré quand même :lol:
Mitsugoro a écrit :Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, je ne serais pas loin de regretter que la série ne se soit pas arrêtée là ou qu’elle ne soit pas partie sur des bases totalement différentes, tant on a le sentiment qu’avec cet album, Jacques Martin nous a tout dit, comme si les précédentes aventures de Lefranc n’avaient fait que préparer celle-ci. Le fait est qu’au fil des années, il se désengagera de plus en plus des intrigues, qui deviendront littéralement... "post-apocalyptiques"… les personnages eux-mêmes retombant petit à petit dans leurs travers stéréotypés alors qu’on pouvait presque les voir échapper à leur auteur.
C'est par là que j'ai décroché. C'est tombé vers l'époque ou j'ai accepté que je ne lirai jamais toutes les BD au monde et que je me concentrerai sur les meilleures (jusqu'alors, je lisais tout ce qui passait, Tintin, Astérix, Spirou, Lucky Luke...).

Non, j'avoue, en fait j'ai carrément acheté la Cible et feuilleté la Camarilla et le vol du Spirit en librairie, avant de jeter l'éponge. J'avais jamais trop accroché à la série, là ca a été trop.
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Mitsugoro
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Merci rob1, ce commentaire m'a effectivement demandé beaucoup de boulot ! Mais ça en valait la peine. L'Apocalypse est vraiment un album à part, je n'ai d'ailleurs pas eu besoin de beaucoup me forcer pour trouver tout ça ! J'avais justement envie de faire quelque chose d'un peu plus sérieux, considérant de plus en plus au fil de mes lectures que Jacques Martin avait un rapport tout à fait particulier avec les notions d'homosexualité et d'identité sexuelle.
Rob1 a écrit :Non, j'avoue, en fait j'ai carrément acheté la Cible et feuilleté la Camarilla et le vol du Spirit en librairie, avant de jeter l'éponge. J'avais jamais trop accroché à la série, là ca a été trop.
Je partage cet avis. Par contre, j'hésite à poster les relevés que j'ai fait sur les albums suivants,et même à rester sur le forum, car Fred m'a averti que Dargaud se fait de plus en plus pressant et pourrait bien ne pas goûter ce topic. Pour ma part, j'ai deux de mes messages censurés sur le forum en moins d'une semaine et je trouve que ça commence à sentir le roussi.

Qu'en pensez-vous ? Should I stay or should I go ?
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Rob1
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Rob1 »

Mitsugoro a écrit :Par contre, j'hésite à poster les relevés que j'ai fait sur les albums suivants,et même à rester sur le forum, car Fred m'a averti que Dargaud se fait de plus en plus pressant et pourrait bien ne pas goûter ce topic. Pour ma part, j'ai deux de mes messages censurés sur le forum en moins d'une semaine et je trouve que ça commence à sentir le roussi.

Qu'en pensez-vous ? Should I stay or should I go ?
Pfff, ils se prennent trop au sérieux chez Dargaud... comme l'autre qui a cherché à arrêter la diffusion des parodies de La Chute...

Pour le reste, you should stay !
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Michel »

Mitsugoro a écrit : Par contre, j'hésite à poster les relevés que j'ai fait sur les albums suivants,et même à rester sur le forum, car Fred m'a averti que Dargaud se fait de plus en plus pressant et pourrait bien ne pas goûter ce topic. Pour ma part, j'ai deux de mes messages censurés sur le forum en moins d'une semaine et je trouve que ça commence à sentir le roussi.
Que tu aies été censurée par le modérateur du forum, c'est une chose, mais il est assez difficile de croire dans ces prétendues menaces de l'éditeur... Si les éditeurs avaient le pouvoir de censurer les forums de discussions, il n'y aurait plus un seul forum dédié à la BD (ni aux romans, ni au cinéma, ni à la musique, etc.)

Et je trouverais tout-à-fait surréaliste que DARGAUD essaye de censurer sur un forum indépendant un texte humoristique concernant Lefranc, une série éditée par CASTERMAN !!

En tout cas, BRAVO! pour ton analyse de L'Apocalypse ! C'est à la fois brillant et très drôle !
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Mitsugoro
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Merci Michel ! Ca m'a pris des mois de boulot ! Je continuerai de poster la suite, il me faut juste laisser un peu "reposer"... J'aimerais bien sinon, développer une plus grande visibilité de mon travail, mais je ne sais pas trop comment m'y prendre, manquant quelque peu de temps libre ces jours-ci.

Pour ce qui est de la censure, Fred m'a expliqué qu'en fait, c'est si je commençais à faire ce genre d'analyses avec Blake et Mortimer que Dargaud pourrait se fâcher... Ca et disons, une certaine "crudité" de langage qui ne passe pas trop non plus. Wait and see... Quant à la liberté des forums, je ne suis hélas pas si optimiste, quand on voit les déboires des fans de Tintin (mais je reconnais que c'est un cas extrême).
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par leally »

La liberté de penser -et d'extrapoler, de pervertir, de détourner, etc.- vaincra! Si les éditeurs veulent censurer tout ce qui heurte les canons de leurs séries, ils devront se créer des départements rien que pour ça! Qui a oublié les "ré-adaptations" érotiques de Tintin??

Comme les autres, je te dis "bravo" pour ton travail; sans partager toutes tes idées, je trouve ton approche aussi décalée que rafraichissante... et surtout, spirituelle ;-)
Bye-ciao!
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Merci de votre soutien à tous ! Ca aura pris du temps, mais voilà enfin la suite !

La cible

L’après-apocalypse, pour le meilleur et pour le pire: le meilleur étant la dimension nouvelle des rapports Lefranc/Borg, la pire étant - hélas ! - que l’adage selon lequel quand on a atteint le sommet de la montagne, on ne peut que redescendre, se vérifiera de plus en plus dans les albums qui suivront.

Ici, nous faisons la connaissance d’une cousine d’Axel Borg. Les lecteurs attentifs auront remarqué que tout personnage féminin de Lefranc qui se respecte, peut se classer en deux catégories : l’amoureuse qui meurt à la fin (sauf rares exceptions, voir l’Apocalypse ou Les Portes de l’Enfer), ou la virago castratrice. Mme Ritter Borg a l’honneur d’appartenir à la seconde catégorie et sera de ce fait une source intarissable d’ennuis pour notre couple préféré

L’intrigue, elle, commence doucement mais sûrement avec une vieille gloire de la danse très relativement hétérosexuelle (selon Michel Jaquemart, il serait inspiré du danseur Serge Lifar), montrant une sculpture de ses jambes page 4:

Image
Avec une superbe martinerie en prime !

Le dialogue ne manque pas de sel non plus:
Lefranc: « Tiens ? Qu’est-ce cela ? »
Igor Lipsky: « Mes jambes. Oui, c’est une œuvre de mon ami, Irwin Basa, le grand sculpteur. Il a exécuté cette pièce il y a une quinzaine d’années, cependant je peux vous assurer que physiquement il n’y a point de changement. »

Après la démonstration de cette méthode de drague pour le moins originale, les évènements se précipitent et notre danseur laisse éclater sa frustration au départ précipité de Lefranc. Ce dernier le perçoit bien:

« Pauvre homme ! J’ai le sentiment qu’il m’a fait venir pour que je découvre cette lettre, mais qu’au fond de lui-même, il se sent complètement floué. »

… mais ne semble pas démoralisé outre mesure, puisque nous le retrouvons page 14 pour la séquence habituelle de fan-service :

Image
Notre héros torsepoil tout frais du matin (et à la fenêtre en plus !).

Ce premier élément du cahier des charges martinien étant rempli, il ne reste plus aux méchants qu’à lancer l’idée qui fera capoter leur plan tout en complétant le dit cahier des charges:

« Quant au journaliste, il a disparu comme de bien entendu ! Il faudra donc utiliser les grands moyens. Hm ! Je crois devoir faire appel à l’homme qu’il nous faut: un parent de notre actionnaire de Lausanne.
- Il va venir de Suisse ?
- Non, des Etats-Unis. Il peut arriver ici très vite, on me l’a assuré. …Onéreux paraît-il, cependant il coûtera sûrement moins cher que la catastrophe que ce journaliste pourrait déclencher. »


Comme vous l’avez sûrement déjà compris, il s’agit de notre barbu préféré: le capitaine Haddock.

Mais pour l’instant, nous découvrons que Lefranc n’est pas un as du déguisement contrairement à Borg, page 17, où ses lunettes, sa fausse moustache, son manteau étriqué et son casque de chantier sont aussi convaincants qu’Yves Sente quand il invente une fille cachée à Mortimer:

Image
En effet, c'est abominable...

Ce qui ne l’empêche nullement d’exercer son art consommé du martinisme page 19 quand Lefranc est « approché » par une mystérieuse Mercedes rouge: « (…) Voilà qui est trop bien réussi pour être innocent. (…) »

Image
Axel Borg (car c’est lui le conducteur), l’as du rentre-dedans.

Mais quant est-il de l’après-Apocalypse me direz-vous ? Eh bien, les conséquences de l’expérience Pro-Mundia se manifestent à la page 20 de cet album, quand Borg (son identité est confirmée plus tard) tente d’agresser Lefranc dans sa chambre d’hôtel : le cœur n’y est visiblement pas, puisque ce « grand fauve », cet aventurier de grande classe se fait débouter par Lefranc avec une facilité déconcertante. Il est vrai que Lefranc dans une chambre d’hôtel doit inspirer chez Borg des pensées d’une toute autre nature: imaginez après les évènements de l’Apocalypse combien cela a du être un crève-cœur pour lui de dire à Lefranc d’enfiler ses vêtements !

Cette « démotivation » se confirme dès la page 24 où nous retrouvons Borg en compagnie d’un accort marin à foulard rouge et moustache. Lefranc, victime d’un attentat ourdi par la cousine diabolique (au grand désespoir du danseur mentionné plus haut, soit dit en passant), est prisonnier à bord du bateau de son cher et tendre barbu. Et il faut voir le mal que se donne Borg pour sauver l’élu de son cœur malgré les vicissitudes du scénario et du rôle d’éternel rival qui lui est attribué:

Borg: « Voici. Vous êtes arrivé à destination: cette île est à vous ! »
Lefranc: « Merci du cadeau ! »
- « N’ironisez pas, car j’ai du batailler ferme pour que l’on vous garde en vie. Après l’accident de votre voiture, cela a été très difficile de vous soigner et vous pouvez être satisfait d’être en si bonne forme. »
(Traduction: « Je fais ce que je peux avec le rôle qu’on me donne. »)
- « J’ai encore en mémoire ces semaines de souffrances: un cauchemar ! Et puis il y a eu ce vilain rafiot pour aboutir ici en Robinson Crusoé, sur une île oubliée du monde entier. »
- « Pas tant que vous croyez ! Votre destin aurait pu être plus bref, car, un moment, il avait été question de vous couler dans un cercueil en béton puis de jeter le tout à la mer. J’ai refusé. »
- « Belle sollicitude ! Et que vais-je faire dans ce site enchanteur ? »
- « Tenter de durer, si vous le pouvez ! Peut-être avez-vous une chance !? Ce sera à vous de la saisir, car je vais vous laisser tout le nécessaire pour survivre… »
- « A qui et à quoi ? »
- « Mais à un tir de fusée intercontinentale, pardi, car ici, vous allez être au centre de la cible. (…) Ce sera dans un peu plus de quinze jours, le 21… C’est tout ce que j’ai pu négocier afin de vous éviter une mort plus rapide et brutale. Dans quarante-huit heures débutera la surveillance côtière de l’île, nous ne pouvons donc séjourner plus longtemps avec ce voilier. »
- « Bon, malgré les apparences, vous êtes un abominable salaud ! »
- « Pour vous servir, messire… »
- « (…) Votre bonne fortune dépend désormais de votre imagination ! »
- « Entre-temps, je vous enverrai des cartes postales ! »
- « C’est cela, avec le bonjour de chez vous… »
- « C’est la mort lente, le supplice raffiné. Lorsque vous êtes apparu, à Québec, avec votre ancienne Mercedes, j’aurais du vous faire arrêter après vous avoir assommé avec l’extincteur. »
- « A votre place, c’est ce que j’aurais fait… Adieu ! »


Pauvre Axel ! Et pauvre Lefranc ! Tous deux se désolent au fond de jouer cette comédie à laquelle ils croient de moins en moins et dont ils tentent tant bien que mal de se détacher : Borg en sauvant sa némésis d’une mort certaine, Lefranc en évitant à Borg la prison (sa dernière réplique laisse entendre qu’un autre agresseur n’aurait pas eu droit à la même clémence).

Dans le cas de Lefranc, le danger est d’autant plus grand que le rôle de gentil a un confort moral qui peut, dans le cas précis, mener à une forme d’indolence et de passivité propres à la plupart des héros de Martin. Alix, Lefranc, agissent peu, contemplent beaucoup, et du coup, passent peut-être à côté de l’occasion qui leur permettrait de « s’accomplir », de trouver un sens à leur vie. Quant aux « méchants », ils sont souvent condamnés à rester esclaves de leurs vices, sans espoir de rédemption (Jacques Martin, dans un grand élan d’humanisme, prétendait dans « Avec Alix » que « les gens ne changent jamais : un intrigant jouera toujours des coudes, un menteur mentira toujours »…).

Et si, justement, c’était l’histoire d’amour que partagent nos deux protagonistes, le remède à l’ « angoisse métaphysique » dont parlait Thierry Groensteen ? Elle permet à Borg de dépasser le seul hédonisme, et à Lefranc de s’affranchir de son rôle de héros aux certitudes parfois étriquées. L’apocalypse illustrerait donc la résolution de ce conflit intérieur….

Quoi qu’il en soit, la facilité avec laquelle Borg se débarrasse de ses complices dans cette séquence est bien la preuve que cette clémence envers Lefranc est une faveur toute particulière, et non le fait d’un « amollissement » général du personnage !

Quant à Lefranc…
- « (…) Hum ! Si je me laisse pousser cette barbe, je vais ressembler à Robinson Crusoé, ou pire, à Borg ! Alors rasons cela. »
… on appréciera à sa juste valeur page 30 son instinct de uke qui consiste s’entretenir afin de ne pas ressembler à un seme. Ce que Borg, lui, a parfaitement intégré:
- « Ce vaurien n’a pu résister à la pulsion qui le mène invariablement au luxe: il a fait emballer des mousses à raser, des eaux de toilette et des produits de grands parfumeurs ! Je vais embaumer sur cet îlot mortel. Quelle fumisterie ! »

(…Faites du bien à un âne… Les automatismes ont la vie dure !)

Après avoir noté page 31 que Mme Ritter-Borg ne lit pas Lefranc puisqu’elle s’étonne que dernier soit toujours en vie malgré qu’elle ait fait appel à son cousin, nous revenons à la situation de notre héros.

…qui ne s’arrange pas, puisque page 32 nous avons le déplaisir d’assister à une scène de Martinisme hétéro entre Lefranc et une suédoise. Et ce n’est pas le fan-service de Lefranc en maillot de bain qui pourra réprimer la nausée qui m’envahit en tapant ces quelques lignes:

Lefranc: « La voici ! Une véritable sirène ! »
Lefranc: « Ho ! Le vilain gros poisson que j’ai attrapé là !
-Moi, j’ai cru voir un nounours au bord de l’eau !
-Mon adorable Singrid. Tu es la plus belle naïade que je connaisse !
- Et toi le plus séduisant pêcheur en eau claire ! »


Je vous laisse, je vais vomir quelques instants.

Heureusement, Lefranc tente de se ressaisir. Torsepoil, c’est un bon début : « Fichtre ! Si je me mets à rêver à cette merveilleuse Suédoise rencontrée à la Guadeloupe, je risque le coup de cafard… Il faut réagir, mais comment ? »

Peut-être en pensant davantage à un autre nordique, barbu cette fois ?

Enfin, j’aimerais conclure sur la figure tragique du danseur Igor Lipsky véritable martyr du martinisme, il se bat dans les coulisses pendant tout l’album pour sauver Lefranc, sans autre reconnaissance que celle de mourir dans les bras de ce dernier (et pas dans ceux de sa compagne !) au milieu des fleurs - mort « émo-gay » s’il en est ! - . La vie de cet homme pourrait être une vision de ce que pourrait devenir Lefranc: à s’aveugler devant sa propre nature, on finit par dépérir, et finir tristement sur une occasion manquée.

Hélas, cette ultime prophétie (qu'on pourrait en passant, rapprocher de la vision des hommes du futur de l'Apocalypse) ne semble pas avoir touché notre héros, car la décadence commence…
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Nicfit
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Nicfit »

Mais quel boulot, Mitsugoro, quel boulot !
C'est vraiment impressionnant : ce mélange d'érudition, de premier/second (et troisième ?) degrés et d'humour, c'est à tomber !

J'aimerais en écrire plus et le faire mieux, mais je n'ai pas le talent nécessaire :cry:
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abbas
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par abbas »

Superbes analyses,...... jouissif et instructif! Je comprends mieux pourquoi je ne suis pas fan de Lefranc, ni d'Alix qui présente les mêmes travers. :lol:
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Mitsugoro
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Ah, ça fait plaisir de lire vos commentaires !

Nicfit: le miex c'est d'essayer ! Le talent, ça se travaille, par contre le temps, c'est une autre affaire, je le reconnais (j'en sais quelque chose !).

Abbas: c'est précisément pour ces mêmes "travers" que je suis fan de ces séries. Et rappelons que jusqu'à présent, dans l'ensemble, nous avons traité de BONS albums, au dessin correct et où le scénario se tient. La suite sera autrement plus difficile à lire... et ce n'est pas cette horreur de Dernier Shôgun qui me fera changer d'avis.

Sinon, j'ai pu me procurer Noël Noir. J'espère en faire la chronique plus tard !
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Malko
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Malko »

abbas a écrit :Superbes analyses,...... jouissif et instructif! Je comprends mieux pourquoi je ne suis pas fan de Lefranc, ni d'Alix qui présente les mêmes travers. :lol:
Ben moi, je suis fan des deux et j'adore les chroniques de Mitsugoro ;)
Je la spoupçonne d'ailleurs de ne pas être totalement indifférente aux charmes de nos deux héros blonds...
J'attends son analyse de Noël noir avec impatience!
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Mitsugoro
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Malko a écrit :Ben moi, je suis fan des deux et j'adore les chroniques de Mitsugoro ;)
Je la spoupçonne d'ailleurs de ne pas être totalement indifférente aux charmes de nos deux héros blonds...
J'attends son analyse de Noël noir avec impatience!
En fait, pas plus que ça. C'est plutôt la relation entre leurs "seme" respectifs que je trouve touchante, ainsi que la délectation avec laquelle Jacques Martin les dessine d'une page à l'autre. :mrgreen:

Bon maintenant, faut que je me remette au boulot...
Qui ose souiller de ses souliers la loge du grand Mitsugoro ?
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Rob1
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Rob1 »

Pour ma part, les Lefranc c'est un vieux souvenir d'enfance : à l'école primaire, on avait un BCD (Bibliothèque Centre de Documentation) où on pouvait emprunter deux livres (dont une BD) tous les deux ou trois mois. Les gamins que nous étions (moi et ma classe, les visites périodiques au BCD se faisaient par classes entières) lisions évidemment énormément de BD, mais le BCD avait un choix de séries limité et un rien bizarre : quelques rares Tintins (que je connaissais déjà tous), des Petzi, des Alix et des Lefranc.

Comment une bibliothèque d'école primaire a pu se retrouver avec des Lefranc (c'est un peu limite pour ces âges-là) tout en faisant l'impasse sur Spirou, Lucky Luke ou Astérix, je me le demande encore. Mais c'était comme ca, et j'ai eu tout le temps de lire la collection de Lefranc (la grande menace, Opération Thor, l'oasis, l'arme absolue, l'apocalypse, probablement la crypte aussi), non pas que j'aie été fan de la série, mais simplement parce qu'à l'époque je n'avais pas l'occasion d'avoir beaucoup de BD, et je lisais systématiquement tous les albums sur lesquels j'arrivais à mettre la main.

Et bien qu'en primaire le sens critique était loin d'être très développé, je me souviens qu'on était plusieurs gamins à se marrer en voyant des interjections comme "haou !" (peut-être même parfois un délirant "hawawhou!")... et de trouver un rien bizarre certains aspects décousus des scénarios, et la fille moyennement féminine de l'Oasis...

Depuis, j'avais largement lâché la série Lefranc (bon, ok, j'avoue : j'ai quand même lu dans les années qui suivirent l'ouragan de feu, le mystère Borg, le repaire du loup, et la camarilla quand je suis tombé dessus, et j'ai même acheté l'album la cible faute de l'avoir trouvé dans une bibliothèque). Je m'étais contenté de voir cette série comme un peu particulière avec ses bizarreries. Heureusement que Mitsugoro était là pour donner une seconde vie à tout ça :lol:
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Après ces longs mois d'attente, voici le repost de:

La Camarilla ou le début de la fin.

Chroniqueuse du yaoi français devrait être classé dans les métiers à risque. En effet, la Camarilla entérine la baisse qualitative du graphisme de la série au point que mes yeux en saignaient à la lecture.

Mais le début de la fin n’est pas que graphique. Nous le verrons plus tard, à notre grand désarroi.

Les choses commencent tranquillement page 5 où un journaliste blond bien connu de nos lecteurs trouve le moyen de se faire inviter en weekend par un « ami » (un ex ?) pilote de course automobile.

Le dit pilote, répondant au nom d’Yon Clare, assure dès la page 5/6 la séquence fan-service obligatoire avec une scène de douche laissant relativement peu de place à l'imagination, au cours de laquelle un riche homme d’affaires lui propose à son tour de passer quelques jours de détente chez lui avec Lefranc. Plus on est de fous plus on jouit.

Image
Et rien de tel qu'une statue d'éphèbe dans l'entrée pour assurer l'ambiance.


Autre caractéristique de Yon Clare : il a une compagne… encore que sa mémoire soit assez sélective sur cette question: il se fait déjà prier pour la prévenir de son séjour imprévu. Notez cependant que la dame en question (Hélène), refuse de suivre Yon Clare et semble préférer la compagnie des femmes:

« Tu es gentil, Yon,… Pas vraiment. Ces relations avec les gens de la course, cela me déprime… Non !... Je t’assure… Je me suis baignée avec Brigitte et Paula… Merveilleux… Oui, c’est bien… Téléphone-moi… Gros bisous ! »

Et pour couronner le tout, à peine arrivés à leur lieu de villégiature, Lefranc et le pilote se font aborder page 8 par deux charmants garçons en short prêts à les initier aux joies inavouables du shotacon*.

Avec une martinerie à la clé:
« Vous êtes son idole et il n’osait pas vous approcher. Alors, j’ai un peu arrangé cela. Hé ! Hé ! » sort l’un des gamins à Clare à propos de son ami.

(*Le shotacon est un des pans les plus sulfureux du manga érotique au Japon puisque mettant en scène de très jeunes garçons dans des rapports hétérosexuels ou homosexuels, malgré que ce genre produise autant d'œuvres de qualité qu'un autre, bon courage pour en trouver en France sans risquer la taule !)

En tous cas, il a du y avoir une ellipse ou deux entre les cases, car Clare a prêté son casque au gamin, peut-être en échange d’un petit « service » comme l’indiquent les martineries suivantes échangées entre Lefranc et Clare page 9:

Lefranc : « …Vous avez fait un heureux. »
Clare : « Ce garçon est très gentil…(…) »

Le shotacon c’est le bien.

Mais alors me direz-vous, en quoi cet album est-il le début de la fin ? Eh bien déjà, parce que la médiocrité du dessin tend à saper toute la valeur du fan-service distillé ici et là, et aussi parce que, encore une fois, l’hétéro à la Martin a encore frappé. Et très fort, puisqu’il suffit d’une femme ayant un sein plus haut que l’autre page 10 pour que tout bascule dans le néant pour Yon Clare. Tout va littéralement très vite:

La fille: « Allez ! Dépêchez-vous d’enfiler un maillot de bain… Moi je n’en ai pas ! » « Regardez !... »
Yon Clare : « Mmh !... Très joli ! Vraiment. »
- « Alors profitez-en. »


Qui a dit que le romantisme était mort ? Et une heure plus tard, Yon a tout oublié, à commencer par sa compagne, puisqu’il restera accroché à la fille, nommée Graziella, jusqu’au bout. Il se paiera même le luxe de piquer des crises de jalousie à son égard, le mauvais goût se mesurant autant quantitativement que qualitativement, et cela sans que personne, Lefranc et auteur (amnésiques aussi ?) compris ne s’en émeuve.
Quant à Borg… notre pauvre Axel arrive déguisé… en type moche. Je n’ai pas trouvé de terme plus parlant. Peut-être a-t-il honte qu’on le voie cachetonner là-dedans.

Ce qui n’empêche pas le naturel de revenir caracoler page 14 où Borg/Burgi ne peut s’empêcher d’approcher le duo infernal Lefranc/Clare pour leur montrer des statuettes d’hommes nus en bronze (notez en passant la divinité représentée), devant lesquelles, dans un sursaut de dignité pour la cause yaoiste, Yon Clare semble manifester un certain intérêt :

Image
Dis moi Yon, tu aimes les films de gladiateurs ?


Et là du coup c’est Graziella qui comprend qu’elle est de trop et tire sa révérence en laissant nos deux « héros » (hum !) en plan page 14/15 sans moyen de transport.

Notez que même sous couverture, Borg bataille pour la sauvegarde du vrai, du bon yaoi martinien, puisqu’il n’hésite pas page 17 à couvrir le duo et le gamin shota en payant l’essence que ce dernier a utilisé pour les ramener à bon port (Borg : « Et surtout n’ennuyez plus cet enfant. »).

Moralité: à protagoniste yaoi donné, les seme et les shotas sont fiables. Pas les femmes. Cette démonstration empirique le prouve.

Sur ce l’histoire suit son cours : Lefranc retrouve un ex moustachu page 18, il se passe de drôles de choses dans les rideaux entre Burgi/Borg et un homme d’affaires (mais hélas rien de compromettant), Lefranc se fait draguer par une vieille page 23 (« Mon problème est que je n’ai jamais su dire « non » à un beau blond. »), utilise ses agents shota pour espionner Borg, etc… mais je manque de motivation pour m’étendre sur ces détails, tant la lecture de cet album se révèle laborieuse.

Ah si ! le temps d'une case, Axel Borg ressemble un peu à Pat Magnum, héros bien connu des bd de gare dont ces messieurs du forum bdtrash sont friands. Jugez-en plutôt:

Axel Borg:
Image

Pat Magnum
Image


Et je garde quand même cette petite martinerie de Lefranc page 26 sur le drame du uke délaissé:

- « Mais que m’arrive-t-il ?... Un mauvais pressentiment, un coup de cafard ! … Et me voici désormais tout seul, ici, sans même ce brave François Jugnard (l’ex à moustache) qui est reparti ce matin. Décidément où Borg passe, le bonheur trépasse !... »

Non, Lefranc, le bonheur est à portée de ta main de uke, mais tu ne sais pas (plus ?) le voir, cette dernière phrase le prouve !

Mais ce drame n’est pas le seul: l’un des deux shota, victime de sa passion, hélas à sens unique, pour Yon Clare se perd en mer page 28 en voulant rapporter le casque de ce dernier. Et suprême ironie du martinisme, Yon Clare lui-même meurt page 32 dans un accident de voiture à l’endroit même où l’on retrouve le corps de l’enfant. Quand on vous dit que les femmes portent malheur aux adeptes de la Voie du yaoi…

Sachant que la mort de Clare a été indirectement causée par Borg, ceci ne peut que nous confirmer son rôle souterrain de gardien de la Voie dans cet album, pour le meilleur et pour le pire (ici surtout le pire).

Et c’est dans ces circonstances tragiques que nous avons la preuve de la toute puissance du yaoi page 35 où « un coup de vent subit arrache quelques fleurs aux couronnes de l’ancien pilote et les emporte sur le cercueil de Stefano. »

Image
Mon cher et tendre me signale en passant que vu les dimensions du cercueil, Yon Clare devait mesurer approximativement 3 mètres après sa mort.

Image
Le romantisme reprend enfin ses droits... hélas un peu tard !

Oui, au-delà de la mort, du Jacques Martin sous acide, et de la médiocrité graphique et scénaristique, le yaoi et le shota demeurent les plus forts, éternellement ! (d’autant plus que le shota survivant, Luciano, garde une fleur en souvenir !)

Le yaoi suit donc son cours chez Martin, envers et contre tout, et comme d’habitude, Borg fait feu de tout bois page 35 en contactant Lefranc pour échapper aux menaces qui pèsent sur lui, mais depuis le temps vous savez que même si les menaces sont réelles, elles sont surtout un bon prétexte... Lefranc l’a bien compris:

Lefranc: « Décidément vous ne changerez jamais ! »
Borg : « Vous avez déjà vu quelqu’un changer, vous ? Moi, jamais… A bientôt. »

(Notez au passage la contradiction chez Martin, la personnalité de Borg ayant sensiblement évolué au fil des albums…)

Et comme c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, c’est encore une fois déguisé en prêtre (ici en archevêque plus précisément) que Borg donne rendez-vous à Lefranc page 38. Dans un confessionnal, pour faire bonne mesure (et Lefranc ne semble pas indifférent à ce stratagème si l'on en juge par l'ambiance de léger flirt de cette case). Même si par la suite, il gigolotera sans grand enthousiasme auprès de la comtesse, sans doute pour rendre jaloux un Lefranc plus intéressé par son arrestation et ses dossiers sur la mafia locale que par ses changements de look (notez une mini séquence fan-service en peignoir page 39), la repousse de sa sacro-sainte barbe ou sa chambre décorée de motifs roses (à propos du peignoir, peut-être s’est-il tout de même passé quelque chose cette nuit-là ?). (Notez que, gentleman, il enverra quand même des fleurs à la dame à la fin.)

Enfin, page 41, on ne peut quand même pas rater un nouveau Lefranc torse nu disant au téléphone:

« (…) Axel Borg, vous devenez de plus en plus mégalo !... »

Eh oui, car celui-ci l’a gentiment appelé pour lui faire ses adieux semble-t-il.

Ah, et pour conclure cet album au bilan mitigé, devinez ce que Lefranc a gardé de tout ça dans le coffre de sa voiture page 48 ? LE CHAPEAU DE CARDINAL D’AXEL BORG !

Image

Quand on vous dit qu’il a des tendances fétichistes…

… Malheureusement, après le meilleur et le moyen, nous allons nous mesurer au pire, car nous passerons la fois prochaine au Vol du Spirit !

(J'ai un peu rushé la mise en page de ce relevé ce matin, n'hésitez pas à me dire si vous voyez des coquilles, des lourdeurs, ou autres joyeusetés !)
Modifié en dernier par Mitsugoro le 20 nov. 2012, 14:13, modifié 1 fois.
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par abbas »

Délicieux...merci Mitsu..mais que les dessins sont moches !
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Mitsugoro
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par Mitsugoro »

Je sais. Visuellement cet album est une vraie purge ! Mention spéciale à la nana aux seins asymétriques.
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Re: Une autre lecture de la BD franco-belge

Message par abbas »

Je vais le feuilleter quand même, ...pour rire un peu. :mrgreen:
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