Je reviens donc, avec deux ans de retard, sur le cas du P-M imprudemment baptisé "Berreta" par Jacobs à cause d'un "B" situé au détour d'une phrase, quelque part...
A la planche 40, nous voyons « Monsieur Henri », très en colère à la suite du coup de fil qu’il vient de recevoir, ouvrir un tiroir et en sortir un pistolet-mitrailleur assez trapu d’aspect que, en case 7, Jacobs a le malheur de qualifier de « Beretta »…
Cruelle méprise qui va nous et me conduire à chercher pendant longtemps, très longtemps même, dans la mauvaise direction. A tel point que, lorsque j’entrepris de réaliser le Dictionnaire encyclopédique de Blake et Mortimer, j’en étais arrivé à de mauvaises conclusions.
©Jacobs - Pl. 40, case 12
Car point de « Beretta » en vue ! La célèbre firme italienne n’avait d’ailleurs jamais réalisé un tel modèle de P-M
J’en étais finalement arrivé à la conclusion que ce modèle que nous présentait Jacobs était le fruit d’amours coupables entre un "Carl-Gustav M45" suédois et un "Smith & Wesson Model 76" ; lui-même dérivé du "Carl-Gustav"…
Un hybride spécialement concocté par Jacobs pour les besoins de sa cause à partir de deux armes parfaitement connues et répertoriées, afin d’en tirer un modèle totalement nouveau issu de son imagination. Mais c’était bien mal connaître notre homme que d’aller penser qu’il avait pu se livrer à une telle mascarade !
Et j’allais finalement en avoir la preuve alors que je travaillais aux Affaires des colliers.
Un ami armurier me dit un jour qu’il avait vu sur un site ou un forum que l’arme dont nous débattons n’était pas correctement identifiée, qu’il avait lui, des documents concernant le modèle véritable ; docs qu’il m’a donc communiqués puisque je lui parlais d’en faire une présentation dans ma prochaine étude… Etude que certains d'entre vous ont eu la chance d'avoir entre les mains, mais que, pour les autres, je vais résumer ci-dessous :
Il s’agit en fait d’un pistolet-mitrailleur produit par la Fabricca nazionale d’Armie, implantée à Brescia, Italie, aux alentours de 1956-1957.
En 1954, la F.N.A. démarre les études d’un pistolet-mitrailleur dont le nom de code est « X4 » et dont le format est un peu plus grand. Ce nouveau modèle, qui avait prouvé ses indéniables qualités lors de tests poussés, était proposé au prix unitaire de 50$ US pour 100.000 unités… Lors d’un dernier test « grandeur nature » réalisé à la mi-1955, la firme décida donc sa mise sur le marché.
Les différences appréciables entre les deux modèles d’armes sont un canon et un chargeur plus longs…
Mais, hélas, aussi bien le « X4 » que son descendant direct, encore plus trapu, le « X5 » vu dans S.O.S. météores, ne rencontrèrent le succès escompté et, vers la fin des années 1950, vu le peu d’empressement apporté par les différents pays à le(s) commander, la F.N.A. décida d’en arrêter la fabrication.
Cependant, Maître Jacobs en avait vu un exemple et décida de le mettre en scène dans cette planche, tout en ignorant que le « B » de F.N.A.B. n’était pas celui de « Beretta » !
Et c’est sur ce quiproquo assez banal que se basèrent des générations de lecteurs et de chercheurs dans mon genre…