Erca a écrit :Avec une nouvelle maquette à l'arrière. Et des Blake & Mortimer signés Juillard et très soignés.
Oui, ils sont dessinés élégamment, c'est le "minimum syndical" pour Juillard... En revanche, ils n'ont pas beaucoup de caractère, surtout Mortimer qui, en version juillardienne, devient de plus en plus une espèce de gros Nounours bien pépère à qui il ne manque que des charentaises... Et ça conforte un peu plus la remarque pertinente de Mitsu :
Mitsugoro a écrit :J'ai une autre théorie concernant Sente: ça marche parce qu'il fait ce que la majorité des lecteurs attendent: pour ces derniers, Blake et Mortimer, c'est deux vieux papis anglais qui sirotent du gin dans leur salon cosy au coeur des années 50. C'est complètement faux, très réducteur, mais ça se vend comme ça, alors pourquoi s'ennuyer à avoir du talent dès lors que les éléments de la check-list de Dargaud sont validés ?
Cette "nouvelle"
4ème de couv va dans ce sens :
elle contribue à LISSER et à figer encore un peu plus des personnages que Jacobs, pourtant, avait subtilement fait évoluer. Même barbu et fumant la pipe en complet veston, Mortimer était toujours resté, pour moi, un personnage
contemporain... Contemporain, curieux de tout et en conflit permanent avec des émotions et réactions contradictoires... Un savant atypique, frondeur, sanguin, imprévisible, bouillonnant de l'intérieur... ! Qu'est devenu ce Mortimer-là, dans cette vision "so british" mais si lisse, proche du Musée Grévin ?!? Ce qui devait arriver arrive donc :
la nostalgie-hommage devient une nostalgie-momifiante...
Pire, cette image de B & M a quelque chose de sucré, de 'gentil', d'absolument inoffensif... Et ça accentue le triste constat qu'il n'y a, dans les reprises, absolument plus rien de ce qui pouvait être dérangeant, oppressant, sombre, voire politiquement incorrect dans les "B & M" fondateurs
. Plus de trace d'un quelconque "point de vue" philosophique et/ou idéologique... Le pessimisme intrinsèque des aventures de B & M, inhérent au tempérament et au parcours personnel de Jacobs, a disparu avec lui. Il y avait certainement un assez gros "fond" réactionnaire chez EPJ, mais au moins son oeuvre était nourrie et alimentée par le besoin de dire des choses sur notre Monde, sur nos sociétés et leur devenir ; cela contribuait à la Force qui se dégage des récits jacobsiens, et à leur atmosphère absolument unique.
Ses histoires étaient pensées, façonnées, triturées dans tous les sens pour être mieux investies ; elles mûrissaient lentement, elles s'étoffaient, puis s'incarnaient à travers mille recherches... avant de prendre vie graphiquement, au compte-goutte et dans la douleur...
Désormais, il semble qu'elles soient juste...
"fabriquées". Dans le meilleur des cas, c'est fabriqué habilement...
Sinon, on en revient toujours à cette même impression pénible : les "nouveaux" Blake & Mortimer ne sont plus que 2 comédiens pas très inspirés, pas très expressifs, engoncés dans des costumes et manteaux désormais trop raides, et qui blablatent mollement sur fond de très jolis décors, classieux mais trop clean...
La jolie neige immaculée et toute propre de la campagne anglaise a remplacé le brouillard jaunâtre et poisseux, hanté de papiers gras, des Docks de Londres...