Novellisation du Secret de l'Espadon
Novellisation du Secret de l'Espadon
Il s’agit, bien entendu, du très fameux Secret de l'Espadon !
Mais, l'adaptation de l'œuvre dessinée de Edgar P. Jacobs s'est révélée être une entreprise plus ardue qu'il n'y paraissait au premier abord. Surtout lorsqu’il s’agissait de sa première œuvre réaliste où apparaissaient, étroitement imbriqués, personnages et évènements imaginaires, mêlés à des lieux et contrées réelles. Et, là encore, fallait-il avancer avec la plus extrême prudence, car notre grand ami, dans sa verve créatrice et l'ardeur de sa jeunesse, a parfois quelque peu bousculé la Géographie.
Quand il n'a tout simplement pas fait évoluer amis ou ennemis dans des endroits de pure invention, comme la vallée du « Yen Wang-yé » au Thibet, ou la fameuse usine ultra-secret de « Scaw-Fell » sur lesquels je reviendrai plus loin.
D'autre part, il me fallait aussi tenir compte de données historiques impératives pour garder à l'histoire, écrite et dessinée en 1946 (et partiellement redessinée en 1949 pour la mise en album), au lendemain de la dernière Guerre mondiale, avec quelques arrière-pensées, implicites si non formulées, une véracité absolue.
Dans ce but, j'ai recherché dans les trop nombreux évènements, soubresauts et menus conflits de l'Histoire contemporaine les faits qui pourraient apparaître en parfaite adéquation géo-politique avec notre aventure.
J'expliciterai en fin de volume les choix et décisions auxquels je suis parvenu pour vous livrer le récit que vous aurez, j'espère de tout cœur, le plus grand plaisir à lire.
Autant, et peut-être plus encore, que celui que j'aurai eu à l'écrire.
Lorsque je commençai l’écriture de cette adaptation, je pensais fermement que cela aboutirait assez vite sur une publication… Las, il n’en fut rien, et pour des raisons aussi diverses que variées, bien contrariantes au fond, car indépendantes de la volonté de Claude Lefranc, près à relever le défi d’une novellisation du Secret de l’Espadon, et de moi-même, auteur, qui y croyions dur comme fer. Claude Lefranc ayant été racheté, et aucun autre Editeur, Dargaud-Lombard le dernier, ne voulant « prendre le risque » de m’éditer, moi, un inconnu… je fus contraint de remiser mon manuscrit dans un profond tiroir où il dormit d’un sommeil oublieux durant toutes ces années d’où je ne pensais pas vraiment le sortir un jour.
Aujourd'hui, j'ai le très grand plaisir de pouvoir enfin proposer à tous ceux qui seraient intéressés sur ce Forum les deux volumes totalisant, avec les extras, près de 1.200 pages
Il m'est impossible de l'imprimer et de le faire diffuser vers les Librairies et autres grandes surfaces compte-tenu d'un arrangement vieux de trente ans que j'ai passé avec Claude de Saint Vincent lorsque je l'ai proposé au Lombard la toute première fois
Comme il est, d'autre part, impossible d'imprimer un tel monument à très petit tirage à un prix raisonnable, je me contenterai d'en faire profiter ceux qui seront intéressés grâce aux PDF prêts à imprimer, avec Couve et tout...
A présent que les acteurs et les décors sont plantés, place à l'action et au drame, dans un récit planté dans une uchronie, ou « univers parallèle ».
Et bonne lecture à la découverte du « nouveau » Secret de l’Espadon…
Re: Novellisation du Secret de l'Espadon
Sinon, je vous livre ici le début du livre 1 avec le chapitre UN
Demain, je posterai le Chap 2
C'est parti...
NOVELLISATION originale et inédite
Le SECRET de l'« ESPADON » TOME I
par Alain S. LERMAN
d'après l'oeuvre originale
d'Edgar-P. JACOBS
PREMIERE PARTIE
« COMME UN VOL DE GERFAUTS »
« Quand volera l'oiseau de fer, et que
les chevaux iront sur des roues,
les Thibétains seront dispersés
à travers le Monde commme des fourmis,
et le Dharma ira dans la terre de l'Homme rouge »
PADMASAMBHAVA (8è Siècle)
Gourou Rimpoché, Grand Maître
Le Code de la Propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'Article L. 122-5 (2° et 3° A), d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illiciteé (Art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles L. 335-2 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle
Tous droits réservés pour tous pays ©2017 & 2025 Alain S. Lerman, Edgar P. Jacobs & Editions du Lombard / Blake et Mortimer
« Les mots sont comme des feuilles, et là où ils abondent,
On trouve rarement du bon sens au-dessous »
Alexander POPE - (1688-1744)
AVANT-PROPOS
Fervent admirateur d’Edgar P. JACOBS et de son œuvre, l'envie et le désir me sont un jour venus de transcrire sous forme de roman la plus mémorable des aventures de Blake & Mortimer.
Il s’agit, bien entendu, du très fameux Secret de l'Espadon !
Mais, l'adaptation de l'œuvre dessinée de Edgar P. Jacobs s'est révélée être une entreprise plus ardue qu'il n'y paraissait au premier abord. Surtout lorsqu’il s’agissait de sa première œuvre réaliste où apparaissaient, étroitement imbriqués, personnages et évènements imaginaires, mêlés à des lieux et contrées réelles. Et, là encore, fallait-il avancer avec la plus extrême prudence, car notre grand ami, dans sa verve créatrice et l'ardeur de sa jeunesse, a parfois quelque peu bousculé la Géographie.
Quand il n'a tout simplement pas fait évoluer amis ou ennemis dans des endroits de pure invention, comme la vallée du « Yen Wang-yé » au Thibet, ou la fameuse usine ultra-secret de « Scaw-Fell » sur lesquels je reviendrai plus loin.
D'autre part, il me fallait aussi tenir compte de données historiques impératives pour garder à l'histoire, écrite et dessinée en 1946 (et partiellement redessinée en 1949 pour la mise en album), au lendemain de la dernière Guerre mondiale, avec quelques arrière-pensées, implicites si non formulées, une véracité absolue.
Dans ce but, j'ai recherché dans les trop nombreux évènements, soubresauts et menus conflits de l'Histoire contemporaine les faits qui pourraient apparaître en parfaite adéquation géo-politique avec notre aventure.
J'expliciterai en fin de volume les choix et décisions auxquels je suis parvenu pour vous livrer le récit que vous aurez, j'espère de tout cœur, le plus grand plaisir à lire.
Autant, et peut-être plus encore, que celui que j'aurai eu à l'écrire.
Lorsque je commençai l’écriture de cette adaptation, je pensais fermement que cela aboutirait assez vite sur une publication… Las, il n’en fut rien, et pour des raisons aussi diverses que variées, bien contrariantes au fond, car indépendantes de la volonté de Claude Lefranc, près à relever le défi d’une novellisation du Secret de l’Espadon, et de moi-même, auteur, qui y croyions dur comme fer. Claude Lefranc ayant été racheté, et aucun autre Editeur, Dargaud-Lombard le dernier, ne voulant « prendre le risque » de m’éditer, moi, un inconnu… je fus contraint de remiser mon manuscrit dans un profond tiroir où il dormit d’un sommeil oublieux durant toutes ces années d’où je ne pensais pas vraiment le sortir un jour.
A présent que les acteurs et les décors sont plantés, place à l'action et au drame, dans un récit planté dans une uchronie, ou « univers parallèle ».
Et bonne lecture à la découverte du « nouveau » Secret de l’Espadon…
Fini d’écrire à Penetanguishene – Canada, le 20 novembre 1994
Otterburn Park - Penetanguishene, février-novembre 1994
Alain S. Lerman
« Rien ne le fera ployer,
c'est un roi de fer ! »
Bernard de SAISSET – (1232/1311)
Histoire du Thibet
Le « Pays des neiges », envahi, humilié, amputé, n'oubliera jamais qu'il fut pendant des siècles un immense empire. Fier de son royal fondateur dont l'existence fut une épopée grandiose à l'égal des Gengis Khan, Kubilaï Khan ou Alexandre le Grand.
La véritable Histoire du Tibet débute par l'avènement de Songtsen Gampo ou Srong-btsan-sgam-po, fils de Gnamri-slon-btsan. Ce trente-troisième roi de la Dynastie des Yarlung établira des relations de bon voisinage avec la Chine et, l'influence chinoise aidant, donnera à son Royaume une organisation centralisée. La centra-lisation du pouvoir était une des nécessités du Tibet, eu égard aux interminables guerres et pillages auxquels se livraient les féodaux.
Le règne de Songtsen Gampo sera surtout marqué par l'extension de son Royaume en direction du Népal et de l'Inde, extension territoriale qui se prolongera jusqu'aux régions du lac Koukou Nor et de la Chine occidentale.
La Tradition tibétaine dans le Man bka'-'bum dit que, outre ses mariages tibétains, Songtsen Gampo épousa une princesse népalaise, fille d'Amsuvarma, Roi du Népal, ainsi que la Princesse chinoise Wensheng, nièce du grand T'ai tsong, fondateur de la Dynastie Tang.
C'est en l'An 620, qu'à l'âge de treize ans, Songtsen Gampo, chef de clan thibétain vivant dans la vallée de Yarlung, à cent-vingts kilomètres de Lhassa, s'élance à cheval à la con-quête de toute l'Asie centrale.
Vingt ans plus tard, cet homme a réussi à lever l'une des plus redoutables Cavaleries de tous les Temps ; sept siècles avant les Mongols, il étend sa domination sur une grande partie du continent sub-asiatique, s'attaquant même à la Chine.
Il soumet le Népal dont il épousera la Princesse Brikuti, et s'aventure au Bengale.
Il porte ensuite ses attaques vers la Chine, faisant trembler le Céleste Empire, et exigeant déjà du premier et puissant Empereur Tang un énorme tribut pour se retirer ; avant d’en épouser la nièce.
Selon certaines sources, il épousa cette dernière à la suite d'un guerre qui dura sept ans dans les Marches chinoises du Koukou Nor. Les deux reines étrangères, chinoise et népalaise, apportent avec elles leur propre héritage culturel, en concourant à apporter un raffinement policé au Tibet et, tout particulièrement à Lhassa, où elles introduisent une nouvelle Religion, opposée au Bön tradi-tionnel, le Bouddhisme.
Sitôt terminée sa Campagne chinoise, ce magnifique guerrier à l'extraordinaire mobilité pour l'époque, retraversant tout le Thibet, investit le Baltistan (Nord Pakistan).
A la Cour de Songtsen Gampo se rencontraient des savants chinois, des érudits persans, indiens et mongols.
Les fils de Songtsen Gampo étaient des guerriers redoutables qui tinrent pendant plusieurs siècles, entre 750 et 1000, de nombreuses oasis et grottes stratégiques sur toute la Route de la Soie, artère commerciale alors la plus importante d’Asie.
En 755, Trisong Detsen, descendant de Songtsen Gampo, monta sur le trône. Son règne marqua à la fois l’apogée de la puissance militaire tibétaine, les cavaliers des hauts plateaux envahissant en 763 la Capitale chinoise Chang An.
Ses successeurs agrandiront considérablement son Empire jusqu'au Turkestan chinois, au Nord, et, plus à l'Ouest, allant affronter les Arabes. Harun al Raschid, Calife de Baghdad, envisagera même de s'allier aux Chinois pour stopper les Thibétains.
A l'extrême opposé, ils s'attaqueront à la Birmanie, grignotant, dans la foulée, une partie du Sichuan, du Gansu et du Yun-nan, Provinces chinoises.
C'est ainsi qu'au début du VIIIème Siècle, la Chine en est à payer un tribut annuel de cinquante mille rouleaux de soie pour s'épargner ces attaques. Mais, lorsqu'en 763, l'empereur tarde à payer, mal lui en prend. Aussitôt, l'armée des descendants de Gampo attaque et in-vestit même la Capitale chinoise, Chan'An (la Xian moderne). Ils déposent l'Empereur Tang et mettent à sa place le frère de la prin-cesse chinoise, épouse du roi du Thibet.
Il est remarquable de constater que, treize siècles après sa mort, sur tout l'immense territoire de l'ancien Empire de Songtsen Gampo, allant des frontières du Pakistan à celles de la Birmanie, des confins du Bengale à ceux de la Sibérie, on parle toujours le tibétain et pratique encore la Religion (Lamaïsme) imposée par ce conquérant.
«« D'un petit Royaume, un cavalier a su faire un Empire, et l'an-nexion du Thibet à la Chine ressemble, à s'y méprendre à une revanche tardive de Mao Ze-dong sur Songtsen Gampo qui, au VIIè Siècle, se tailla un immense empire en Asie et humilia même l'Empire chinois (se pourrait-il que Mao ait connu et relu ses classiques d'Histoire chinoise et y ait trouvé justement le fondement et la justification de son acte ? A n’en point douter !).
La rivalité multi-centenaire entre ces deux grandes Puissances ne s'est jamais démentie tout au long de leur Histoire. Le dépeçage du Thibet par Mao à partir de l’invasion surprise de 1959, n'en étant, finalement, que l'aboutissement.
Aussi, bien qu'imaginaires, l'accession de Kwan Damh-dü au pouvoir suprême du nouvel Empire dont il fait le Grand Thibet (dans ses frontières historiques d'avant l'invasion anglaise de 1904) le centre politique, ainsi que sa guerre de conquête planétaire, peuvent très bien être considérés comme les témoins de la restauration de l'œuvre de Gampo et de la résurrection de la fierté nationale.
Fierté que l'on retrouve d'ailleurs encore - et toujours - chez les sanguinaires et farouches guerriers Khampas.
NB : Pour les lecteurs que cela surprendrait et qui ne sont guère habitués à voir « Thibet » orthographié avec un « h », nous rappellerons que cette histoire se passe à une époque où le « h » de Thibet n'avait pas encore disparu dns les oubliettes de l'Histoire et de l'Orthographe...
DEMAIN, la suite
Re: Novellisation du Secret de l'Espadon
Sinon, je vous livre ici le début du livre 1 avec le chapitre UN
A noter que, en début de chaque chapitre se trouve une maxime plus ou moins connue
Demain, je posterai le Chap 2
C'est parti...
NOVELLISATION originale et inédite
Le SECRET de l'« ESPADON » TOME I
par Alain S. LERMAN
d'après l'oeuvre originale
d'Edgar-P. JACOBS
les chevaux iront sur des roues,
les Thibétains seront dispersés
à travers le Monde commme des fourmis,
et le Dharma ira dans la terre de l'Homme rouge »
PADMASAMBHAVA (8è Siècle)
Gourou Rimpoché, Grand Maître
Le Code de la Propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'Article L. 122-5 (2° et 3° A), d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illiciteé (Art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles L. 335-2 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle
Tous droits réservés pour tous pays ©2017 & 2025 Alain S. Lerman, Edgar P. Jacobs & Editions du Lombard / Blake et Mortimer
« Les mots sont comme des feuilles, et là où ils abondent,
On trouve rarement du bon sens au-dessous »
Alexander POPE - (1688-1744)
AVANT-PROPOS
Fervent admirateur d’Edgar P. JACOBS et de son œuvre, l'envie et le désir me sont un jour venus de transcrire sous forme de roman la plus mémorable des aventures de Blake & Mortimer.
Il s’agit, bien entendu, du très fameux Secret de l'Espadon !
Mais, l'adaptation de l'œuvre dessinée de Edgar P. Jacobs s'est révélée être une entreprise plus ardue qu'il n'y paraissait au premier abord. Surtout lorsqu’il s’agissait de sa première œuvre réaliste où apparaissaient, étroitement imbriqués, personnages et évènements imaginaires, mêlés à des lieux et contrées réelles. Et, là encore, fallait-il avancer avec la plus extrême prudence, car notre grand ami, dans sa verve créatrice et l'ardeur de sa jeunesse, a parfois quelque peu bousculé la Géographie.
Quand il n'a tout simplement pas fait évoluer amis ou ennemis dans des endroits de pure invention, comme la vallée du « Yen Wang-yé » au Thibet, ou la fameuse usine ultra-secret de « Scaw-Fell » sur lesquels je reviendrai plus loin.
D'autre part, il me fallait aussi tenir compte de données historiques impératives pour garder à l'histoire, écrite et dessinée en 1946 (et partiellement redessinée en 1949 pour la mise en album), au lendemain de la dernière Guerre mondiale, avec quelques arrière-pensées, implicites si non formulées, une véracité absolue.
Dans ce but, j'ai recherché dans les trop nombreux évènements, soubresauts et menus conflits de l'Histoire contemporaine les faits qui pourraient apparaître en parfaite adéquation géo-politique avec notre aventure.
J'expliciterai en fin de volume les choix et décisions auxquels je suis parvenu pour vous livrer le récit que vous aurez, j'espère de tout cœur, le plus grand plaisir à lire.
Autant, et peut-être plus encore, que celui que j'aurai eu à l'écrire.
Lorsque je commençai l’écriture de cette adaptation, je pensais fermement que cela aboutirait assez vite sur une publication… Las, il n’en fut rien, et pour des raisons aussi diverses que variées, bien contrariantes au fond, car indépendantes de la volonté de Claude Lefranc, près à relever le défi d’une novellisation du Secret de l’Espadon, et de moi-même, auteur, qui y croyions dur comme fer. Claude Lefranc ayant été racheté, et aucun autre Editeur, Dargaud-Lombard le dernier, ne voulant « prendre le risque » de m’éditer, moi, un inconnu… je fus contraint de remiser mon manuscrit dans un profond tiroir où il dormit d’un sommeil oublieux durant toutes ces années d’où je ne pensais pas vraiment le sortir un jour.
A présent que les acteurs et les décors sont plantés, place à l'action et au drame, dans un récit planté dans une uchronie, ou « univers parallèle ».
Et bonne lecture à la découverte du « nouveau » Secret de l’Espadon…
Fini d’écrire à Penetanguishene – Canada, le 20 novembre 1994
Otterburn Park - Penetanguishene, février-novembre 1994
Alain S. Lerman
« Rien ne le fera ployer,
c'est un roi de fer ! »
Bernard de SAISSET – (1232/1311)
La véritable Histoire du Tibet débute par l'avènement de Songtsen Gampo ou Srong-btsan-sgam-po, fils de Gnamri-slon-btsan. Ce trente-troisième roi de la Dynastie des Yarlung établira des relations de bon voisinage avec la Chine et, l'influence chinoise aidant, donnera à son Royaume une organisation centralisée. La centra-lisation du pouvoir était une des nécessités du Tibet, eu égard aux interminables guerres et pillages auxquels se livraient les féodaux.
Le règne de Songtsen Gampo sera surtout marqué par l'extension de son Royaume en direction du Népal et de l'Inde, extension territoriale qui se prolongera jusqu'aux régions du lac Koukou Nor et de la Chine occidentale.
La Tradition tibétaine dans le Man bka'-'bum dit que, outre ses mariages tibétains, Songtsen Gampo épousa une princesse népalaise, fille d'Amsuvarma, Roi du Népal, ainsi que la Princesse chinoise Wensheng, nièce du grand T'ai tsong, fondateur de la Dynastie Tang.
C'est en l'An 620, qu'à l'âge de treize ans, Songtsen Gampo, chef de clan thibétain vivant dans la vallée de Yarlung, à cent-vingts kilomètres de Lhassa, s'élance à cheval à la con-quête de toute l'Asie centrale.
Vingt ans plus tard, cet homme a réussi à lever l'une des plus redoutables Cavaleries de tous les Temps ; sept siècles avant les Mongols, il étend sa domination sur une grande partie du continent sub-asiatique, s'attaquant même à la Chine.
Il soumet le Népal dont il épousera la Princesse Brikuti, et s'aventure au Bengale.
Il porte ensuite ses attaques vers la Chine, faisant trembler le Céleste Empire, et exigeant déjà du premier et puissant Empereur Tang un énorme tribut pour se retirer ; avant d’en épouser la nièce.
Selon certaines sources, il épousa cette dernière à la suite d'un guerre qui dura sept ans dans les Marches chinoises du Koukou Nor. Les deux reines étrangères, chinoise et népalaise, apportent avec elles leur propre héritage culturel, en concourant à apporter un raffinement policé au Tibet et, tout particulièrement à Lhassa, où elles introduisent une nouvelle Religion, opposée au Bön tradi-tionnel, le Bouddhisme.
Sitôt terminée sa Campagne chinoise, ce magnifique guerrier à l'extraordinaire mobilité pour l'époque, retraversant tout le Thibet, investit le Baltistan (Nord Pakistan).
A la Cour de Songtsen Gampo se rencontraient des savants chinois, des érudits persans, indiens et mongols.
Les fils de Songtsen Gampo étaient des guerriers redoutables qui tinrent pendant plusieurs siècles, entre 750 et 1000, de nombreuses oasis et grottes stratégiques sur toute la Route de la Soie, artère commerciale alors la plus importante d’Asie.
En 755, Trisong Detsen, descendant de Songtsen Gampo, monta sur le trône. Son règne marqua à la fois l’apogée de la puissance militaire tibétaine, les cavaliers des hauts plateaux envahissant en 763 la Capitale chinoise Chang An.
Ses successeurs agrandiront considérablement son Empire jusqu'au Turkestan chinois, au Nord, et, plus à l'Ouest, allant affronter les Arabes. Harun al Raschid, Calife de Baghdad, envisagera même de s'allier aux Chinois pour stopper les Thibétains.
A l'extrême opposé, ils s'attaqueront à la Birmanie, grignotant, dans la foulée, une partie du Sichuan, du Gansu et du Yun-nan, Provinces chinoises.
C'est ainsi qu'au début du VIIIème Siècle, la Chine en est à payer un tribut annuel de cinquante mille rouleaux de soie pour s'épargner ces attaques. Mais, lorsqu'en 763, l'empereur tarde à payer, mal lui en prend. Aussitôt, l'armée des descendants de Gampo attaque et in-vestit même la Capitale chinoise, Chan'An (la Xian moderne). Ils déposent l'Empereur Tang et mettent à sa place le frère de la prin-cesse chinoise, épouse du roi du Thibet.
Il est remarquable de constater que, treize siècles après sa mort, sur tout l'immense territoire de l'ancien Empire de Songtsen Gampo, allant des frontières du Pakistan à celles de la Birmanie, des confins du Bengale à ceux de la Sibérie, on parle toujours le tibétain et pratique encore la Religion (Lamaïsme) imposée par ce conquérant.
«« D'un petit Royaume, un cavalier a su faire un Empire, et l'an-nexion du Thibet à la Chine ressemble, à s'y méprendre à une revanche tardive de Mao Ze-dong sur Songtsen Gampo qui, au VIIè Siècle, se tailla un immense empire en Asie et humilia même l'Empire chinois (se pourrait-il que Mao ait connu et relu ses classiques d'Histoire chinoise et y ait trouvé justement le fondement et la justification de son acte ? A n’en point douter !).
La rivalité multi-centenaire entre ces deux grandes Puissances ne s'est jamais démentie tout au long de leur Histoire. Le dépeçage du Thibet par Mao à partir de l’invasion surprise de 1959, n'en étant, finalement, que l'aboutissement.
Aussi, bien qu'imaginaires, l'accession de Kwan Damh-dü au pouvoir suprême du nouvel Empire dont il fait le Grand Thibet (dans ses frontières historiques d'avant l'invasion anglaise de 1904) le centre politique, ainsi que sa guerre de conquête planétaire, peuvent très bien être considérés comme les témoins de la restauration de l'œuvre de Gampo et de la résurrection de la fierté nationale.
Fierté que l'on retrouve d'ailleurs encore - et toujours - chez les sanguinaires et farouches guerriers Khampas.
NB : Pour les lecteurs que cela surprendrait et qui ne sont guère habitués à voir « Thibet » orthographié avec un « h », nous rappellerons que cette histoire se passe à une époque où le « h » de Thibet n'avait pas encore disparu dns les oubliettes de l'Histoire et de l'Orthographe...
DEMAIN, la suite
Re: Novellisation du Secret de l'Espadon
Sinon, je vous livre ici le début du livre 1 avec le chapitre UN
A noter que, en début de chaque chapitre se trouve une maxime plus ou moins connue
Demain, je posterai le Chap 2
C'est parti...
NOVELLISATION originale et inédite
Le SECRET de l'« ESPADON » TOME I
par Alain S. LERMAN
d'après l'oeuvre originale
d'Edgar-P. JACOBS
les chevaux iront sur des roues,
les Thibétains seront dispersés
à travers le Monde commme des fourmis,
et le Dharma ira dans la terre de l'Homme rouge »
PADMASAMBHAVA (8è Siècle)
Gourou Rimpoché, Grand Maître
Le Code de la Propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'Article L. 122-5 (2° et 3° A), d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illiciteé (Art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles L. 335-2 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle
Tous droits réservés pour tous pays ©2017 & 2025 Alain S. Lerman, Edgar P. Jacobs & Editions du Lombard / Blake et Mortimer
« Les mots sont comme des feuilles, et là où ils abondent,
On trouve rarement du bon sens au-dessous »
Alexander POPE - (1688-1744)
Fervent admirateur d’Edgar P. JACOBS et de son œuvre, l'envie et le désir me sont un jour venus de transcrire sous forme de roman la plus mémorable des aventures de Blake & Mortimer.
Il s’agit, bien entendu, du très fameux Secret de l'Espadon !
Mais, l'adaptation de l'œuvre dessinée de Edgar P. Jacobs s'est révélée être une entreprise plus ardue qu'il n'y paraissait au premier abord. Surtout lorsqu’il s’agissait de sa première œuvre réaliste où apparaissaient, étroitement imbriqués, personnages et évènements imaginaires, mêlés à des lieux et contrées réelles. Et, là encore, fallait-il avancer avec la plus extrême prudence, car notre grand ami, dans sa verve créatrice et l'ardeur de sa jeunesse, a parfois quelque peu bousculé la Géographie.
Quand il n'a tout simplement pas fait évoluer amis ou ennemis dans des endroits de pure invention, comme la vallée du « Yen Wang-yé » au Thibet, ou la fameuse usine ultra-secret de « Scaw-Fell » sur lesquels je reviendrai plus loin.
D'autre part, il me fallait aussi tenir compte de données historiques impératives pour garder à l'histoire, écrite et dessinée en 1946 (et partiellement redessinée en 1949 pour la mise en album), au lendemain de la dernière Guerre mondiale, avec quelques arrière-pensées, implicites si non formulées, une véracité absolue.
Dans ce but, j'ai recherché dans les trop nombreux évènements, soubresauts et menus conflits de l'Histoire contemporaine les faits qui pourraient apparaître en parfaite adéquation géo-politique avec notre aventure.
J'expliciterai en fin de volume les choix et décisions auxquels je suis parvenu pour vous livrer le récit que vous aurez, j'espère de tout cœur, le plus grand plaisir à lire.
Autant, et peut-être plus encore, que celui que j'aurai eu à l'écrire.
Lorsque je commençai l’écriture de cette adaptation, je pensais fermement que cela aboutirait assez vite sur une publication… Las, il n’en fut rien, et pour des raisons aussi diverses que variées, bien contrariantes au fond, car indépendantes de la volonté de Claude Lefranc, près à relever le défi d’une novellisation du Secret de l’Espadon, et de moi-même, auteur, qui y croyions dur comme fer. Claude Lefranc ayant été racheté, et aucun autre Editeur, Dargaud-Lombard le dernier, ne voulant « prendre le risque » de m’éditer, moi, un inconnu… je fus contraint de remiser mon manuscrit dans un profond tiroir où il dormit d’un sommeil oublieux durant toutes ces années d’où je ne pensais pas vraiment le sortir un jour.
A présent que les acteurs et les décors sont plantés, place à l'action et au drame, dans un récit planté dans une uchronie, ou « univers parallèle ».
Et bonne lecture à la découverte du « nouveau » Secret de l’Espadon…
Fini d’écrire à Penetanguishene – Canada, le 20 novembre 1994
Otterburn Park - Penetanguishene, février-novembre 1994
Alain S. Lerman
« Rien ne le fera ployer,
c'est un roi de fer ! »
Bernard de SAISSET – (1232/1311)
La véritable Histoire du Tibet débute par l'avènement de Songtsen Gampo ou Srong-btsan-sgam-po, fils de Gnamri-slon-btsan. Ce trente-troisième roi de la Dynastie des Yarlung établira des relations de bon voisinage avec la Chine et, l'influence chinoise aidant, donnera à son Royaume une organisation centralisée. La centra-lisation du pouvoir était une des nécessités du Tibet, eu égard aux interminables guerres et pillages auxquels se livraient les féodaux.
Le règne de Songtsen Gampo sera surtout marqué par l'extension de son Royaume en direction du Népal et de l'Inde, extension territoriale qui se prolongera jusqu'aux régions du lac Koukou Nor et de la Chine occidentale.
La Tradition tibétaine dans le Man bka'-'bum dit que, outre ses mariages tibétains, Songtsen Gampo épousa une princesse népalaise, fille d'Amsuvarma, Roi du Népal, ainsi que la Princesse chinoise Wensheng, nièce du grand T'ai tsong, fondateur de la Dynastie Tang.
C'est en l'An 620, qu'à l'âge de treize ans, Songtsen Gampo, chef de clan thibétain vivant dans la vallée de Yarlung, à cent-vingts kilomètres de Lhassa, s'élance à cheval à la con-quête de toute l'Asie centrale.
Vingt ans plus tard, cet homme a réussi à lever l'une des plus redoutables Cavaleries de tous les Temps ; sept siècles avant les Mongols, il étend sa domination sur une grande partie du continent sub-asiatique, s'attaquant même à la Chine.
Il soumet le Népal dont il épousera la Princesse Brikuti, et s'aventure au Bengale.
Il porte ensuite ses attaques vers la Chine, faisant trembler le Céleste Empire, et exigeant déjà du premier et puissant Empereur Tang un énorme tribut pour se retirer ; avant d’en épouser la nièce.
Selon certaines sources, il épousa cette dernière à la suite d'un guerre qui dura sept ans dans les Marches chinoises du Koukou Nor. Les deux reines étrangères, chinoise et népalaise, apportent avec elles leur propre héritage culturel, en concourant à apporter un raffinement policé au Tibet et, tout particulièrement à Lhassa, où elles introduisent une nouvelle Religion, opposée au Bön tradi-tionnel, le Bouddhisme.
Sitôt terminée sa Campagne chinoise, ce magnifique guerrier à l'extraordinaire mobilité pour l'époque, retraversant tout le Thibet, investit le Baltistan (Nord Pakistan).
A la Cour de Songtsen Gampo se rencontraient des savants chinois, des érudits persans, indiens et mongols.
Les fils de Songtsen Gampo étaient des guerriers redoutables qui tinrent pendant plusieurs siècles, entre 750 et 1000, de nombreuses oasis et grottes stratégiques sur toute la Route de la Soie, artère commerciale alors la plus importante d’Asie.
En 755, Trisong Detsen, descendant de Songtsen Gampo, monta sur le trône. Son règne marqua à la fois l’apogée de la puissance militaire tibétaine, les cavaliers des hauts plateaux envahissant en 763 la Capitale chinoise Chang An.
Ses successeurs agrandiront considérablement son Empire jusqu'au Turkestan chinois, au Nord, et, plus à l'Ouest, allant affronter les Arabes. Harun al Raschid, Calife de Baghdad, envisagera même de s'allier aux Chinois pour stopper les Thibétains.
A l'extrême opposé, ils s'attaqueront à la Birmanie, grignotant, dans la foulée, une partie du Sichuan, du Gansu et du Yun-nan, Provinces chinoises.
C'est ainsi qu'au début du VIIIème Siècle, la Chine en est à payer un tribut annuel de cinquante mille rouleaux de soie pour s'épargner ces attaques. Mais, lorsqu'en 763, l'empereur tarde à payer, mal lui en prend. Aussitôt, l'armée des descendants de Gampo attaque et in-vestit même la Capitale chinoise, Chan'An (la Xian moderne). Ils déposent l'Empereur Tang et mettent à sa place le frère de la prin-cesse chinoise, épouse du roi du Thibet.
Il est remarquable de constater que, treize siècles après sa mort, sur tout l'immense territoire de l'ancien Empire de Songtsen Gampo, allant des frontières du Pakistan à celles de la Birmanie, des confins du Bengale à ceux de la Sibérie, on parle toujours le tibétain et pratique encore la Religion (Lamaïsme) imposée par ce conquérant.
«« D'un petit Royaume, un cavalier a su faire un Empire, et l'an-nexion du Thibet à la Chine ressemble, à s'y méprendre à une revanche tardive de Mao Ze-dong sur Songtsen Gampo qui, au VIIè Siècle, se tailla un immense empire en Asie et humilia même l'Empire chinois (se pourrait-il que Mao ait connu et relu ses classiques d'Histoire chinoise et y ait trouvé justement le fondement et la justification de son acte ? A n’en point douter !).
La rivalité multi-centenaire entre ces deux grandes Puissances ne s'est jamais démentie tout au long de leur Histoire. Le dépeçage du Thibet par Mao à partir de l’invasion surprise de 1959, n'en étant, finalement, que l'aboutissement.
Aussi, bien qu'imaginaires, l'accession de Kwan Damh-dü au pouvoir suprême du nouvel Empire dont il fait le Grand Thibet (dans ses frontières historiques d'avant l'invasion anglaise de 1904) le centre politique, ainsi que sa guerre de conquête planétaire, peuvent très bien être considérés comme les témoins de la restauration de l'œuvre de Gampo et de la résurrection de la fierté nationale.
Fierté que l'on retrouve d'ailleurs encore - et toujours - chez les sanguinaires et farouches guerriers Khampas.
NB : Pour les lecteurs que cela surprendrait et qui ne sont guère habitués à voir « Thibet » orthographié avec un « h », nous rappellerons que cette histoire se passe à une époque où le « h » de Thibet n'avait pas encore disparu dns les oubliettes de l'Histoire et de l'Orthographe...
DEMAIN, la suite
Re: Novellisation du Secret de l'Espadon
« Quand la Chine s'éveillera....
...le Monde tremblera »
NAPOLEON Ier, 1816...
LENINE, 2 mars 1923
Ce matin du 1er mars 1959, le représentant de la Chine auprès des Nations-Unies demande à rencontrer Monsieur U Thant, Secrétaire général de l'Organisation. Au cours de cette brève entrevue, le diplomate chinois remet au Secrétaire un message de la plus haute importance de la part du président de la République Populaire de Chine. Le texte de ce message en est clair et simple, et sa teneur doit en être transmise aussi rapidement que possible aux délégués des Etats Membres.
Avant même que l'Assemblée se soit réunie en session extra-ordinaire, son contenu en est révélé, à peine quelques heures plus tard, à Londres, « grâce » à l'indiscrétion, savamment orchestrée, d'un des secrétariats du Foreign Office qui le tenait lui-même...
«« Les chefs de tous les Gouvernements siégeant aux Nations Unies, dont nous ne sommes toujours pas membres par la faute de l'Union soviétique, sont conviés par les Autorités chinoises à la Commémoration du 25ème Anniversaire de la « Longue Marche ». Pour cette occasion, des festivités grandioses seront célébrées pendant les 16, 17, 18 et 19 du mois d'octobre suivant et seront clôturées par un grand défilé militaire au cours duquel les vaillantes troupes de la République Populaire de Chine montreront au reste du Monde leur force et leur discipline »».
Cette invitation, assez surprenante de la part d'un pays vivant replié sur lui-même depuis la dernière guerre, n'en est pas moins fort bien accueillie par les diverses Chancelleries qui y voient, peut-être, un signe de détente ou de dégel dans les relations de la Chine avec les autres Nations, occidentales surtout.
A partir du 10 mars, cependant, les Thibétains, soutenus par le Dalaï-Lama, se révoltent contre l'occupation de leur sol par les troupes chinoises. Mais cette insurrection trouve son terme le 20 de ce mois, suite à une intervention armée de grande envergure, réprimée qui plus est d'une manière rparticulièrement sanglante. Le Thibet se retrouve, définitivement cette fois, annexé à son grand voisin en tant que 23ème Province ; Province dont le dépeçage sauvage et systématique va alors commencer. Le XIVè Dalaï-Lama, ainsi que plus de 100.000 Thibétains, se réfugient aux Indes. Le Panchen Lama accepte ce-pendant de collaborer avec la Chine comme Président en exercice de la Région autonome du Thibet.
En cette affaire, le Kremlin n'apportera pas à Beijing tout le soutien escompté par devant les Instances internationales ; c'est la première fissure dans les relations privilégiées entre les deux géants du Socialisme.
D'autre part, comme la Chine ne veut pas reconnaître la « Ligne Mac-Mahon » de partage des frontières établie par les Anglais en 1914, ses troupes occupent dans le même élan d'autres territoires attribués par les Britanniques à l'Union indienne. Rapidement, c'est la confrontation armée et les deux antagonistes campent sur leurs positions acquises au long de la ligne de « cessez-le-feu ».
A Moscou, le 20 juin, Khrouchtchev répudie l'accord d'octobre 1957 sur le développement de la bombe atomique, et la Chine lance son propre programme nucléaire.
Les relations continuent de se détériorer entre Moskva et Beijing, jusqu'à aboutir, dès le 30 septembre, à moins de trois semaines des Fêtes de la « Longue Marche », aux premiers incidents frontaliers sino-russes dans la Province du Xinjiang. La Russie fait donc savoir qu'elle n'enverra aucun représentant en terre chinoise.
Quelques semaines plus tard, en Indonésie, une dictature, appuyée par l'Armée, prend les rênes du pouvoir, en utilisant, à son avantage, la haine des militaires à l'encontre du Parti communiste indonésien largement orienté vers la Chine.
Hong-Kong, matin du 07 octobre…
L'envoyé spécial de Associated Press pour la Chine fait parvenir à New-York, par téléscripteur, la dépêche suivante : « « Nous appre-nons de source sûre que le Maréchal Damh-dü, Généralissime des Armées chinoises, a été chargé par le « Grand Timonier » (Mao) et le Président Liu Xiao-shi d'assurer le bon déroulement du défilé militaire devant clôturer les cérémonies liées à la commémoration des Vingt-cinq ans de la « Longue Marche ». Nous pouvons d'ailleurs déjà assister, depuis quelques jours, à l'arrivée à Tianjin, aux portes de Beijing, d'une armée de plus de 250.000 hommes et de plusieurs centaines de véhicules : chars, canons auto-porteurs, batteries lance-missiles mobiles, etc... Tandis qu'un peu partout, de nombreuses bases aériennes, navales et aéro-navales, ainsi que cantonnements, sont soudain agités de préparatifs et de mouvements certainement en rapport avec le formidable évènement qui se rapproche. Au vu de tout ce déploiement militaire, il ne fait aucun doute que cette parade militaire sera sans commune mesure avec ce à quoi nous avons déjà assisté »».
La nouvelle est aussitôt reprise par les chaînes américaines de télévision A.B.C., C.B.S., N.B.C., et retransmise sur la B.B.C. et les réseaux T.V. européens ; ainsi que vers les divers Etats-majors et Services de Renseignements, communistes et occidentaux. Lesquels, à leur tour, établissent un compte-rendu pour leur Ministère des Affaires étrangères.
Londres, immeuble de la B.B.C., soir du 11 octobre.
La B.B.C. a invité, dans son émission spéciale « Regards sur le Monde », un professeur d'Histoire contemporaine, spécialiste de la Chine, afin d'y brosser un portrait un peu plus consistant sur le personnage de ce généralissime, pratiquement inconnu des Occi-dentaux, hormis quelques personnalités. Et pour montrer la valeur symbolique de ce que représente, pour le gouvernement en place et le peuple chinois dans son ensemble, la très fameuse « Longue Marche ».
-- Professeur Willard, bonsoir !..
-- Bonsoir, monsieur Prentice.
-- Merci d'être venu ici, ce soir, avec nous, professeur, pour nous aider à découvrir, ou à redécouvrir, pour certains d'entre nous, ce drame épique qui s'est déroulé dans les années Trente. Ce qui nous aidera ainsi à comprendre le faste avec lequel en sera commémoré le prochain 25ème Anniversaire...
-- Parfaitement. Il faut déjà avoir bien présent à l'esprit qu'il s'est agi là de la plus fabuleuse épopée de notre Histoire ; qui restera d'ailleurs gravée en lettres de feu et de sang dans les annales de l'Humanité par la somme de souffrances physiques et de volonté morale à peu près inimaginables qu'elle a représenté. Mais, pour en appréhender pleinement toute la grandeur et tout le tragique, il nous faut remonter en arrière de près de trente ans, afin de replacer cette aventure hors du commun dans son contexte évènementiel.
Commençons donc par lever un coin du voile qui recouvre toute une fraction de l'Histoire contemporaine, commence le spécialiste d'un ton docte ; depuis la chute de l'Empire mandchou, en 1911, jusqu'à l'immédiate avant-guerre de 1939-45.
Quelques années tragiques vont passer pour la toute nouvelle jeune République, dont le premier et éphémère président est le Docteur Sun Yat-sen, fondateur du Guo Min-tang. Seigneurs de la Guerre et factions rivales s'entre-déchirent, tandis qu'apparait, à Shanghaï, le Parti communiste chinois, dont l'un des fondateurs est un jeune homme de 28 ans : Mao Ze-dong.
Nous sommes donc en juin 1928. Le Généralissime Chiang Kaï-chek est en lutte contre les Communistes qui, depuis la mort de Sun Yat-sen, en 1925, rejetés dans la clandestinité, ont constitué dans le Kiang-si une République avec Mao Ze-dong, Zhou En-laï (les deux commandants politiques), Zhu De et Lin Biao (commandants militaires). Prenant enfin l'avantage, il s'empare alors de Han-k'eou, Shanghaï, Nanjing, puis Beijing.
Il arrive à repousser les Communistes qui, battus, pratiquement encerclés, décident de se retirer vers Yenan, dans le Shaanxi. Cette « fuite en avant » de 12.000 kms, que l'on appellera plus tard la « Longue Marche », débute au soir du 16 octobre 1934 ; marche qui va conduire 85.000 soldats, 15.000 civils - dont 5.000 porteurs -, femmes et enfants, avec armes et bagages, sur un itinéraire qui épouse les pistes les plus dures et les plus inaccessibles, et comporte la traversée de onze provinces. Ils partiront à l'assaut de dix-huit chaînes montagneuses, dont plusieurs sont recouvertes de neiges éternelles, et à travers vingt-quatre fleuves et rivières, dont certaines ont trois-cents mètres de largeur, tandis que d'autres coulent au fond de gorges inabordables ; ils traverseront encore l'univers de vase et de glace de la Grande Steppe marécageuse. Et cela coûtera la vie à plusieurs dizaines de milliers d'hommes.
Le 07 janvier 1935, l'Armée des Rouges occupe Tsunyi sans tirer un seul coup de feu et restera douze jours dans la ville ; le temps de la Conférence à l'issue de laquelle Mao prend le contrôle du Conseil militaire, devenant ainsi le nouveau chef du Parti communiste chinois...
En juin 1935, l'Armée rouge du 1er Front de Mao atteint la Province du Gansu et fait sa jonction avec les troupes du 4ème Front de Chang Kuo-t'ao au pied du mont Chiachin, près de Meou-kong.
Le 26 juin, à Lianghok, le Bureau politique décide de pousser jusqu'à la base révolutionnaire du Xhaanxi pour y créer un front uni anti-japonais....
Entamée le 16 octobre 1934, elle s'achèvera le 20 octobre 1935. C'est là la plus fantastique aventure militaire de tous les Temps ! Pensez-donc, trois-cents-soixante-neuf jours de marche ; un jour de repos par cent soixante-dix kilomètres parcourus : soit le chiffre stupéfiant de quarante kilomètres par jour ! Et ce ne serait encore là qu'une prodigieuse performance physique, si leur pérégrination n'était, de surcroît, une longue et incessante bataille. Le convoi, qui va parfois s'étendre sur plus de cinquante kilomètres, doit d’abord franchir quatre fronts puissamment fortifiés, puis livrer en moyenne un engagement par jour et quinze batailles majeures, et déjouer les assauts répétés des centaines de régiments chargés de les anéantir.
Lorsque, enfin, l'avant-garde de la 1ère Armée opère sa jonction avec les troupes rouges du Shaanxi à Fuhs'ien le 19 octobre 1935, ils ne comptent plus que 7.000 hommes. Mais il faudra encore livrer la dernière bataille, près de Pao-Ngan, le 22 octobre, contre quatre régiments de Cavalerie. Qu'ils exterminent...
La Légende en marche, qui aura mis toute son obstination à sur-vivre et à vaincre, aspire enfin à un peu de repos... «« Et puis, conquis le dernier col, le sourire des Trois Armées »». [Poème de Mao Ze-dong]
Mais, à ce noyau de vétérans, meurtris, fourbus, il restera encore quatorze ans de lutte avant la conquête définitive du pouvoir, en octobre 1949 !
-- Et bien, Professeur Willard, il semble que nous connaissons mieux maintenant ce tragique épisode de l'Histoire de la Chine, et le pourquoi de cet anniversaire, historique à plus d'un titre. Mais, expliquez-nous donc, s'il vous plaît, quelle place prend ce Maréchal Kwan Damh-dü, pratiquement inconnu des Occidentaux, dans cette grande saga.
-- A l'instar de beaucoup de personnalités politiques ou militaires chinoises, on ne sait pas grand chose sur ce maréchal. Et encore, le peu que l'on en connaisse, nous provient de rumeurs colportées, à dessein ou non, par les Autorités elles-mêmes, dans un premier temps ; et par la rumeur populaire, d'autre part.
Mais nous en connaissons déjà suffisamment pour nous faire une idée assez précise de ce puissant personnage de l'ombre. On pourrait presque dire de lui qu'il est le dauphin occulte de Mao. A l'égal de Zhou En-laï, son inséparable compagnon de route.
Né approximativement vers 1909, vraisemblablement à Lhassa même, d’un père Han, officier impérial, et d’une mère appartenant à l’Etnie des Gtsang, il rejoint les rangs du Parti communiste chinois à l'occasion, pense-t-on, du soulèvement de Guangzhou, en 1927. Se faisant remarquer très vite par les chefs communistes pour ses qualités de combattant intrépide, d'organisateur et de meneur d'hommes ; notamment lors des sanglantes batailles de novembre 1930 que vont livrer les 40.000 soldats de la Base rouge du Jiangxi contre les 100.000 hommes des armées blanches qu'ils vont tailler en pièces.
En 1935, Mao en fait son officier d'Ordonnance. Il ne le quittera plus. Et le destin de cet officier hors du commun prend un tournant décisif en mars de cette même année.
Parmi les trente femmes qui font la « Longue Marche » figure Ho Tzu-chen, l’épouse de Mao..., enceinte. Lors d'un bombardement effectué par l'aviation nationaliste, il se porte au secours de Ho Tzu-chen, lui évitant d'être atteinte de plein fouet par une bombe. Elle s'en sortira criblée de dix-sept éclats de bombe qu'on ne pourra pas tous extraire dans l'immédiat ; mais vivante !
Il sauvera même, un peu plus tard - d'après un des rares documents fiables retrouvés de cette époque - la vie de Mao, lors de l'assaut particulièrement sanglant du Col de La-tse K'eou, à la frontière du Gansu et du Shaanxi, dans les montagnes du Tsin Ling Chan. S'attirant, pour la seconde fois, sa reconnaissance et une amitié - si tant est que Mao ait jamais pu ressentir une véritable amitié pour quelqu'un - qui ne se démentira jamais.
Devenu seul maître de la Chine, le Guide suprême fera, en 1951, à quarante-deux ans, un maréchal de Kwan Damh-dü - le plus jeune de l'Histoire moderne de la Chine -, et le généralissime de ses Armées. Son frère de combat, Lin Biao, d'un an plus âgé que lui, devient à son tour Maréchal, et Ministre de la Défense, au début de la même année. On pense aussi qu'une solide fraternité lie ces deux hommes d'armes...
-- Je vous remercie pour ce remarquable exposé, Professeur Willard, qui nous aura au moins permis de refaire connaissance avec ce monde à part qu'est la Chine. Je pense que nos télé-spectateurs auront compris toute l'importance de l'évènement et du personnage dont il était question...
Aéroport de Beijing, matin du 15 octobre…
Les plus importants Organes de la Presse écrite et de la Télévision ont dépêché leurs équipes qui viennent renforcer les effectifs des correspondants des grandes Agences de Presse déjà en place. L'aérogare est envahie de reporters et de cameramen qui ont pris possession des lieux sous l'oeil sévère et vigilant d'une multitude de militaires chinois déployés, armes prêtes, sur toute l'étendue de l'aérodrome. On attend incessamment l'arrivée du premier appareil : celui du Président Eisenhower, accompagné de la Première Dame, du Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, ainsi que du président mexicain qu'il a aimablement convié à effectuer la traversée avec lui.
A 09h33, heure locale, Air Force One* se pose. Le Président est accueilli à sa descente d'avion par Zhu De, vice-Président de la République, Peng Chen, Maire de Beijing, et Chen-Yi, Ministre des Affaires étrangères. Une escouade de soldats cerne immédiatement le Boeing « 707-320B », empêchant toute approche de la part des représentants des médias qui ont dû se résoudre à utiliser les télé-objectifs depuis les terrasses.
Des centaines de milliers de Chinois se sont massés, dès les premières heures du jour, tout au long des trente kilomètres du trajet depuis la capitale, jusqu'à envahir tous les espaces autorisés.
La foule reste muette, mais agite néanmoins une multitude de petits drapeaux colorés. Une colonne de voiture emporte rapidement les arrivants vers l'aérogare principale où les dirigeants chinois, après une brève cérémonie de bienvenue à laquelle assiste le Généralissime Kwan Damh-dü, abandonnent leurs hôtes.
La délégation américaine se met en route pour la Cité pourpre impériale où l'attendent le Président Liu Xiao-shi et Mao, escortée, toutes sirènes hurlantes, par un imposant déploiement de véhicules blindés légers.
A 10h02, le Douglas « DC 8 », affrété spécialement par Air France en remplacement de la « Caravelle » officielle, dépose au sol le Général de Gaulle et son épouse, particulièrement applaudis par la foule chinoise, ainsi que son Premier ministre. Le même cérémonial que précédemment se reproduit.
*[Air Force One et Two sont deux Boeing 707 spécialement aménagés pour transporter le Président et/ou le Vice-président des Etats-Unis lors de leurs déplacements, et peuvent aussi, en cas de conflit, leur servir de P.C. volant]
A chaque fois, les journalistes font crépiter leurs flashs et poussent leurs micros en avant dans le grand hall de réception où transitent les personnalités arrivantes.
S’ensuivent petits discours, brèves salutations, thé chinois, photos, puis embarquement dans le nouveau convoi qui s'est formé. L'organisation chinoise est réglée comme du papier à musique et ne laisse place à aucun temps mort ni improvisation.
Un intermède de près de deux heures s'ensuit avant l'annonce du vol transportant la Reine Elizabeth II d'Angleterre, le Prince Philip d'Edinburgh, le Prince Charles, et le Gouverneur-général du Canada qui s'est joint à la famille royale au départ de London-Heathrow. Un Vickers Viscount « VC-10 » de la B.O.A.C. atterrit à 11h51, là aussi chaudement accueilli par un petit peuple en-thousiaste.
Il est tout de suite remplacé sur le tarmac par l'avion dans lequel ont décidé de venir conjointement les familles régnantes des trois pays du Benelux. La liesse populaire atteint, là encore, des sommets.
Il faut ensuite attendre 12h27 pour qu'apparaisse, alors que s'est brusquement levé un vent glacial, dans un ciel chargé de grisaille, le Convair « 990 » transportant le Chancelier Konrad Adenauer qui représente la R.F.A., et son homologue autrichien ; immédiatement suivi par un Lockheed « Super Constellation » aux armes de la République espagnole, dont descendent le Général Franco et son épouse.
A partir de ce moment, les atterrissages se suivent à une cadence très rapide, amenant les chefs d'Etats des quatre coins du Monde. La délégation sud-américaine crée la surprise en atterrissant dans un Convair « 880 » : dix présidents et dictateurs se sont, pour une fois, accordés à traverser le Pacifique dans le même appareil au départ de Santiago du Chili. Chacun se presse en haut de l'échelle de coupée dans son uniforme chamarré de décorations rutilantes.
Au soir de ce 15 octobre, il s'avère que, mis à part les Soviétiques, et leurs alliés communistes, qui ont effectivement boudé l'invitation, la quasi majorité des responsables politiques des pays représentés à l'O.N.U. ont tenu à honorer l'invitation qui leur avait été faite. Jusqu'à l'Empereur Hiro-Hito du Japon qui a délégué son fils Aki-Hito pour le représenter, et qui atterrit avec une Caravelle de la Ja-
pan Ailines
C'est là une occasion incontournable de mettre un pied en Chine et de, pourquoi pas, renouer des relations moins distantes avec les dirigeants de ce quasi-continent. La nuit tombe très vite sur la fabuleuse réception réunissant le gotha mondial à l'intérieur du Wan Shou Shan, le Palais d'Eté, au Nord-ouest de la ville.
Beijing, Place Tian' An-men, 19 octobre, 07h30 du matin…
Les festivités marquant la commémoration du 25ème anniversaire de la retraite vers le Chen-si durent depuis maintenant trois jours et alternent célébrations grandioses et divertissements populaires dans une Chine où toute activité s'est arrêtée.
Aujourd'hui vont se clorent les cérémonies avec la plus prodigieuse parade civile et militaire qui ait jamais été réalisée.
Depuis la veille au soir, on assiste au mouvement de tous les régiments et brigades motorisées qui doivent participer à cette parade. Des environs immédiats de Tianjin, mais aussi de Paoting et Tangchan, convergent vers la ville les éléments des Forces armées. Un envoyé spécial de l'U.P.I. parle même d'une colonne de plus de cinq cents chars. Sur la Base de Tungchou, aux portes de Beijing, auraient été aperçus, tard dans la soirée, plus d'une centaine de chasseurs et bombardiers, se posant en une noria continuelle. Rejoints, ce matin, par tout un chapelet d'hélicoptères de combat.
Des barrières ont été placées, en un large et long couloir, face aux murailles violet-pourpre, hautes de dix mètres, de la Cité interdite, pour contenir les millions de chinois qui commencent déjà à se presser le long du parcours que suivront les troupes ; parcours qui empruntera la Jianguomenwaï Dajie*[Champs-Elysées pékinoises] sur toute sa longueur, jusqu'à l'immense place de quarante hectares qui a été coupée en deux en son milieu, à hauteur du monument aux Héros du peuple construit en plein centre. Le défilé poursuivra ensuite sa marche par la Fuxing Dajie.
La tribune de Presse prend appui sur les terrasses d'où s'élance la colonne de granite qui culmine à trente-huit mètres et qui, pour l'heure, disparaît presque derrière les échafaudages. Les équipes de tournage, journalistes et photographes, prennent petit à petit position dans les box qui leur ont été assignés, entourées de trois côtés par une foule de plus en plus nombreuse au fur et à mesure que passent les minutes, et dont elles ne sont séparées que par un triple rang de policiers en tenue blanche. Une joyeuse animation règne parmi les gens de presse.
En arrière, de l'autre côté de l'esplanade, au long d'un rideau d'arbres, s'aperçoivent les deux bâtiments de quatre cents mètres de long que sont le Palais de l'Assemblée du Peuple, où siège le Gouvernement, et le Musée d'Histoire.
Deux tribunes additionnelles, ont été érigées au sommet des murailles, de chaque côté de la grande galerie qui surmonte la vieille porte de la « Paix céleste » donnant sur l'immense forum. Elles accueilleront les délégations étrangères et les dirigeants chinois. Pour l'heure, elles restent vides, étroitement surveillées par la Garde mongole en tenue d'apparat et une compagnie de fusiliers, fusil-mitrailleur « A.K.47 » en sautoir sur la poitrine, formant un cordon infranchissable.
De même, tout au long des hauts murs, et où que se porte le regard, on note un déploiement extraordinaire de véhicules et hommes des troupes d'assaut chinoises. La sécurité a été prise très au sérieux par Beijing.
Tian' An-men*, 08h46…
Le cortège des grosses conduites intérieures qui amènent les « princes » de ce Monde depuis les palais qui leur ont servis de résidence depuis ces quatre jours apparaît au sortir de l'enceinte de la Cité pourpre ; chaque véhicule vient s'arrêter au pied des gradins officiels où l'omniprésente et farouche Garde mongole, sabres au clair, y rend les honneurs, en une double haie, devant les grands escaliers qui desservent la galerie.
Des officiers de haut rang, en grand uniforme, accueillent, à tour de rôle, un monarque ou un président, pour les conduire aux riches
*[En mandarin, Place de la Porte de la Paix céleste ; d’environ 880 m du Nord au Sud et 500 m de l’Est à l’Ouest, elle couvre une superficie de plus de 40 hectares. C’est la 4è plus grande au Monde]
fauteuils qui les attendent ; et dont l'ordonnancement a été très soigneusement distribué, eu égard au protocole. On note ainsi que le couple présidentiel américain et les époux royaux britanniques sont assis de part et d'autre des deux sièges centraux, au premier rang.
Enfin, à 09h11, cinq limousines, fanions écarlates aux cinq étoiles au vent, déposent les dignitaires chinois devant le tapis rouge. Le Président Liu Xiao-chi et Mao Ze-dong, chef du Parti, rejoignent leurs places tout en saluant leurs honorables hôtes ; suivis du Premier ministre Zhou En-laï, du Maréchal Lin Biao, Ministre de la Défense, de Deng Xiao-ping, de Chen-Yi, de Peng Chen, et du Maréchal Kwan Damh-dü, dont les fauteuils ont été placés immé-diatement derrière. On peut noter que les membres du Gouver-nement, les Notables du Parti, dont Hua Guo-feng et Zhu De, et autres généraux et amiraux ont été disposés de façon à ce qu'aucun chef d'état ne puisse se sentir isolé.
Depuis leur arrivée, la marée humaine qui recouvre chaque mètre carré libre de la place hurle et gesticule en une formidable ovation, saluée par les deux dirigeants, debout.
C'est à 09h25, par le lancer d'un millier de colombes blanches dans le ciel de Beijing, que débute la parade qui va se poursuivre deux heures durant. Il fait frais en ce 19 octobre, mais le temps est relativement clément.
Soudain, à 11h34 précises, alors que finissent de passer les derniers transporteurs lourds de batteries du type des « orgues de Staline », surgissent plusieurs dizaines d'auto-mitrailleuses blindées légères qui effectuent une série d’évolutions assez particulières, provoquant, à n'en point douter, une surprise non feinte et une interrogation muette du Président vers le Chef d'Etat-major de ses Armées. Comme répondant à un signal convenu d'avance, les auto-mitrailleuses convergent vers les tribunes et les menacent ; sans ouvrir le feu, cependant. Au même moment, sur toute l'immensité de la place, les troupes d'assaut affectées à la sécurité du périmètre, arment leurs fusils-mitrailleurs, mettent en joue les policiers et les spectateurs, bouclant ainsi toute tentative d'échappatoire ou de résistance. La Garde mongole, totalement décontenancée, va être rapidement et - brutalement - désarmée par les commandos-parachu-
tistes qui se sont rués en avant.
Dès les premières secondes, Kwan Damh-dü, comme pour mieux répondre à la question non formulée par Liu Xiao-shi, s'est levé précipitamment, franchissant le mètre qui le sépare de celui-ci, et lui pose le canon de son pistolet d'ordonnance sur la nuque, tandis qu'un autre officier supérieur applique le même traitement à Mao dont les traits se convulsent de rage. Dans la tribune officielle, d'autres officiers de haut rang - six ou sept, dont un autre maréchal - ont également sorti leur arme et viennent le rejoindre. C'est à peine si l'on a entendu deux ou trois coups de feu, dont l'un abat, à bout portant, Peng Chen, qui faisait mine de vouloir résister.
La manoeuvre n'a duré que deux ou trois minutes tellement le coup d'état militaire avait été bien préparé. Le peuple n'a pas bougé, aussi surpris que passif. Mais, dans la tribune officielle, les réactions sont diverses, quoique prudentes. En face, les journalistes, en vétérans de l'information, n'ont eu que quelques secondes d'hésitation et, voyant que rien ne les empêchait de faire leur travail, se sont mis à filmer et à photographier à tout-va au télé-objectif.
On emmène, étroitement encadrés, la majorité des dignitaires chinois présents.
Kwan Damh-dü réclame le silence dans le micro et se met à parler d'une voix martiale qui submerge la foule dans l'expectative... :
-- «« Moi, Maréchal Kwan Damh-dü, Généralissime de nos vaillantes Armées, aidé de mes compagnons d'Armes, déclare, en ce jour glorieux, prendre officiellement le pouvoir des mains de vieillards irresponsables et assassins qui conduisaient notre grand pays à la ruine depuis bientôt deux ans. Notre geste pourrait être interprété comme une rébellion militaire. Bien au contraire, c'est un mouvement issu des racines de notre peuple qui aspire à plus de libertés. Et de nombreux Préfets et Cadres du Parti ont eux aussi vu la vérité et décidé de nous aider à mettre en place le Gouvernement du Renouveau et de la Nouvelle Chine.
L'heure est venue du Ta-tch'ouan-lien* à travers tout notre pays. Le Jour de la Restauration est venu. Nous allons mettre un point final aux folies et à la famine que le « Grand Bond en avant du Collectivisme » décrété par le traître Mao Ze-dong a fait germer, et qui nous ont coûté à ce jour plus de vingt millions de morts. Nous
allons refaire de notre Chine un pays grand et fort, et envié et respecté.
Il s'agit maintenant de mettre en œuvre le San min tchou yi**.
A dater de ce jour, le Parti ne sera plus le seul directeur de nos consciences. Suivez les enseignements et les préceptes du très bienheureux Bouddha et du sage Confucius. Relevons la tête et mettons-nous au travail ! Nous sommes 600 millions d'hommes et de femmes et nous devons faire aussi bien que les autres Nations d'Europe et d'Amérique »».
Le Monde ne sait évidemment rien de ce qui vient de se passer.
Tandis que les puissants de la planète et les médias assistent à ce putsch en spectateurs impuissants, dans la foule attentive, l'envoyé spécial de l'A.F.P. tente, dès qu'il a compris l'énormité de la situation, de se frayer un chemin vers l'hôtel où ont été logés tous les correspondants étrangers. Lui, qui avait préféré assister sur le terrain à toute la cérémonie, se retrouve être le seul à pouvoir communiquer la nouvelle à l'extérieur. Peut-être.
Dans Beijing, tout est calme, mis à part, placés régulièrement, aux carrefours, monuments et immeubles importants, une escouade de militaires en armes, un char ou d'autres véhicules blindés portant canons ou mitrailleuses en batterie. Rien n'a encore filtré au-dehors.
Surpris de la facilité avec laquelle il progresse, Pierre d'Esprehaut se trouve presque arrivé lorsque la fin du discours est ponctuée d'un tonnerre d'applaudissements, de cris de joie, d'injures à l'intention des « bourreaux du Peuple ». La foule est versatile...
A la réception, il demande immédiatement une communication avec Hong-Kong. Contre toute attente, la standardiste de l'hôtel lui passe son chef d'antenne.
*[Grand échange d'expériences ; paroles prononcées par le Premier ministre Zhou En-laï en automne 1966 au stade de Guangzhou où il invite tous les Gardes rouges à aller à Beijing]
**[Les 3 Principes du Peuple : Nationalisme, Démocratie, Socialisme, édictés par Sun Yat-sen lorsqu'il est élu Président de la toute nouvelle République chinoise, le 1er janvier 1912, à Nanjing]
texte de ce qui va devenir le plus grand scoop depuis la dernière guerre. Scoop qui lui vaudra certainement le Prix Pulitzer et une énorme notoriété. Plus, la jalousie de tous ses confrères sur place, prisonniers involontaires de Tian' An-men...
La dépêche de l'A.F.P., relayée par Hong-Kong, tombe sur les téléscripteurs du monde occidental moins d'une heure après le début du drame qui vient de se jouer à Beijing. Dans les Chancelleries, c'est l'affolement parmi les permanences de nuit. Il est en effet autour de quatre heures du matin en Europe occidentale et onze heures du soir à Washington.
A Paris, rue du 4 septembre, siège de l'Agence France-Presse, les télex et les téléphones sont rapidement saturés de messages et d'appels de toutes provenances s'enquérant de la situation de ceux qui ont été les témoins privilégiés et involontaires du changement brutal survenu en Chine.
La panique et une fébrile attente durent jusqu'à 12h23 (04h23 GMT) très exactement ; heure à laquelle une émission radio-diffusée en anglaise annonce au Monde abasourdi l'étonnante nouvelle et rassure les Etats-majors sur le pied de guerre en indiquant que les chefs d'Etats vont être raccompagnés à leurs avions. La tension retombe instantanément, surtout aux Etats-Unis où le N.O.R.A.D. avait placé les Forces aériennes en DefCon-3* suite à un message du vice-Président.
Le lendemain, vingt octobre, la Chine se réveille dans le calme, solidement garanti par les troupes qui occupent tous les centres stratégiques et points-clés de l'immense territoire. Une nouvelle Ere commence pour les centaines de millions de paysans et ouvriers qui ont repris leurs activités comme si rien ne s'était passé. Rien ne laisse penser qu'il ait pu se passer quoi que ce soit, si ce n'est la floraison, à travers tout le pays, d'immenses « ta-tsé-pao ».*
*[Etat d'alerte des forces armées américaines mesuré par cinq stades, du 5 - repos total, paix - au 1 - état de guerre caractérisée -, et que le général commandant le Norad a tout pouvoir de modifier en fonction des informations militaires qui lui parviennent]
*[ou Dazibao, affiches couvertes de textes, ou journaux muraux]
Les relations entre le nouveau Gouvernement présidé par Kwan Damh-dü et les autres Nations restent tendues pendant quelques semaines, tandis que la Chine retombe dans son isolement. Mais les images du plus médiatique coup d'état de tous les temps ne cessent de faire la Une, même si aucune autre information ne filtre de derrière le « Rideau de bambou ». A peine a-t-on connaissance, par Hong-Kong, que l'ancienne Nomenklatura a été assignée à résidence à la campagne où elle devra participer à la reconstruction et pratiquer son auto-critique.
Le reste du Monde retombe dans ses errements politiques où s'affrontent désormais les trois Blocs constitués.
La fin de l'Année 1959 voit, à Moskva, le XXIème Congrès du Parti qui critique violemment les Communes populaires chinoises ; le conflit idéologique avec Beijing s'en trouve aggravé.
En avril 1960, Beijing publie les premiers grands textes anti-révisionnistes.
Le 20 juin, le Congrès du P.C. roumain, réuni à Bucarest, réplique par de violentes attaques contre les nouveaux dirigeants chinois. L'U.R.S.S. rappelle tous ses techniciens et spécialistes, et met fin à toute assistance avec la Chine. Dont l'Albanie rejoint le camp, en rompant ses relations diplomatiques avec Moscou.
Lors de la conférence au Sommet de Paris, c'est l'échec. Prétextant de l'incident de l'« U-2 » américain abattu par les Russes alors qu'il espionnait leur territoire, Nikita Khrouchtchev claque la porte. Il réclame aussi, en vain, la révision des Statuts de l'O.N.U., et condamne l'emploi de la Force de Police de l'Organisation pour l'opération de pacification du Congo, en juillet de cette même année.
La situation ne cesse de se détériorer entre les deux Frères enne-mis. Des incidents sérieux éclatent, en 1961, aux frontières du Xin-jiang et du Kazakhstan. Cinquante mille Uighurs et Kazakhs chinois tentent de passer en U.R.S.S. La Chine ferme les frontières et organise une sévère répression qui conduit à la révolte de cinq mille musulmans dans la vallée d'Ili.
Mais, si la crise sino-soviétique entre dans une phase critique, le problème de Berlin vient à nouveau semer le trouble dans les relations Est-Ouest. Au mois d'août, pour empêcher les Allemands de l'Est d'émigrer en masse vers le Secteur occidental, les troupes de la R.D.A. élèvent en quelques jours un immense mur qui coupera l'ancienne Capitale en deux. La tension entre l'Est et l'Ouest remonte d'un cran.
Kwan Damh-dü, de son côté, doit faire face à des troubles contre-révolutionnaires dont il accuse certains membres de l'ancienne Garde qui l'avaient assuré de leur soutien, et avaient ainsi conservé leurs postes. C'est la grande purge et l'élimination définitive de tous ses adversaires.
La paix mondiale se trouve à nouveau menacée de toutes parts. Une guerre civile pro-chinoise éclate au Yémen où interviennent des troupes égyptiennes armées et conseillées par les Russes. En Irak, le Général Kassem, Premier ministre, discrètement appuyé par le Kremlin, déclare revendiquer le Kuwait, tandis que la minorité kurde se révolte contre le pouvoir central.
En septembre 1962, Beijing accuse Moscou de soutenir l'Inde et lance une offensive sur l'Assam (non-reconnaissance de la Ligne Mac-Mahon) et le Cachemire (Ladakh), aux frontières du Thibet pour, selon le Nouveau Guide chinois, « rendre au Grand Thibet ses anciennes frontières historiques ».
En octobre, le Monde atterré apprend que les Russes ont tenté d'installer des bases de fusées à Cuba. Mais ils sont confrontés à une riposte et à une menace non voilée de la part du Président Kennedy. Pendant 6 longs jours, le spectre d'un conflit nucléaire fait vaciller les gouvernements occidentaux ; prudents, cependant, les Soviets cèdent et rapatrient leurs fusées.
La situation se détériore rapidement au Sud Viêt-Nam et dans l'ancienne Cochinchine où le Viêt-minh et le Pathet-Lao progressent de jour en jour, ravitaillés en armes et matériels par la Chine. La Conférence de Genève, après de nombreuses sessions houleuses, vote la neutralisation du Laos et la mise en place d'un gouvernement de coalition.
En Europe, l'O.T.A.N. traverse une crise sans précédent depuis sa création à propos de la réorganisation des forces conventionnelles en vue d'une « dissuasion échelonnée ». Et l'O.N.U. tremble elle aussi suite à son action conjointe avec les Etats-Unis contre le Katanga de Moïse Tschombé en sécession. L’Assemblée générale est convoquée en Session extraordinaire par les membres qui n'approuvent pas cette intervention, dont Russes et Chinois, pour une fois d'accord.
Cette malheureuse Année 1962 se termine pour laisser la place à celle qui marquera un tournant décisif dans l'Histoire du Monde.
Le 15 février 1963, Kwan Damh-dü, en grand uniforme, la poitrine barrée d'une large écharpe d'or, et entouré de tous les Notables du Régime, prononce un discours mémorable sur une place Tian' An-men où près de cinq cent mille Chinois se sont rassemblés. Pendant ce temps, dans les bureaux de l'U.P.I. et de l'A.F.P., de Reuters et de l'A.P., à l'écoute de la radio officielle chinoise, à Hong-Kong et à Macau, des interprètes traduisent instantanément les termes de la harangue, pour en retransmettre au fur et à mesure le texte intégral sur leurs télex.
A peine quelques heures plus tard, comme une traînée de poudre, la nouvelle est parvenue à toutes les Capitales. Les trois grands Networks* américains sont les premiers à en faire part au sommaire de leurs journaux nationaux du soir. Très vite imités par tous leurs confrères de la presse écrite et des autres Télévisions :
«« Aujourd'hui sera le point de départ de l'An I de la Nouvelle Ere Grand Asiatique. Les Glorieux Empires des Ming et de Songtsen Gampo se trouvent à nouveau réunis en une seule et même main et retrouveront bientôt leurs anciennes limites. Nous réclamerons les terres qui nous dont nous avons été spoliés par les envahisseurs japonais et occidentaux.
Et, pour que la sagesse et la clarté de Bouddha me guident dans le droit chemin pour conduire mon Peuple vers sa grandiose Destinée
*[Grands réseaux de Télévision déjà cités plus haut, couvrant à l’époque tout le territoire des U.S.A. : C.B.S., A.B.C. et N.B.C.]
prairies. Le palais du Potalah à Lhassa sera ma nouvelle résidence d'où je gouvernerai vos âmes.
Mais la restauration d'un Empire ne veut rien dire sans un Empereur. Aussi, à compter de ce jour, je me proclame, Moi, Basam Damdu, Empereur du Grand Empire du Xi-Zang, et déclare ce jour « Jour de Fête nationale ». Ensemble, nous marcherons d'un même pas vers la Puissance et respectes par les autres Nations.
Nous avons déjà éliminé les suppôts de l'Impérialisme et les fauteurs de troubles à l'intérieur de nos frontières. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Rejetons à la face de la Terre les Dix fléaux qui ont ruiné l'ancienne Chine. L'Ordre Nouveau est en route ! »»
Ce discours, largement commenté et analysé dans tous les médias, par toutes sortes de personnalités toutes plus compétentes les unes que les autres, provoque une stupeur bien compréhensible au sein des Gouvernements les plus concernés qui s'interrogent sur la suite des actions entreprises par le nouvel empereur. Ainsi apprend-on que Zhou En-laï, Zhu De, Hua Guo-feng, et même Chen-Yi, restés jusque-là dans les coulisses du Pouvoir, ont été limogés.
Les Affaires étrangères se promettent de suivre d'un oeil attentif le déroulement des évènements futurs dans cette partie du Monde. Les Etats-majors restent circonspects mais guère alarmés. Les affaires internes de la Chine, quel que soit son nouveau nom, n'étant pas la première de leurs préoccupations. Pour l'instant du moins. Affaire à suivre, se dit-on.
Du 06 au 20 juillet, délégués asiates et russes se rencontrent afin de tenter une réconciliation. Peine perdue. Le vingt du mois suivant, la Russie accuse les « Chinois » de plus de cinq mille violations de frontières durant l'Année 1962.
Début septembre, va survenir l'incident de la gare-frontière de Naouchki entre cheminots asiates et douaniers soviétiques. C'est la rupture définitive. L'U.R.S.S. déploie plusieurs régiments le long de la frontière kazakhe.
Le Pakistan signe avec le Grand Empire Zang un traité sur les frontières, mais se retourne contre l'Inde à propos du Rann de Cach. Après un apaisement provisoire, il se lance dans des opérations de commandos musulmans au Cachemire.
C'est alors à la Malaisie d'entrer dans la danse. La proclamation de la Fédération de Malaisie donne le signal de luttes sanglantes entre les commandos asiates et les « commandos » indonésiens. Il y aura ainsi plusieurs conflits continuels entre Asiates et Malais.
Le Kremlin tente la réconciliation avec Lhassa en préparant une réunion internationale des P.C. Sans succès. Basam Damdu rejette l'invitation et dénonce les empiètements territoriaux continuels de l'U.R.S.S. A la suite de quoi, dix P.C. passent dans le camp asiate (dont trois au pouvoir) ; treize d'entre eux ont une scission anti-asiate, tandis que quatre enregistrent une fraction pro-asiate. Cuba est condamné pour avoir choisi le camp soviétique.
Du fin fond des hauts plateaux thibétains, le maître absolu du Grand Empire Zang proclame la « Nouvelle Politique extérieure » : lutte armée contre les impérialismes sur tous les continents qu'il charge le Maréchal Lin Biao, toujours Ministre de la Guerre, de faire appliquer. Des rumeurs non vérifiées circulent sur une possible réorganisation para-militaire de tout l'Empire. Bien que les nouvelles filtrent très difficilement hors des frontières, il semblerait que l'industrialisation ait fait un pas de géant, le mettant pratiquement sur un pied d'égalité avec les pays d'Europe. Avec une forte proportion de sites industriels axés vers l'armement.
Poussé par la nouvelle politique de son grand voisin, le Nord Viêt-Nam attaque sans merci les territoires au sud du 35ème Parallèle, obligeant les Américains à une intervention massive directe, pour éviter l'effondrement de Saigon, suite au coup d'Etat militaire qui voit la mort de Ngo Dinh Dièm.
Les Soviétiques profitent de ce que les efforts et l'attention des Etats-Unis soient portés sur le Sud-est asiatique pour aider le Parti Baas et les militaires à prendre le pouvoir en Syrie et en Irak, où ils éliminent le Général Kassem.
Tous ces évènements ne font rien pour atténuer les tensions entre les deux Grands ; surtout après le procès et l'exécution du Colonel Oleg Penkovski, accusé d'espionnage au profit des Etats-Unis.
Pendant ce temps, l'Empire Zang compte les points.
D'autant plus que les Américains et l'O.T.A.N. affrontent leur première grave crise diplomatique d'importance au sein des Nations occidentales. La France retire sa Flotte de l'Alliance atlantique, suite aux controverses qui apparaissent sur la constitution d'une Force atomique multilatérale munie de fusées Polaris.
Survient enfin, en novembre, à Dallas, l'assassinat du Président Kennedy qui plonge la Nation tout entière dans le désarroi.
Pourtant, le Monde dort presque tranquille en ce début 1964.
Mais, déjà, nuage annonciateur du terrible orage qui va bientôt assombrir et dévaster la Terre, le champignon incandescent de la première explosion atomique asiate déploie sa mortelle couronne au-dessus des étendues salées du lac Koukou Nor, dans la Province du Qinghaï. Et ce, quelques mois à peine après la signature du Traité de Moscou squi interdisait les expériences nucléaires atmosphériques ; lequel est dénoncé par Lhassa et la France.
L'Empire Zang se voit enfin reconnaître officiellement (ce que n'a jamais pu obtenir l'ancienne Chine communiste) par le premier pays non-communiste, et membre du Conseil de sécurité de l'O.N.U. - la France -, et noue aussitôt des relations diplomatiques privilégiées avec elle. Alors que, dans le même temps, celle-ci menace de se retirer de l'O.T.A.N.
Continuant à pousser ses pions vers l'extérieur, Basam Damdu use subtilement des rapports particuliers qu’il entrettient avec les Partis communistes qui ont choisi son camp en tissant des liens de plus en plus étroits avec ces pays « frères » en la Révolution. Notamment en Amérique centrale et du Sud où se développent, s'intensifient, et progressent de plus en plus de mouvements de guérillas pro-asiates. Le même scénario se reproduit à l'intérieur de quelques-unes des Républiques nouvellement indépendantes du Continent africain.
De sourdes et secrètes alliances se nouent, jugées impensables, quelques années auparavant par les meilleurs experts politiques et militaires.
Dans les Etats-majors occidentaux, cette recrudescence d'activité et les rapports de plus en plus alarmants en provenance d'agents sur le terrain commencent à semer le doute dans les esprits des stratèges, et à faire germer l'idée que, en fin de compte, s'est-on peut-être trompé d'ennemi. Ennemi qui, jusqu'à présent, avait toujours été représenté par le péril communiste en provenance de derrière le « Rideau de fer ».
Il semble maintenant patent que le danger pourrait à présent venir d'un « Péril jaune » autrement plus dévastateur, symbolisé par un ouvrage, au titre prémonitoire : « Quand la Chine s'éveillera »*.
Les Chancelleries multiplient les ambassades auprès de la Cour de Lhassa pour tenter d'obtenir des apaisements de la part du maître de l'Empire Zang, tout en essayant de se rassurer elles-mêmes.
Le Conseil de sécurité de l'O.N.U. se réunit de session extra-ordinaire en session extraordinaire sans que rien de concret, jamais, n'aboutisse.
Le représentant de Lhassa, lors de la séance à laquelle il a été convié, réfute, avec la dernière fermeté, que son pays puisse avoir des visées expansionnistes ou belliqueuses. Et que sa politique d'armement et de conscription ne vise qu'à mieux assurer la défense de ses immenses frontières ; notamment face aux perpétuelles provocations des impérialistes soviétiques ! Et pour parer aux menaces que font planer, sur les populations, les bombardements massifs de l'Aviation américaine en territoire nord-viêt-namien ; trop près des villages et campagnes de l'Empire ! Et pour se préserver d'une attaque, toujours possible, des traîtres et des lâches de Taï-Peh !
Moscou, 2 Place Dzerjinski, 14 octobre, 06h45…
Le Président du K.G.B. boit un café noir que vient de lui apporter son secrétaire en lui remettant le courrier de la nuit.
Parmi les notes et rapports, tous hautement confidentiels, ses yeux s'arrêtent sur une chemise de couleur bleue émanant du Lieutenant-Général Ryazine, Directeur du 1er Direktorat général (actions de Renseignements sur le terrain) estampillée « Ultra-secret » et « Priorité Un ». Le plus haut degré d'urgence, pour des dossiers généralement classés « Priorité 3 », ou « 2 », plus rarement.
*[Ouvrage publié par l'homme politique français Alain Peyrefitte en 1973, à son retour de Chine]
Dès les premières lignes, son attention est telle qu'il en oublie son café. Il lit à toute vitesse, sautant bientôt les alinéas, les paragraphes, et en arrive très vite à la conclusion, soulignée de rouge :
«« EN CONCLUSION.
TOUS NOS AGENTS INFILTRES SUR PLACE, TANT AU THIBET QUE DANS LES AUTRES PROVINCES, FONT MENTION D'UN REARMEMENT A OUTRANCE. LES ARSENAUX, AINSI QUE LES SITES INDUSTRIELS MILITAIRES TRAVAILLENT A PLEIN REGIME A LA FOURNITURE DE MATERIELS DE TOUTES CATEGORIES.
D'AUTRE PART, LA MISE EN CHANTIER MASSIVE D'APPAREILS DE COMBAT DE TOUTES CLASSES, ALLANT DU CHASSEUR STRATOSPHERIQUE AUX INTERCEPTEURS D'ATTAQUE, EN PASSANT PAR LES BOMBARDIERS LOURDS DE CROISIERE OU LES TRANSPORTEURS DE TROUPES, PERMET D'ALIMENTER LES ESCADRES AERIENNES A UN RYTHME SOUTENU…
LA FLOTTE, ELLE-AUSSI, FAIT L'OBJET D'UN REAMENAGEMENT COMPLET, ET REÇOIT TOUS LES MOIS DE NOUVELLES UNITES DE CROISEURS, DE CUIRASSES OU DE PORTE-AVIONS GEANTS. SANS NEGLIGER LES AUTRES CATEGORIES DE BATIMENTS. ON PEUT RAISONNABLEMENT PENSER QUE LE CORPS DES SOUS-MARINS, QUELQUE SOIENT LEUR CLASSE OU LEUR TYPE, BENEFICIE AUSSI, ET DANS LES MEMES PROPORTIONS, DES ATTENTIONS DU HAUT COMMANDEMENT ASIATE.
LES DIFFERENTS CORPS D'ARMEES SONT TOTALEMENT REFONDUS ET REORGANISES. DE NOUVELLES DIVISIONS SOLIDEMENT AGUER-RIES SONT AINSI FORMEES, DONT LES TROUPES SONT DOTEES D'UN ARMEMENT D'ASSAUT ET DE CAMPAGNE DE DERNIERE GENERATION.
A L'ARSENAL DE XIGAZE, PRES DE LHASSA, OU LES MESURES DE SECURITE SONT MAXIMALES (NOUS N'AVONS PAS ENCORE PU Y PENETRER MALGRE TOUS NOS EFFORTS), SERAIENT DEVELOPPEES DE NOUVELLES ARMES CHIMIQUES ET NUCLEAIRES.
A VERIFIER.
IL RESSORT DE TOUT CELA QU'IL EST A PEU PRES CERTAIN QUE LHASSA SE PREPARE A UNE GUERRE D'INVASION DE GRANDE EN-VERGURE.
LES SEULES INCONNUES RESTANT LA DATE ET LE LIEU ; MAIS NOS FRONTIERES ENTRE LE SIN-KIANG CHINOIS ET LA R.S.S. DU KAZAKHSTAN, RESTENT VRAISEMBLABLEMENT LES PLUS PLAUSIBLES. NE PAS OMETTRE, CEPENDANT, UNE TRES FORTE PROBABILITE A PARTIR DES FRONTIERES DE LA MANDCHOURIE, LE LONG DU FLEUVE AMOUR.
QUANT A LA DATE, AU VU DES NOMBREUX RAPPORTS ET ELEMENTS EN MA POSSESSION, JE QUALIFIERAIS LA MENACE DE REELLE ET A TRES COURT TERME »».
Enfermant les autres dossiers dans l'énorme coffre qui occupe tout un pan de mur de son bureau, le président sonne sa voiture et se fait conduire immédiatement au Kremlin ; empruntant le passage de la porte Spasskaïa, il va y retrouver un autre membre du Politburo, l'idéologue du Parti ; homme chargé de veiller à la bonne application des directives du Parti et chargé d'en faire respecter l'orthodoxie. C'est peut-être bien lui qui détient le véritable pouvoir au sein du Praesidium du Soviet suprême. C'est certainement l'homme le plus craint et, aussi, le plus haï d'Union soviétique. Même parmi ses collègues que tous essaient de se ménager.
L'homme froid et ascétique fait asseoir le président et prend à son tour connaissance de la teneur du rapport.
Dans l'heure qui suit, tandis que le Secrétariat du Comité central a été convoqué d'urgence en réunion plénière, des copies du dossier du 1er Direktorat sont disposées à la place de chaque membre du Politburo. Chacun s'interroge secrètement sur le pourquoi de cette réunion extraordinaire, cherchant à savoir s'il n'est pas en cause.
A 08h30, Khrouchtchev, en tant que Secrétaire général, ouvre la séance, sans en connaître, encore, la raison.
Au bout d'une heure et demie de délibérations houleuses, le Bureau vote à main levée et à l'unanimité (moins une voix) la mise en accusation et la destitution immédiate de Nikita Khrouchtchev, pour faiblesse notoire et coupable, dans la conduite des affaires de l'Etat ; et du Maréchal Kropotkine, Chef d'Etat-major des Armées, pour incompétence criminelle.
Khrouchtchev sera assigné à résidence dans sa datcha jusqu'à sa mort. Le maréchal est exécuté sommairement à l'aube du lendemain.
A la suite des changements radicaux intervenus à la tête de l'Etat et de l'Armée soviétiques, le nouvel homme fort du Régime décide le déploiement immédiat de quarante Divisions russes qui viennent prendre position le long de la frontière sino-soviétique. Ainsi que la construction, dans le plus grand secret, de deux bases de missiles tournés contre la Chine.
En réponse à cette démonstration officielle de force, Basam Damh-dü expédie cinquante-cinq Divisions établir leurs quartiers en face de celles-ci. Un statu quo explosif s'instaure des deux côtés de la Ligne de Démarcation.*
Il ne faudra pas plus de six mois, et quatre expériences, au centre d'études nucléaires de Lanzhou, à l'est de l'Amdo, pour mettre au point la bombe thermo-nucléaire asiate qui explose dans le bassin désertique du Lop Nor, dans la Province du Xinjiang.
Lhassa, palais du Potalah, 1er février 1965…
L’Empereur Basam Damdu reçoit en audience particulière le Colonel Hazel Olrik, chef du redoutable 13ème Bureau*, venu lui faire part des dernières informations reçues en provenance de l'usine de Scaw-Fell dont les activités sont suivies de très près par ses services.
-- Merci, Sire, d'avoir bien voulu me recevoir si vite.
-- Et de quoi s'agissait-il colonel, que vous ayez mis autant d'empressement à me voir ?
-- Notre agent à Scaw-Fell, qui fait partie, ainsi que vous le savez, des ingénieurs-moteurs, vient de nous faire part d'une nouvelle cruciale pour nos plans d'invasion.
Les études qui avaient été entreprises sur un nouveau type d'avion de combat dont, je cite le Pr. Mortimer lui-même, « les capacités de vol et les armements seront en avance de vingt ans sur tout ce qui se fait actuellement, et assureront aux Forces aériennes de l'Alliance atlantique une suprématie totale et absolue dans les airs comme sur terre ! », entrent dans leur phase finale. La construction du premier prototype vient d'être lancée.
-- Diable, colonel ! Ceci pourrait compromettre nos chances de victoire rapide. Et je veux que rien, vous m'entendez, rien ne nous arrête ! Je veux que cette usine et ce qu'elle renferme soit détruite ! Qu'il n'en reste pas pierre sur pierre ! tonne le dictateur. Je ne veux pas qu'il reste la moindre trace de ce..., comment l'appelez-vous ?
-- L’ « Espadon », Votre Majesté. Mais, permettez-moi de vous soumettre une autre alternative. Puisque cet appareil existe, ou est sur le point d'exister, pourquoi n'en profiterions-nous pas pour nous en emparer intact, ainsi que des plans, lors de notre attaque-éclair ?! Si cet appareil doit effectivement surpasser le « A-12 » dont je vous ai livré les plans du prototype, et, a fortiori, notre « Lyukhä A11-F2 », qui en est l'extrapolation, de par ses caractéristiques techniques et per-formances, ... autant l'avoir chez nous !
-- Vous avez peut-être raison, colonel. Cet... « Espadon », s'il s'avère bien être ce que prétend son créateur, pourrait nous rendre définitivement invincibles. Grâce à lui je deviendrais le Seul Maître de ce Monde ! finit-il, songeur.
Allez, colonel, qu'il en soit fait ainsi ! Mais vous superviserez personnellement cette partie du Plan d'invasion.
-- A vos ordres, Votre Majesté. Je vous ramènerai les plans de l' « Espadon » !
*[Evènements qui surviennent, en réalité, en 1967, suite aux incidents avec des étudiants chinois à Moskva et au Siège de l'Ambassade d'U.R.S.S. à Beijing]
NB : Tous les passages, personnages et faits en italique sont des rappels d'évènements historiques avérés, authentiques et vérifiables
Bonnes lectures
Re: Novellisation du Secret de l'Espadon
Cela donnera une idée aux lecteurs et possibles intéressés
Demain, je posterai le premier chapitre du Tome 2
« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur.
Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre ! »
Winston Churchill – (1874/1965)
Blake, vacillant, fermement soutenu par Nasir aux aguets, marche vaillamment vers le but ultime. Le regard fixé sur les falaises qui semblent le narguer, à quelques centaines de yards. Il serre les dents mais tient bon, fermement agrippé à la robuste épaule de Nasir.
Guidé par la médiocre clarté chichement dispensée par le dernier quartier de la Lune, Blake compte les pas et surveille les repères qui marquent les bornes du territoire interdit : 287 pas en direction de ce rocher isolé au centre de la plage, puis 62 autres, direction la pleine mer. Pour cela, il leur faut patauger dans le reflux qui grandit et menace peu à peu la large bande sable qui forme le rivage. Ensuite, une longue ligne droite de plus de 400 pas en direction du Nord-nord-ouest, avant d’esquiver une poche qui borde et entoure une légère dépression qui disparaît presque sous l’eau à l’heure qu’il est.
Blake sue sous l’effort et la concentration que ce cheminement infernal lui impose, mais tient bon. Plus qu’une petite centaine de pas et ils seront arrivés au bout de leurs peines. Et bientôt, ils touchent au but, talonnés par le jusant qui les presse, pour se fondre immédiatement dans le fouillis de roches effondrées qui barrent ce que l’on ne découvre qu’en étant dessus : une faille béante, à peine plus haute que la stature d’un homme, découpe la falaise, légèrement en retrait.
-- Maintenant, nous devons progresser sans lumière jusqu’à ce que je te le dise, car nous pourrions trop facilement être repérés du dehors par une des patrouilles qui ne doivent pas manquer de nous rechercher !
Aussi, menés par Blake qui se repère uniquement à des tout petits riens mémorisés de longue date, ils pénètrent dans cette sorte d’étroit couloir naturel ouvert dans la masse compacte de roches qui les surplombe et les enserre. Ils progressent encore sur une longueur de quelques dizaines de pas dans nuit la plus totale avant de s’arrêter devant un rocher, massif, qui semble bloquer toute la largeur du passage.
Arrivé à cet endroit, épuisé par cette dernière marche forcée, il demande à Nasir de l’aider à s’asseoir sur un bloc de roche et lui indique en quelques mots la marche à suivre, car la marée les rattrape dans ce boyau sans issue. En restant là, ils risquent la noyade.
Laissant le colonel, Nasir exerce une pression latérale sur le rocher qui se met lentement à pivoter, comme monté sur des roulettes, sur un demi-yard à peu-près. Ce rocher articulé dissimule en fait un autre passage, une ouverture, artificielle celle-là, qui se prolonge par une nouvelle galerie, plus large, en légère montée.
Revenu auprès de Blake, Nasir bat enfin le briquet de brousse qui ne le quitte jamais, et une faible lueur tremblotante leur permet alors d’avancer sans risquer le faux pas. Le rocher remis en place derrière eux bloque à nouveau le tunnel d’accès dont la mer balaiera bientôt toutes traces de la manipulation.
La montée se fait un peu plus forte, entrecoupée de semblants de marches taillées dans la roche à coup d’explosifs ; marches qui font plus cruellement souffrir Blake que tout ce qu’il vient d’endurer.
Enfin, apparaît un imposant panneau d’acier qui ferme hermétiquement la trouée.
-- Et maintenant, Colonel ?! s’enquiert le fidèle Nasir inquiet à voir la mine terreuse du colonel à bout de forces.
-- Tu vas faire ce que je ne suis plus en mesure de faire, mon brave. Alors, écoute-moi attentivement ! Car, de la sûreté de tes gestes dépendent nos deux vies, maintenant ! Avance jusqu’à la « porte ». Bien ! Sur la partie droite du panneau, dans une étroite niche creusée à peu près à hauteur de tes yeux, tu as une espèce d’œil verdâtre grand comme une pièce d’une Livre. Tu le vois ?
-- Yes, Sir !
-- Tu vas passer très lentement ta main devant cet « œil ». D’abord, par quatre fois, de bas en haut ! Puis trois fois de gauche à droite ; et enfin, une nouvelle fois, de haut en bas. C’est une cellule au césium qui va donner l’alerte et transmettre un signal au Central Veille Makràn de la Base. Ce signal, correctement exécuté, sera reconnu comme valable, et va déclencher l’ouverture de cette « porte ». Nous pourrons alors pénétrer dans une large caverne naturelle dont tout le fond est constitué d’une sorte de lac souterrain très dangereux que nous franchirons grâce à une arche de pierre qui le surplombe. Je t’indiquerai la marche à suivre au fur et à mesure de notre progression…
Sur les instructions de Blake, Nasir s’exécute et, très vite, en émettant une sorte de grésillement pratiquement inaudible, la « porte » coulisse vers le haut, découvrant un nouveau passage, taillé à main d’hommes, duquel émane une étrange lueur crépusculaire. Ils s’y engagent tous d’eux pour déboucher dans une immense caverne toute bruissante d’une sorte de vie invisible et affairé. La voûte semble se perdre dans d’épaisses ténèbres que d’étranges points lumineux éparpillés de-ci de-là ne parviennent pas à percer.
Nasir n’a jamais eu à faire à des champignons luminescents de ce genre et reste perplexe à ce spectacle étonnant. Il faut que Blake le presse du coude pour le rappeler aux réalités du moment :
-- Il nous faut franchir cette espèce de pont de pierre et atteindre l’autre côté. Restons bien au centre ! Une fois arrivés de l’autre côté, nous serons en sécurité et presque arrivés. Mais une autre épreuve, difficile pour moi, dans mon état, nous attend encore. Allons !
Poste de commandement de « B.S. »…
Dès que le signal déclenchant l’ouverture du panneau a été perçu par le système électronique de veille, les hommes de veille ont pris le relais, et les consignes fusent :
-- Allo ! Allo ! Ici poste de guet Makràn Sector ! Nous avons une intrusion contrôlée du côté du Makràn. Le code d’accès a correctement été signalé mais nous n’avons pas d’entrée annoncée. Il semble dont qu’il doive s’agir de quelqu’un des nôtres, mais n’avons aucune identité de qui il peut s’agir. Aucune patrouille n’est de sortie en ce moment et nous n’avons pas reçu d’information à ce sujet. Je suggère d’envoyer un « comité de réception » pour vérifier de qui ou quoi il s’agit !
-- Central Room à Poste de guet Makràn Sector, bien reçu ! Même si aucune patrouille n’est de sortie, nous attendons quand même de la visite. Bien que sans nouvelles de notre transport depuis presque deux semaines, il se pourrait que les hommes envoyés sur « B.32 » soient enfin de retour ! Nous ne devrions pas tarder à être fixés sur ce point dès que les « intrus » auront atteints la deuxième porte. De toute façon, nous envoyons une patrouille.
Dans les profondeurs du Détroit d’Ormuz…
Après avoir franchi le gouffre sans fond, les deux hommes s’engagent dans une sorte de labyrinthe de galeries et de salles troglodytes descendantes aux contours fantastiques où pullulent ces si étranges espèces de champignons pourvoyeurs de lumière. Manifestement creusées par la Nature, Nasir peut y apercevoir régulièrement d’étonnantes colonnes montantes ou des draperies de calcaire qui descendent des plafonds. Lui qui n’avait encore jamais été en contact avec des stalagmites ou des stalactites en reste émerveillé et comme pétrifié de respect car il y voit l’œuvre du tout puissant Allah.
Ce qu’il ignore pourtant, c’est que des « yeux » invisibles, autant de cellules au césium judicieusement disséminées – et dissimulées à ses yeux --, ponctuent leur progression comme autant de témoins d’alerte qui s’affichent en rouge sur un tableau de grande dimension dans le Central-Veille de « B.S. ».
Tandis que, sur son écran, le guetteur suit leur marche aveugle pas à pas, les deux hommes s’enfoncent dans des profondeurs de plus en plus humides alors que la température ambiante tend lentement vers le haut. Enfin, après une ultime halte dont Blake a perdu le compte, mais qui deviennent de plus en plus fréquentes à mesure qu’il s’épuise, ils parviennent au pied d’une sorte d’escalier grossièrement taillé dans la roche dont les marches viennent buter contre un nouveau panneau d’acier.
-- Je dois à nouveau faire un code pour ouvrir cette « porte » ? demande Nasir ?
-- Non, mon ami, confirme Blake en souriant à demi malgré sa douleur. Cette fois-ci, il va falloir parler, tout simplement ! Nous sommes très probablement déjà attendus de l’autre côté de ce panneau ; aussi, il faut nous annoncer, comme des gentlemen que nous sommes. Place-toi sur la dernière marche et regarde sur ta gauche ! Tu devrais voir comme une sorte de conduit à près d’un mètre soixante du sol. Right ?!
-- Right Sir ! J’y suis.
-- Tu es face à un micro caché au fond du conduit et donc, invisible à qui n’est pas au courant. Dis simplement « Liberty » à haute voix en articulant bien. Cela devrait suffire à nous ouvrir la « porte ».
Nasir obtempère et, à peine a-t-il prononcé le sésame que, comme à un signal invisible, la lourde barrière d’acier commence à se soulever dans le plus complet silence… dévoilant un nouvel espace brillamment éclairé.
-- Nous allons, je vais enfin pouvoir me reposer. Et toi, te laisser conduire, conclut-il. Nous avons été suivis, espionnés, dirais-je, tout le long de notre parcours. Et le temps que nous arrivions jusqu’à cette « porte », le comité de réception s’est certainement mis en place.
En effet, comme pour répondre mot pour mot à ses dires, dans ce qui semble un immense tunnel sans fin éclairé de loin en loin par des lumignons suspendus à la voûte, un petit train, électrique, est là, qui attend les deux hommes… encadré par une dizaine d’hommes armés jusqu’aux dents, l’arme prête… Au cas où…
-- Ce… taxi va nous conduire, sans fatigue, jusqu’à la base, à présent, reprend Blake, avant de se tourner vers le lieutenant qui commande la section. Bonjour lieutenant, je suis le colonel Francis Blake, en provenance de Scaw-Fell.
-- Mes respects, Sir ! Ils commençaient sérieusement à craindre le pire, là-haut ! Nous étions sans nouvelles de vous et de l’équipage, et on ne vous attendait vraiment plus. Aussi ça été une véritable surprise lorsque les signaux se sont allumés. Bienvenus à « B.S. » messieurs. Si vous voulez bien embarquer, nous partons immédiatement…
-- Juste une chose, lieutenant…
-- Oui, Sir ?!
-- J’aimerais bien griller une cigarette, si vous avez cet article en stock, plaisante Blake. Ensuite, vous avertirez l’amiral Gray que je suis arrivé et vous avertirez également l’infirmerie que j’ai grand besoin d’être rafistolé, finit-il en désignant sa cheville d’un pauvre sourire.
-- Aye, aye, Sir ! Je m’occupe de tout cela ! Montez et reposez-vous le temps du voyage. Vous savez le temps que ça prend, je crois ?!
-- En effet, lieutenant. Mais, si je m’endors, je crains bien de ne plus être bon à grand chose à notre arrivée. Well, nous verrons, bien ! En route, donc !
Sitôt que toute la troupe a pris place dans les wagons, le train s’ébranle, prend peu à peu de la vitesse, et fonce bientôt à près de cinquante miles à l’heure dans ce tunnel qui s’enfonce à perte de vue, aux yeux sidérés de Nasir.
Pendant ce temps, à Karachi…
Débarqué de l’« Aile Rouge » sans précautions particulières, Mortimer est conduit en fourgon militaire blindé jusqu’à l’ancienne résidence de l’ex-Premier ministre dans laquelle Olrik a pris ses quartiers et installé le quartier-général de ses services.
Pour le professeur, enfermé à double tour dans un appartement situé au dernier étage de l’aile Ouest, désormais totalement coupé du monde extérieur, cloîtré au fond de ce qui lui tient désormais lieu de résidence, la guerre semble être une chose bien lointaine, comme d'un autre temps.
Il est dans l’attente qu’Olrik donne suite à ses menaces, à peine voilées, proférées lors de sa capture, sous des dehors bonhommes.
Il se mure néanmoins dans son obstination à rester muet aux diverses sollicitations de ses geôliers.
On n'en est encore qu'aux moyens de persuasion et à la carotte. Mais on pourrait bien passer très vite à des méthodes plus... musclées s’il persistait dans son mutisme.
Prison de Mortimer, 26 septembre…
-- Alors, cher ami, commence Olrik, ce jour-là, cinquième jour de sa captivité. Dans quel état d’esprit êtes-vous ce matin ?
Les jours dès lors vont passer en se ressemblant tous étrangement, seulement ponctués par les visites régulières de son geôlier venant s’enquérir, à heures fixes, de son état d’esprit et de sa coopération :
Pour Mortimer, totalement coupé du monde extérieur, cloîtré au fond de sa cellule, la guerre semble une chose bien lointaine, comme d'un autre temps. Il se mure dans son obstination à rester muet aux diverses sollicitations de ses geôliers. On n'en est encore qu'aux moyens de persuasion et à la carotte. Mais on pourrait bien passer très vite à des méthodes plus... musclées.
Au-dehors, sur tous les continents, la bataille cependant est loin d'être terminée pour les valeureux combattants des anciennes Démocraties, comme pour ceux des régimes moins... tolérants.
Car, si l'attaque-éclair de Basam Dam-dü a été couronnée de succès ; si quatre-vingt-dix pour cent des objectifs ont été atteints dans sa guerre de conquête, la lutte continue avec des poches de résistance ou des unités obstinées à ne pas baisser les armes sans rendre coups pour coups... jusqu'à ce que mort s'ensuive... car il n'y a plus d'espoir.
Entre une reddition honteuse et une mort glorieuse, pour un soldat,
le choix est assez simple.
Fin septembre…
A la fin du mois, deux proclamations d'origine et d'importance très diverses, viennent bouleverser les populations asservies. L'une, qui émane du Grand Quartier-Général des Forces impériales, ne va pas manquer de les accabler en leur faisant nettement prendre conscience qu'une page est tournée et qu'il leur faut désormais vivre sous la botte de l'occupant Jaune ; l'autre, au nom du Nouveau Quartier-Général du Monde libre, et du « Réseau Liberty » des Forces de la Résistance, diffusée par des canaux clandestins, va leur redonner aussitôt espoir en leur faisant clairement comprendre que, non, tout n'est pas fini... Un instant abattue, la Liberté redresse la tête, prête au combat. La lutte ne fait que commencer.
Je vous les communique in-extenso ci-après :
Dans tous les pays, fondus maintenant en un même et grand Empire, sous le sceptre de notre glorieux Empereur, des collaborateurs, conscients des intérêts supérieurs de leurs compatriotes, joignent leurs efforts à ceux du Gouvernement Militaire, en vue d'organiser rapidement l'Ordre Nouveau.
Partout, des hommes résolus et compréhensifs se remettent au travail, afin de relever les ruines causées par l'incurie et la corruption de leurs anciens gouvernements ploutocratiques. Et c'est avec enthousiasme qu'ils s'enrôlent sous la bannière du Nouvel Empire, pour participer ensemble à l'édification du Monde de Demain !
Le Colonel Olrik, Directeur du 13ème Bureau, et Conseiller militaire de Sa Majesté, a été élevé à la dignité de Commandeur de l'Ordre du Soleil Pourpre, pour les éminents services rendus au cours de cette campagne.
Général Kulkoü-Noor.
Commandant de la 7ème Zone.
Un agresseur féroce et impitoyable nous a battus par surprise en faisant usage, à leur puissance maximum, d'armes terribles mises au point par la technique la plus moderne !
A cette brutalité implacable, sans précédent dans l'Histoire des Peuples, nous répondrons par la plus froide détermination !
Pas de pitié pour les traîtres qui se seront mis au service des conquérants !
Chaque jour, plusieurs de ces misérables payent de leur vie, leur lâcheté et leur ignominie !
Chaque jour aussi, nos actes de sabotages désorganisent la puissance de l'ennemi et préparent notre revanche.
Celle-ci sera décisive, car le moment est proche où, en possession d'une arme d'une efficacité absolue, irrésistible, nous serons en mesure de rejeter les Asiates dans leur repaire du Thibet, où nous les écraserons une bonne fois pour toutes !
En ce jour, le mot d'ordre est donc toujours : CONFIANCE et TENACITE !!! COURAGE !!!
Pendant les semaines qui suivent, les forces du Grand Empire Zang poursuivent leur mise en coupe réglée de toutes les parties du Monde.
Les nouveaux maîtres du moment y exercent dorénavant le pouvoir avec leurs plus fidèles partisans et alliés, en réprimant avec une brutalité et une sauvagerie sans limite toutes tentatives de résistance.
Les anciennes frontières sont abolies et des gouverneurs gèrent les nouvelles provinces avec une poigne de fer en s'appuyant sur une soldatesque omni-présente.
FIN du TOME Premier
Re: Novellisation du Secret de l'Espadon
Merci pour ce partage ! C’est rare de voir une adaptation aussi aboutie d’un classique. Ce genre d’événement créatif ici donne vraiment une seconde vie à l’univers de Blake & Mortimer. Hâte de découvrir tout ça en PDF.
Re: Novellisation du Secret de l'Espadon
à raison d'un chapitre chaque semaine, si je ne suis pas mort d'ici là...

