Ces planches test et les cases en couleur sont absolument magnifiques ! Je ne les connaissais pas et viens de les découvrir en me promenant dans cette section du site. J'avoue aimer les trois cases en couleur autant l'une que l'autre, avec une petite fascination pour l'atmosphère londonienne de mauvaise saison si justement évoquée dans la première. Voir reparaître l'espadon ( et son bleu unique) dans l'atelier de la seconde est aussi une très belle surprise. Quant à la dernière qui n'est pas sans faire songer au
Piège diabolique, elle se signale par son ciel de fin d'après-midi orageuse, si typique de Jacobs dès le premier volume de la série : j'adore ce type de luminosité. D'une manière générale, les trois types d'ambiances relativement sombres du point de vue chromatique qu'on voit dans ces trois case, sont remarquables. Les atmosphères lumineuses de demi jour, de pénombre et de crépuscule ou d'aurore, participent aussi de la poésie si particulière de Blake et Mortimer, comme des emblèmes des aventures des deux héros toujours entre menace catastrophique et promesse de renaissance.
Pour revenir à Sterne, on en vient à penser en voyant les planches et les cases test que, réellement, l'univers de Blake et Mortimer peut être infini. Imaginons par exemple que ce "départ d'histoire" sans suite et fin donnée, devienne, repris par un autre dessinateur qui s'efforcerait de et parviendrait à retrouver la même ligne et les mêmes chromatismes, et un scénariste qui en fasse autre chose qu'une amorce d'essai conduisant à
La Malédiction des trente deniers, le début d'un véritable album complet, distinct de ce pour quoi ces planches et cases ont été conçues par Sterne ! Ce qui me reconduit à la question de la chronologie dont je discutais récemment à propos d'une petite curiosité temporelle dans
La Marque jaune, (voir page 2 de "La marque du pinailleur" à propos de cet album). Rob 1 me disait : "A mon avis, Jacobs n'a jamais cherché à inscrire ses histoires dans une chronologie claire et nette, il démarrait dans "son" présent à chaque fois et c'est pour ca que la 3e guerre mondiale n'a pas de conséquence visible dans les autres histoires, mis à part quelques allusions verbales." Je crois qu'il a raison et, pour aller plus loin dans ce sens, que, même si la classification chronologique des albums des repreneurs selon l'évolution des années et de leurs différentes périodes, album par album est extrêmement intéressante, elle n'est finalement pas essentielle comme norme de ce que devrait être les albums futurs, si on ne fait pas du critère de la vraisemblance chronologique un absolu. Si on se place du point de vue du réalisme strict, elle a toute son importance, mais si on privilégie la pure poésie de la série (sujet sur lequel j'aimerais bien revenir un jour plus longuement car celle-ci n'est pas à mon avis que narrative), elle devient je crois, sinon secondaire, du moins moins fondamentale. Après tout nous vivons dans l'époque des mondes parallèles que postule la théorie des cordes ! Mais sans plaisanter, je trouve que les planches et cases de Sterne sont de ce point de vue là une sorte d'exemple voire d'emblème de ce que des variations temporelles sont possibles, creusant et complétant la temporalité logique de toutes sortes de ramifications intérieures, comme des bras de rivières ou comme des dimensions supplémentaires dans l'épaisseur du temps officiel des calendriers. Car, avec ces planches et cases test, nous avons bel et bien des départ de récits qui ont leur propre cohérence. En tout cas, c'est très beau à découvrir et cela convient bien à une fin de dimanche entre orages et embellies !
