Pour ce nouvel opus, nous retrouvons comme scénariste Yves Sente, qui officie depuis 2000. Pour le dessin, deux Hollandais, Peter Van Dongen et Teun Berserik qui ont l’habitude de travailler à 4 mains. Je me souviens avoir vu dans le DBD hors-série spécial E.P. Jacobs une planche crayonnée, où les Espadons attaquent le palais de Basam-Damdu : ce crayonné est fantastique ! Il y a une planche encrée, dans ce même magazine, où les personnages semblent figés, comme si l’encrage avait rigidifié le dessin. C’était une des deux planches d'essais envoyées à l’éditeur par les dessinateurs, donc mes craintes furent modérées.
Le passionné de Blake et Mortimer sait que le scénariste a situé son histoire entre « Le Secret de l’Espadon » et « Le mystère de la Grande Pyramide ». Encore cette manie de vouloir tout expliquer dans l’univers de Jacobs, sans laisser aux lecteurs le plaisir de laisser libre court à leur imagination. Et cela, en totale contradiction avec l’album de Jean Van Hamme et Ted Benoit : dans "L’étrange rendez-vous", les hommes du futur enlèvent le colonel Olrik avant l’explosion nucléaire…

(c) blake et Mortimer - L'étrange rendez-vous. planche 39 - Jean Van Hamme & ted Benoit
Mais comment Olrik, après qu’il a été enlevé dans « L’étrange rendez-vous », dans les dernières planches du « Secret de l’Espadon », peut-il se retrouver à la tête d’un réseau de trafic d’antiquités dans « Le mystère de la grande pyramide » ? Comment est-il revenu en 1949 ?
L’exercice est périlleux, le scénariste attaque d’entrée : Olrik survit au feu nucléaire des Espadons ! Bon sang, mais c’est bien sûr, lors de mon service militaire, le maréchal des logis instructeur nous avait dit : « En cas d’attaque nucléaire, vous vous couchez la tête vers l’explosion, et sept secondes après, vous vous tournez pour que la tête soit face au retour du souffle. »
C’est sûrement ce que le colonel Olrik a dû faire, car il s’en sort indemne… même pas un accroc à sa tenue. Tiens, je remarque que le docteur Sun-Fo a aussi eu le même maréchal des logis instructeur que le colonel Olrik. L’appréhension me guette… l’histoire va être longue… Je ne suis même pas surpris par l’apparition de l’Aile rouge III… Je me demande ce que vient faire là Odilon Verjus : qu’un personnage d’une série soit dans le décor, ou fasse une apparition, il n’y a pas de soucis, mais là… on le retrouve sur plusieurs pages, et il joue un rôle prépondérant…
Ce n’est que la seizième planche, et je ne suis toujours pas convaincu. A la suivante, (enfin) apparaissent Blake et Mortimer, comme Jacobs les a dessinés dans la dernière case du « Secret de l’Espadon ». La suite vient toute seule, et coule comme une rivière… ici, un flash-back sur l’histoire de la Chine… là, une invention pour lutter contre un avion que le capitaine Blake abat lors de sa première sortie… puis, Mortimer se fait enlever… Damned, déjà la fin de la première partie, finalement, le scénariste a réussi à m’amener dans son histoire.
Chaque dessinateur a réalisé sa planche, le lecteur ne sait pas qui a dessiné quoi. Si sur quelques pages, le trait n’est pas toujours jacobsien, quelle surprise de voir à quel point les dessinateurs parviennent à faire du Jacobs dans l’ensemble ! Tout y est, la position théâtrale des personnages, que seuls Benoit, Sterne et Aubin avaient réussie parfaitement jusqu’à maintenant. Si vous voulez être pointilleux, même les plis des vêtements sont bien représentés.
Edit : Après un échange très cordial avec Yves Sente au sujet de l'enlèvement d'Olrik, il précise que dans les récitatifs, il est écrit "Ensuite, nous avons fait de même pour ses principaux chefs d'état-major et les hommes de sa garde personnelle", et Basam-Damdu l'a renvoyé de son état-major à la fin de l'espadon.
J'ai vérifié dans l'espadon, et Basam Damdu ne renvoie pas Olrik, il le fait attacher à la première fusée qui partira. En effet, Jean van Hamme dans son scénario ne fait pas enlever le colonel Olrik, en même temps que les autres. Ce qui laisse croire qu'il se met au service Basam-Damdu lorsque celui-ci revient pour être le leader capable de régner sur la terre entière.