olY-san a écrit : ↑08 déc. 2025, 09:01
(...)
Concernant l'amour de Morris pour les films d'animation, n'a-t-il pas tenté, lors de son séjour aux States en compagnie de Jijé, Franquin et Goscinny si je ne m'abuse, un infructueux rapprochement avec les studios Disney ? Ou je fantasme ?
En fait, c'est surtout
Goscinny qui "fantasmait" sur
Disney spécifiquement. Il n'en faisait pas du tout mystère quand il déclarait par exemple (avec son autodérision drolatique en bandoulière) :
René Goscinny a écrit :« J’étais parti aux États-Unis dans l’espoir de travailler chez Walt Disney, mais Walt Disney l’ignorait » (...) « J’admire Walt Disney. Ce sont ses réalisations qui m’ont donné envie de faire mon métier ».
Goscinny et sa mère ont quitté l'Argentine pour New York dès 1945 et après une période "d'enrôlement" en France (1946, dans l'armée) il retourne vivre dans la
Big Apple à partir de 1947.
Morris, lui, s'est embarqué pour les USA le 3 août 1948 avec la "famille
Jijé" (Joseph Gillain, sa femme et leurs 4 'schtroumpfs') et en compagnie de
Will et de
Franquin. Une odyssée assez frappadingue !
Tout comme Goscinny, Morris avait été totalement enthousiasmé par le premier long-métrage des Studios Disney,
Blanche Neige et les 7 nains en 1938. (QUI ne l'était pas ?!). Mais il avait d'abord adoré leurs loufoques et étonnantes
Silly Symphonies, ainsi que les cartoons des
Fleischer (Brothers) Studios - ceux qui ont créé
Betty Boop puis les adaptations animées de
Popeye... A la fin de la guerre, porté par ses rêves dans ce domaine, il avait travaillé pour un studio d'animation belge, la CBA, aux côtés d'
Eddy Paape (Luc Orient, Marc Dacier...), de
Peyo (!) et même, déjà, de
Franquin !
B. Pissavy-Yvernault d'une part et
Francine de Bevere d'autre part [son épouse] racontent des anecdotes décisives concernant sa passion pour le cinéma, l'animation en particulier :
Bertrand Pissavy-Yvernault a écrit :" (...) il a la chance de disposer chez lui d'un projecteur qui lui permet de se passer inlassablement des films muets, courts métrages ou cartoons - ce qui lui permet de disséquer l'animation et le découpage. "
Francine de Bevere a écrit :" Nous allions dans des cinémas de la 42è rue ou de Times Square spécialisés dans les dessins animés et Maurice analysait ces films plan par plan. "
Le journaliste Jérome Dupuis fait ce commentaire... qui pourrait s'appliquer à une majorité d'artistes (illustrateurs, écrivains, musiciens

, comédiens, etc...) :
"
Comme tout œil aiguisé, Morris est une éponge ".
Les goûts, influences et fréquentations new-yorkaises du créateur de Lucky Luke ont aussi rejoint celles de Goscinny en se cristallisant autour d'une équipe de génies 100% effervescents : celle du magazine délirant & hilarant
MAD, sous la houlette du prodigieux
Harvey Kurtzman.
Morris dira d'ailleurs : "
MAD m'a fait passer de l'humour à la parodie."
New York, 1951. On reconnaît au fond Goscinny, Morris et sa femme Francine. Harvey Kurtzman, la "tête" de MAD, est tout devant à gauche.
J. Dupuis précise même que cela correspond au "
moment où s'invente la bande dessinée d'humour qui, via Goscinny puis Gotlib, contaminera plus tard la France"...
Hors-sujet
Ces trublions américains, presque tous virtuoses, travaillaient pour la mythique maison "EC Comics" - que je cite souvent sur le Forum -, mine d'or de créativité audacieuse mais hélas victime directe de la sombre Comics Code Authority qui s'abattra sur les auteurs et éditeurs fin 1954.
Nos deux auteurs sauront en tirer des leçons... en défendant, tout au long de leur parcours, une indépendance et une intégrité exemplaires, quitte à atterrir sur une "liste noire" comme ce fut le cas pour Goscinny...
Mais là, évidemment, cela n'a plus rien à voir avec les films d'animation !