Le premier regard se porte sur la couverture, où le professeur Mortimer, une lanterne à la main et de l’eau jusqu’aux genoux, est au pied d’un escalier gardé par une statue Egyptienne. Nous avons envie de savoir ce qu’il fait là… C’est simple mais efficace.
« Le Dernier Pharaon », est un album de 91 pages (85 planches) un format proche du format des grandes aventures de Blake et Mortimer par leur père spirituel Edgar P. Jacobs. « Le Dernier Pharaon » ne s’inscrit pas dans le cadre de la série classique, c’est un album hors-série, où l’aventure n’est plus figée dans les années 1950, mais plus contemporaine.(Bien après "Les 3 formules du professeur Satô")
Pour le scénario : Un rayonnement est généré à l’intérieur du Palais de Justice de Bruxelles. Le professeur Mortimer collabore à l’élaboration d’une cage de Faraday tout autour du Palais de Justice, pour essayer de contenir cet étrange phénomène. Au fil des années, la cage de Faraday perd de son efficacité, ce qui amène les autorités à faire évacuer la ville, et de dresser un mur tout autour. Mais le rayonnement ne faiblit pas…
Le professeur Mortimer s’est discrédité aux yeux des scientifiques depuis qu’il est victime de cauchemars à répétition. Plusieurs états décident de réagir, de manière radicale en donnant les pleins pouvoirs à l’armée qui décide d’atomiser le Palais de Justice. Cette solution ne convainc pas le capitaine Blake, qui fait donc appelle à son « vieux » complice, le professeur Mortimer afin de trouver un ultime recours. Le professeur doit traverser Bruxelles où la nature a repris ses droits et qui est devenue presque inhabitée.
L’aventure égyptienne, écrite par Edgar P. Jacobs, ressurgit du fond de la mémoire du professeur Mortimer, et permet d’éviter la destruction in-extremis de la ville et du Palais de justice.
Le scénario, surprenant, embarque le lecteur au fil des pages. Et lorsque l’identité du dernier pharaon est dévoilée, le mot « évidemment » s’échappe du lecteur.
Pour le dessin, il ne faut pas s’attendre à lire un album dessiné à la manière d’Edgar P. Jacobs, car c’est typiquement du François Schuiten. La technique du dessin à trames rappelle la maîtrise dont il fait preuve dans « La tour », « La fièvre d'Urbicande ». On retrouve les angles cassés, les plongées et contre-plongées qui créent le vertige induit par les folles architectures qui caractérisent « Les Cités obscures ». Les personnages sont vieillis, le capitaine Blake beaucoup plus que le professeur Mortimer d’ailleurs. Petit bémol, le professeur Mortimer n’a pas toujours la même physionomie.

Le pinailleur observera qu’une voiture n’a pas le même nombre de fenêtre (précision de Laurent Durieux : le dessinateur à bien dessiné le bon nombre, c'est moi qui ait oublié de mettre en couleur l'axe de porte). Ou que la bague donnée par le Sheik Abdel Razek, disparaît et réapparaît sur l’annulaire gauche du professeur Mortimer. Et le fan de James bond relèvera que "l'imposant" bâtiment est celui du MI-6 et pas du MI-5.(erratum : Dans les années 1980, le bâtiment n'existait pas)
Laurent Durieux signe la colorisation des pages. Et c’est la plus grande réussite de cet album. Chaque case est un tableau. Les ambiances de certaines planches sont superbes et le tout allège le trait de François Schuiten, sans jamais dénaturer l’ensemble.

Le passionné de Blake et Mortimer peut s’interroger sur le fait que le professeur Mortimer ait oublié, en sortant de la chambre d’Horus, la fatidique phrase : « Par Horus demeure ! » alors qu’il la jette au visage de la Marque Jaune.
« Le dernier Pharaon » se lit d’une traite, une heure de lecture où à la dernière page, le lecteur n’a pas envie de lire le mot « FIN ».