Charles Burns : Dédales et autres histoires Toxic... (1/2)
[A ceux qui apprécient uniquement la Bande Dessinée plutôt classique, avec des scénarios et des modes de narration totalement explicites au premier coup d’œil, euh... , vous pouvez zapper sans problème ce petit partage !
]
- "
Dédales" Tome 1, de Charles Burns. Editions Cornélius
Une lecture passionnante et déroutante, comme toujours avec cet auteur américain hors normes...
Son graphisme somptueux, à la fois underground, classieux, vintage et contemporain, offre à l’œil un ancrage (et un encrage

) solide et séduisant, presque rassurant, qui permet de mieux se laisser embarquer dans ses récits tortueux et ses échappées oniriques - souvent cauchemardesques, d'ailleurs. Au sujet de Burns, beaucoup de commentateurs font des parallèles avec de grands cinéastes de l’Étrange, en particulier David Lynch et David Cronenberg, voire Stanley Kubrick. Why not...
(Autoportrait de Charles Burns)
Mais pour moi, surtout depuis son chef-d'oeuvre (en n&b),
"Black Hole", ce gars-là est simplement inclassable. Cartésiens, allez voir ailleurs... Ou bien, comme moi, tentez l'expérience, acceptez de rêver tout éveillés

et laissez-vous captiver et hypnotiser par l'un des univers graphiques (et émotionnels) les plus singuliers et les plus époustouflants qui soient dans le monde de la BD d'aujourd'hui...
- On reste dans le cauchemar éveillé (décidément, vive l'ambiance
jingle bells et merry christmas 
)... mais jubilatoire ! Une lecture à propos de laquelle j'étais pourtant sceptique, a priori : l'adaptation en
roman graphique d'ouvrages cultes de la littérature fantastique - réputés "indescriptibles" - , ceux de
Howard Phillips Lovecraft...
Et pourtant, pari réussi ! En l'occurrence avec l'un de ses textes les plus emblématiques (au même titre que ceux du
Mythe de Cthulhu) : "
Dans l'abîme du temps", brillamment
mis en planches sous forme de manga (

) en noir et blanc par
Gou Tanabe.
Qui plus est, la maison d'édition
Ki-oon a concocté une édition racée et soignée (comme pour les autres titres de Gou Tanabe adaptés de Lovecraft) : le livre offre une épatante reliure imitation cuir, un écrin judicieux pour accentuer la dimension mystérieuse et occulte de ces ambiances à couper au couteau.
En orchestrant un mélange de noirs profonds et de nuances de gris (par trames) d'une incroyable méticulosité, et en dessinant les contours et textures d'un imaginaire à la fois pointilleux et halluciné, le graphisme de l'auteur parvient à retranscrire une part de cet
indicible si cher à Lovecraft. Même les quelques faiblesses sur le dessin des personnages (les visages sont souvent hiératiques, comme taillés dans la pierre) semblent contribuer à l'impact des scènes. Et quand on plonge carrément "dans l'abîme du temps", les perspectives dantesques et les visions cosmiques sont réellement impressionnantes...
